Le 18 novembre 1923, Fribourg inaugurait le Livio, son emblématique théâtre à l’italienne de 1200 places. Au programme, les spectacles de music-hall ont côtoyé les représentations théâtrales, les projections de films sans oublier les fameux bals de Carnaval, les défilés de mode ou les combats de boxe. Une programmation éclectique qui a diverti les Fribourgeois-es durant plus d’un demi-siècle.

Entrée du théâtre après la rénovation de 1955

1975

Un projet audacieux

Le Livio est le fruit d’une construction privée initiée par le Tessinois Séverin Livio, dont l’entreprise familiale avait déjà bâti en 1912, le Café du Simplon. Ce dernier, implanté dans le quartier de Pérolles alors en plein essor, était doté d’une salle polyvalente avec scène. Ce nouveau lieu de distraction proposait déjà des représentations cinématographiques, des concerts, des bals, etc. Au vu du succès rencontré, Séverin Livio décide, sans soutien financier, d’offrir au public fribourgeois friand de divertissement un théâtre à l’italienne. Inspiré de la célèbre Scala de Milan, ce casino-théâtre prendra place derrière le Café du Simplon et sera baptisé du nom de son bâtisseur.

Un programme éclectique

Dès ses premières années d’exploitation, ce théâtre-cinéma proposait une programmation variée et pratique des tarifs préférentiels ce qui rend le lieu attractif donc plus rentable. Son rôle social était important, car il rassemblait un public large et diversifié.

Des troupes de théâtre y jouent des pièces classiques. Les projections de cinéma, à l'époque souvent associées à la musique en direct, et les concerts font la part belle aux ensembles locaux, comme l'orchestre fribourgeois Miquette, la Landwehr, la Concordia, le Chœur mixte de St.-Nicolas, etc. Quant aux événements des associations de la région, ils sont également de tous les genres : jubilés des sociétés universitaires, démonstration de vélo acrobatique, soirée de gym ou encore bals de Carnaval et de la Bénichon transforment le Livio en salle de danse.

Dès la fin des années 1930, les affaires deviennent plus difficiles. Les principales raisons sont l’apparition de salles concurrentes et la nécessité de rénover le bâtiment, car il ne répond plus aux besoins des artistes et aux normes de sécurité. Le cinéma prend alors de plus en plus de place à défaut des autres événements.

Carnaval 1928 au Théâtre Livio, Fribourg

1928

Une cure de jouvence

C’est au début des années 1950 que le Livio s’offre une cure de jouvence. À l’époque, le théâtre est exploité par le fils de Séverin Livio, Georges et son épouse Anna. Après la modernisation du bâtiment, la programmation du Livio est relancée. Le cinéma continue avec le confort des nouveaux sièges en rang. Un système d’abonnement est mis en place pour les représentations théâtrales et des défilés de mode sont organisés sous les projecteurs du nouvel éclairage. Des loges modernes peuvent désormais accueillir des artistes de renom : les spectacles des Galas Karsenty et leur slogan « Comme à Paris, mieux qu'à Paris ! » ; les grands noms de la chanson francophone comme Barbara, Gilbert Bécaud, Georges Brassens, etc. ; des artistes et productions venus d’outre-Atlantique comme Joséphine Baker, les Peters Sisters, Lil Amstrong, Jerry Lewis ou le New York City Ballet – le Livio vit son âge d’or.

Maurice Chevalier (1888-1972) au Théâtre Livio, Fribourg

1950

Le baisser du rideau

Malgré ce nouveau souffle, la fin du Livio est amorcée après la mort de Georges Livio en 1957. La charge devient alors trop lourde pour Anna Livio qui décide de céder l’établissement. En 1962, une solution est trouvée, la famille Salafa reprend la gérance. Les activités continuent et Fribourg possède encore son théâtre. Mais pour combien de temps ? En 1970, les nouveaux gérants démissionnent. Après des années de négociations, le Livio ne gagne pas le soutien des autorités de la Ville pour sa survie et est démoli en 1977. Un épilogue critiqué qui laissera Fribourg sans théâtre pendant plus de trente ans.

Sources

• Noémie Hayoz, Une « petite Scala » à Fribourg : le cinéma-théâtre Livio. Usages et enjeux d’une salle de spectacle privée (1923-1975), mémoire de Master, Université de Fribourg, 2011.
• Eliane Waeber Imstepf, « Le Tessinois qui avait construit le Livio », La Liberté, 17 décembre 2011.
• Hubertus von Gemmingen, « Théâtre Livio, Fribourg FR », in Dictionnaire du théâtre en Suisse, Zurich, Chronos Verlag, 2005, pp. 1926–1927.
• Michel Charrière et David Collin, « Abrégé des débuts du cinéma à Fribourg », Pro Fribourg, no 168, 2010, pp. 6-12.