A propos de l'écrivaine Mari Sandoz et de la famille Sandoz du Nebraska
Quel plaisir de découvrir une nouvelle écrivaine !
J’ai fait la connaissance de Mari Sandoz en lisant l’excellent dossier de Passé Simple, no 88 (déc2023), consacré à Jules Ami Sandoz et à sa fille.
Que de richesses insoupçonnées se cachent dans la vie de simples citoyens…
Tout cela m’interpelle tout particulièrement, car une partie de ma famille a émigré au Canada dans les années 1920. J’en ai rendu compte sur notrehistoire.ch
Petit rappel : Jules Sandoz, de Fenin, dans le Val-de-Ruz, a quitté le canton de Neuchâtel et la Suisse pour le Nebraska (USA) vers 1880. Il y a mené une vie extrêmement rude et a participé à l’essor de cette région. Il a fortement influencé son nouvel entourage et son nouvel environnement par son autoritaire, remuante, talentueuse et passionnée personnalité.
Après plusieurs mariages, il a épousé une Suissesse de Zürich et a eu six enfants, dont l’aînée, Mari, est devenue - non sans devoir lutter - institutrice puis écrivaine reconnue.
J’ai lu son récit, « Old Jules », consacré à son père. Ce livre n’a malheureusement jamais été traduit en français. Il serait temps qu’il le soit. C’est un excellent témoignage de la vie de ces émigrés suisses romands qui ont quitté notre pays pour tenter la grande aventure.
On ne peut s’empêcher d’évoquer le Far West, tel qu’on a pu le voir représenté dans des films. Tout y est permis. C’est la loi de la jungle. Mais tout ça, sans l’aura trompeur d’Hollywood !
« Old Jules » décrit par le menu les surprenants paysages, les saisons, les gens, les luttes et les contradictions de ces colons venus d’Europe, la tête pleine de rêves. Tout est si minutieusement rapporté, tant de gens sont évoqués qu’on s’y perd un peu. Mari Sandoz a probablement voulu donner une place dans son récit à tous les habitants ayant eu des contacts avec sa famille.
Le climat de la région était contraignant. Le Nebraska a vécu plusieurs expérimentations de cultures variées, d’élevage intensif, de production industrielle de potasse. Des expérimentations qui souvent ont tourné court.
En ce qui concerne les rapports familiaux et amicaux, ils sont le reflet de la société patriarcale des 19ème et 20ème siècles. La femme a un statut bien inférieur à celui de l’homme. Elle n’est même qu’une marchandise. Elle est exposée dans des catalogues à l’usage des colons et un homme peut en « commander » une qui voudra bien le rejoindre et accepter de mener sa vie extrêmement rude. Cette manière de penser est tout particulièrement celle de Jules Sandoz, qui en « essayera » quatre. La dernière fut la bonne. C’est un homme talentueux, entreprenant, passionné, généreux avec ses pairs, mais brutal et égocentrique. La vie avec lui n’était pas facile. Souvent, le manque de considération, les injures, les coups, rythmaient la vie familiale.
Dans l’article de Passé Simple, la réussite de Jules Sandoz est bien décrite et il est en effet un des créateurs du Nebraska. En lisant le livre de sa fille, on nuance quelque peu notre admiration pour le pionnier car il a beaucoup fait travailler femme et enfants qui devaient suivre ses impulsions et subir sa manière de voir les choses, sans pouvoir en discuter, même quand elle était irréaliste ou fantaisiste ou qu’elle pouvait mettre en péril la famille… Jules Sandoz s’adoucit avec la réussite et l’avancée en âge et finit par apprécier sa quatrième femme et être fier de ses enfants.
J’ai acquis ensuite auprès de la Mari Sandoz Society du Nebraska, le livre que Jules Sandoz Junior a écrit avec l’aide d’une de ses sœurs, Caroline.
Ce récit n’a pas été traduit non plus. Son titre : « Son of Old Jules ».
Il complète de manière très intéressante le récit de Mari. Il apporte un éclairage plus masculin et détaillé, sur la vie et les activités de Jules, de ses garçons et des hommes de la région : travail de la terre, garde des troupeaux, chasse, dressage de chiens et de chevaux (rodéos). Il raconte aussi la vie sociale, les rencontres, les dances dans les granges.
D’autres œuvres de Mari Sandoz relatent les luttes des indiens qui, peu à peu, perdent leur territoires et leur univers physique et mental.
Ces ouvres ont été traduites en français. J’ai lu « Crazy Horse ».
« Crazy Horse », c’est la biographie d’un célèbre chef indien. Mari Sandoz a étudié son sujet de manière très sérieuse et exhaustive. Réunissant beaucoup de documents, de témoignages proches de l’époque concernée. Un récit fouillé extrêmement utile pour mieux comprendre les terribles luttes qui ont eu lieu dans ces contrées dans la deuxième moitié du 19ème siècle.
Dans « Crazy Horse », on assiste aux guerres qui, peu à peu, détruisent les tribus amérindiennes. Le contraste est saisissant entre les motivations des blancs, considérant la région comme n’appartenant à personne et donc bonne à prendre, et les Indiens, qui vivaient sur ce territoire une vie très structurée et basée sur des motivations à mille lieues de celles des blancs. Ils considéraient à juste titre cette terre comme la leur ! Ils sont dépossédés par la force mais aussi par la ruse. Les blancs leur tendent des pièges et certains indiens y succombent : dépendance à l’alcool, désir de possession d’outils plus perfectionnés, désir d’avoir une vie quotidienne plus confortable. D’autres individus, plus fermes et plus déterminés, comprenant les enjeux, essaient de lutter mais à armes inégales.
On assiste vraiment à un génocide qui n’est pas sans nous faire penser à ce qu’il se passe en ce moment et depuis plusieurs décennies entre le gouvernement d’Israël et les Palestiniens.
La date choisie pour ce document fait référence à la publication du livre de Mari Sandoz "Old Jules".
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