Histoire(s) de la Cinémathèque (7e partie): "On ne voulait pas d'argent" Repérage

2 mars 2019
David Glaser
notreHistoire.ch

Septième partie de notre dossier sur l'histoire de la Cinémathèque suisse. Une folle histoire écrite pas à pas par le critique de cinéma vaudois Freddy Buache - mort le 28 mai dernier à l'âge de 94 ans - au gré de ses rencontres avec des acteurs majeurs du monde de la culture, Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française, en premier lieu. La Cinémathèque suisse a fêté ses 70 ans en 2018 et il paraissait important, voire évident de réunir Freddy Buache et Frédéric Maire, l'actuel directeur de l'institution pour retracer une histoire pas comme les autres. Une rencontre rendue possible grâce à l'aide précieuse de la Cinémathèque suisse et de son équipe de communication Christophe Bolli et Maxime Morisod. Cela s'est passé le mercredi 9 janvier 2019 au domicile du Fondateur de la Cinémathèque suisse à Lausanne.

Freddy Buache chez lui en compagnie de Frédéric Maire, Lausanne le 9 janvier 2019

Cette septième partie est consacrée au récit des premières heures de la Cinémathèque dans le contexte politique très polarisé de l'immédiat après-guerre (les communistes face au reste du spectre politique pour schématiser), d'ailleurs trois membres du Conseil municipal de Lausanne étaient communistes, preuve que la ville affichait une nette inclinaison pour les idées d'extrême-gauche.

Mais Freddy Buache se gardait bien de prendre partie. Lui-même et ses collègues ne demandaient d'ailleurs rien aux autorités municipales, cantonales ou fédérales. Sans doute était-ce le prix à payer pour maintenir la liberté de la Cinémathèque. Certes, la Cinémathèque suisse allait avoir besoin de plus en plus de place pour stocker ses collections mais cela ne les obligeait en rien à quémander, chacun se débrouillant en gagnant sa vie avec des petits emplois ailleurs (journaliste pour Freddy Buache). Les débuts étaient synonymes de pertes d'argent pour la Cinémathèque, comme le raconte le critique de cinéma vaudois dans cet extrait vidéo.

La professionnalisation de la Cinémathèque sera un peu plus accepté par les acteurs. L'intérêt de Jean Peitrequin, le syndic de Lausanne, était connu. Le pouvoir politique local voulait aider l'institution qui grandissait. Ce qui n'était pas encore la volonté de l'administration bernoise, plutôt déconnectée de Lausanne et de sa Cinémathèque suisse.

La personnalité de Freddy Buache n'était pas spécialement appréciée des Chefs de service de l'administration bernoise. Freddy Buache, souvent jugé trop franc dans sa communication, n'avait pas son pareil pour bousculer les lignes. Tout le monde ne faisait pas pour autant de résistance au sein de l'administration fédérale ou dans les institutions finançant la culture comme Pro Helvetia.

Autre pan important de l'histoire de la Cinémathèque suisse: l'expo 1964, une opération qui sera couronnée de succès. Freddy Buache va programmer des films documentaires de Henry Brandt, cinq court-métrages rassemblés sous le titre "La Suisse s'interroge". Un souvenir impérissable pour le fondateur de l'institution lausannoise.

**La loi sur le cinéma est adoptée par le peuple en 1963. C'est Freddy Buache qui en rédigé les grandes lignes. La Cinémathèque suisse pendant ce temps est en plein travail d'enrichissement de ses collections et la "Nouvelle Vague" française prend de l'ampleur, une vague sur laquelle surfe allègrement le Suisse Jean-Luc Godard (le Rollois va sortir "**A bout de souffle" en 1960 et "Pierrot le fou" en 1965, deux énormes succès critiques et populaires). En Suisse romande, le cinéma de fiction bénéficie d'un véritable élan créatif, mais la loi ne prévoit pas son financement sur dossier, les subventions étant versées après la production des films et après une âpre sélection. La Suisse allemande, quant à elle, est surtout prolifique en matière de documentaires culturels ou éducatifs.

Le travail de conservation et de valorisation est salué mondialement. L'essor international de la Cinémathèque suisse est dû à la curiosité de Freddy Buache pour les films d'Europe de l'est - entre autres - et parce que l'institution participe à la promotion du cinéma suisse. La personnalité de Freddy Buache a certainement aussi beaucoup joué pour faire connaître la Cinémathèque hors des frontières de la Suisse.

D'autres projets d'envergure verront le jour bien plus tard (plusieurs organisations des congrès de la FIAF, la fédération internationale des archives de film, à Lausanne), avec le même désir de conserver et valoriser les fonds audiovisuels suisses. On peut citer Memoriav, une institution créée il y a plus de vingt ans voire notreHistoire.ch, créé par la FONSART il y a dix ans. Deux institutions qui vont jouer un rôle important dans la valorisation des archives audiovisuelles suisses. Mais la Cinémathèque suisse a certainement été la première organisation à faire parler de la culture suisse à un niveau mondial. Qu'elle en soit saluée.

Après le congrès de la FIAF de Stockholm, Freddy Buache raconte comment il a suivi Henri Langlois envers et contre tout, au point de se fâcher avec un autre partenaire historique Raymond Borde, lui-même en total désaccord avec la façon de fonctionner de Langlois.

En 1997, le livre paru à L'Âge d'homme "La crise des cinémathèques et du monde" - cosigné par Freddy Buache et par Raymond Borde - va permettre à ses lecteurs de comprendre ce qui se trame en matière de changement numérique dans les cinémathèques. Un diagnostic visionnaire de la révolution qui était en train de se préparer.

Par David Glaser

(Rendez-vous demain pour la 8e partie de notre série sur la Cinémathèque suisse)

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25 février 2019
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