Repérage
Les vendanges à Grandson

Les vendanges à Grandson

1 janvier 1934
Inconnu
Partenariat 24 heures-notrehistoire.ch

Cette photographie des vendanges de 1934, prise à Grandson, a été partagée par Antoinette Duvoisin-Mottaz, dans le cadre du partenariat 24heures-notrehistoire.ch. Voici le descriptif qu'elle a joint à son envoi:

"C'était au temps des vendanges, à Grandson, dans la vigne qui appartenait à Sophie Gilliéron-Mottaz, en Repuis, juste à la sortie du Bourg, direction Concise. De gauche à droite : Charles Mottaz, mon papa ; devant lui, Juliette Rippert-Guyaz, debout derrière, Sophie Gilliéron-Mottaz, ma tante ; accroupis Fritz Gilliéron, sa femme Suzanne et leur fils François ; debout avec sa belle moustache, M. Pattey, le vigneron ; à ses côtés Rose Mottaz-Collet, ma maman, devant elle Clémentine Gilliéron et son amoureux ; et enfin Laure Mottaz-Guillet, ma grand-mère, dont le mari Jules tenait un magasin d'électricité dans la rue Basse à Grandson."

Par ailleurs, sa photographie était accompagnée d'une lettre manuscrite que nous reproduisons ici:

J'allais ouvrir la fenêtre au mois d'octobre, mais il pleut tout à coup : contre les vitres la pluie cherche de petits chemins. Une goutte hésite, file plus bas, trouve son âme sœur, se gonfle, descend plus vite en faisant des zigzags. La maison d'en face se brouille, mais sur la photo jaunie que je viens de découvrir au fond du tiroir, le soleil fait des ombres et les lumières couvrent de leurs dentelles les visages des vendangeurs. Le vieux poirier agite ses hanches sur les tabliers et les grandes corbeilles remplies de grappes de raisin au premier plan. Le raisin, le roi de la fête.

Au milieu de la photo trône un petit char recouvert d'une nappe blanche. Le dîner devait être terminé car les bouteilles sont vides… Papa a une grosse moustache bien noire et maman un chapeau « cloche » que je ne lui connaissais pas, pas plus que le tablier à petites raies. Grand-mère sourit par-dessus ses trois mentons. Ses lunettes sont aussi rondes que les grains de raisin et son immense tablier à bretelles s'arrondit dans tous les sens. Tante Sophie tient sa tête bien haute sous le poirier : c'est la propriétaire de la vigne ! On y voit aussi un monsieur « responsable » avec un chapeau et les bras croisés du vigneron ; cousine Clémentine et son amoureux, complices de ce jour de fête du raisin et du soleil ; une dame assise parmi les paniers avec un béret sur l'œil et un bambin sur les genoux ; encore une moustache l'air tout guilleret et une jolie demoiselle qui cache ses jambes : tous heureux de faire partie de vendanges !

Quel bonheur que cette journée ! Nous étions invités depuis plusieurs jours déjà, et la veille tout était prêt. De gros pulls de laine, de vieilles chaussures montantes, des tabliers, le seau à récurer, le baquet à linge, le plus gros panier de la famille, tous les ciseaux ; et papa avait congé.

Le matin était toujours très froid et le raisin faisait de petites boules glacées dans l'estomac vide. Maman avait pourtant bien recommandé de ne pas en manger avant midi… J'avais une « ligne » à faire et mes souliers devenaient de plus en plus lourds tellement ils s'embourbaient. Mais quand le soleil « perçait », nous chauffant le dos et les doigts, qu'il faisait bon ! Maman se retournait et disait : « Oh ! regardez le lac et les montagnes, c'est « divinement » beau. » Et chacun se redressait, regardait, approuvait, mangeait quelques grains et papa arrivait là-haut, où la vigne touche le ciel, avec sa « brante » et ses manches retroussées.

Et puis venaient les dix heures. Jamais je n'ai mangé depuis du saucisson si bon et du pain aussi savoureux. Le vieux poirier nous réunissait sur son banc usé, bien trop petit pour nous porter tous. Et la journée continuait, en travail, en boutades, en saucisson et en bonnes bouteilles.

Tante Sophie était contente : la vendange était bonne. Cousine Clémentine sentait la cannelle rafraîchie et ses taches de rousseur brillaient de bonheur sur son nez retroussé.

Nous redescendions la route où nos souliers avaient de la peine à se tenir sur le macadam. Papa tirait le petit char, et nous derrière… Dans le train qui nous ramenait vers la ville, les têtes dodelinaient par-dessus les paniers pleins de raisin et de gouttes de soleil, mais ceux-là n'étaient pas pour le pressoir !

Antoinette Duvoisin-Mottaz

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17 octobre 2012
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