De musiques en racines Repérage

2 juillet 2004
Montreux
Héloïse Pocry

Il y a d'abord:

- un lac vert et argent,

- de hautes montagnes un peu voilées,

- des coquelicots au bord de la voie ferrée.

Sans oublier:

- un jeune homme qui se propose de hisser ma valise dans le porte-bagage avant même que j'aie à le demander, d'ailleurs lui aussi va à Montreux pour le festival,

- un vieil homme qui se propose de m'indiquer le chemin quand il m'aperçoit carte en main à la sortie du train, avant même que j'aie à le demander, d'ailleurs lui aussi va à Montreux pour le festival,

Il y a ensuite:

- un bâtiment labyrinthique,

- 2 sésames à ne jamais égarer: un t-shirt et un badge,

- 4 côtés indispensables à apprendre pour un étranger: un côté lac, un côté montagne, un côté Lausanne et un côté Villeneuve,

- un vocabulaire tout aussi indispensable à apprendre pour un étranger, comme des natels, un colimaçon et puis des tournus,

- un microcosme complet à apprivoiser, avec sa géographie, sa temporalité, ses us et coutumes, ses personnages.

Il y a surtout de l'histoire ici. Beaucoup. Je n'y comprends pas grand chose en ces premiers instants, mais je sens bien l'exaltation générale. Et m'étonne de tous ces grands sourires accueillants, moi qui viens d'une capitale dressée à l'agressivité et aux visages fermés.

Dans quel pays merveilleux suis-je tombée par le plus heureux des hasards?

Quelques semaines auparavant, je regardais les dates de concert d'une chanteuse. Tiens, Montreux Jazz. C'est quoi ça? En Suisse en plus! Oh, on peut être bénévole au festival et ils cherchent encore du monde? Pourquoi pas. Je leur écris. Reçois un coup de téléphone quelques jours plus tard.

"Quelqu'un s'est désisté aux câbles. Ça te va?"

"Euh, je n'y connais rien en câble!"

"Aucun problème! On t'attend alors!"

Ce sera donc mon premier voyage en Suisse: bénévole au Montreux Jazz Festival 2004.

Et me voilà 15 éditions plus tard. Parce que pour résumer, je ne suis pas rentrée à Paris à la fin de ma première édition comme c'était prévu. Pour une petite parigote timide de 19 ans qui voyageait toute seule à l'étranger pour la première fois, le Montreux Jazz a été une révélation... Il y a des lieux sur cette planète où tout est facile et où la vie est belle, pour de vrai, si si!

Bien sûr, une fois le "jazzlag" passé, j'ai découvert une réalité suisse un peu moins festive. Mais toujours aussi agréable. Alors j'ai fait ma vie ici.

Le Montreux Jazz est devenu la parenthèse sacrée de mes étés depuis. Célébrer la musique, retrouver les amitiés, oui! Mais aussi, oh oui!, commémorer mon arrivée ici. Car même si être étrangère n'est de loin pas toujours gai, c'est bien ici que je me sens chez moi, depuis ce premier regard sur le Léman. C'est ici que je me suis enracinée. C'est ici que je me suis trouvée.

C'est ici que j'écris la petite musique de ma vie.

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Héloïse Pocry
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