Émile Jaques-Dalcroze, Concerto pour violon No 1 en ut mineur, Op. 50 (1901)

juin, 1901
Genève
Photos: références indiquées, texte: René Gagnaux resp. références indiquées, audio: youtube
Photos: références indiquées, texte: René Gagnaux resp. références indiquées, audio: youtube

Photos utilisées pour la photo de couverture: à gauche https://notrehistoire.ch/entries/2PDBmgNkWbk, à droite https://notrehistoire.ch/entries/QqNWjJgOWkr, toutes deux de la collection de la Bibliothèque de Genève. Au centre: IMSLP

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Les oeuvres purement instrumentales et orchestrales que composa Émile Jaques-Dalcroze sont nombreuses, mais peu connues et peu jouées. Et pourtant il s'agit presque toujours d'oeuvres très intéressantes.

Il est par exemple extrêmement rare de pouvoir entendre ses deux concertos pour violon: le concerto No 1 en ut mineur, Op. 50, composé en 1901, et le concerto pour violon No 2, composé en 1909, plus connu sous le nom de «Poème».

Le concerto No 1 fut donné en première audition à Genève lors de la 2e Fête de Musique 1901:

René Gagnaux
Extrait du programme de la 2e Fête de Musique, cité du site ONSTAGE, collection du Conservatoire de Genève
juin, 1901
Extrait du programme de la 2e Fête de Musique, cité du site ONSTAGE, collection du Conservatoire de Genève

Deux extraits du programme de la 2e Fête de Musique, cités de cette page du site ONSTAGE, collection du Conservatoire de Genève

René Gagnaux
Extrait du programme de la 2e Fête de Musique, cité du site ONSTAGE, collection du Conservatoire de Genève
22 juin 1901
Extrait du programme de la 2e Fête de Musique, cité du site ONSTAGE, collection du Conservatoire de Genève

En soliste Henri MARTEAU, accompagné par l'orchestre sous la direction du compositeur.

L'oeuvre reçut un excellent accueil:

"[...] nous n'avons encore rien dit de l'oeuvre qui a été, en fait de nouveautés et avec le Vidi aquam de Klose, l'événement de la soirée, le Concerto de violon dédié à Henri Marteau par Jaques-Dalcroze. Notre compositeur genevois a fait là un effort considérable et un succès éclatant est venu l'en récompenser.

Ceux qui s'attendaient à un concerto selon la formule, plein d'effets pour virtuose et passant par les péripéties prévues, auront eu une première impression étonnée, mais cet étonnement se sera vite changé en admiration devant l'absolue originalité, la nouveauté et la hardiesse de l'oeuvre. Nous avons affaire ici à une véritable symphonie en trois parties avec violon principal, on peut même dire violon conducteur, car, tout en faisant corps avec les divers groupes orchestraux, l'instrument soliste est constamment au premier plan; il est comme le récitant de la chose, jouant son rôle comme un personnage de drame wagnérien, c'est-à-dire sans jamais viser à l'effet.

Trois thèmes heureusement choisis, développés et transformés avec un art exquis — Janus à triples et quadruples visages — servent de base à tout le concerto, avec un motif rythmique particulier au dernier mouvement. Au thème principal, large phrase en mineur qui passera par de multiples métamorphoses avant de devenir le scintillant Valsando du dernier mouvement, s'oppose une mélodie pleine de charme et tout à fait dans la «note Jaques»; elle deviendra le thème principal du Largo, unie à l'autre phrase lente qui est le troisième élément de l'ouvrage.

Une description complète nous entraînerait trop loin, mais disons quelques mots de l'orchestration merveilleuse de ce concerto: il y a là des effets de timbres, des couleurs instrumentales d'une nouveauté et d'une délicatesse rares et aussi une netteté de lignes, une sûreté et une maîtrise d'écriture qui font grand honneur au musicien. Ce n'est pas seulement comme coloriste que celui-ci s'impose, il innove aussi dans la forme, comme à ce moment capital de l'allegro con ritmo d'entrée, où le thème principal, dans un prestigieux fugato, est exposé en diminution par les bois, avec les bassons comme point de départ, tandis que le violon solo chante le même thème en augmentation. Il y a là une expansion instrumentale de l'effet le plus neuf et le plus saillant. Le Largo est plein d'élévation et de beauté expressive et le finale quasi fantasia — une fantaisie ailée, avec de ravissants effets d'instrumentation, des rythmes originaux et entraînants — est écrit de verve: ce qui en fait la valeur, c'est que sous tout son esprit on le sent construit de main de maître. Il fallait à cette oeuvre si forte et d'une extrême difficulté une exécution hors ligne. Le compositeur l'a eue pour la partie de violon principal, que M. Henri Marteau (auquel ce concerto est dédié) a magistralement jouée, pénétré de l'esprit et des intentions du compositeur, mettant en relief ses moindres intentions et tenant le public sous le charme de son jeu de grand violoniste. Aussi quelles acclamations pour l'auteur et l'interprète à la fin de ces pages superbes! [...]" cité du Journal de Genève du 26 juin 1901, page 2, chronique de la 2e fête des musiciens suisses signée „H.“

L'oeuvre fut imprimée l'année suivante au «Süddeutscher Musikverlag» de Strassbourg:

Pendant des années ce concerto fut souvent au programme des concerts, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger, puis - comme beaucoup d'autres oeuvres - tomba dans l'oubli, peut-être lié au décès d'Henri Marteau (1934). Dans un concert donné pour le centenaire de la naissance d'Émile Jaques-Dalcroze, le 11 mars 1965 au Victoria Hall de Genève, Ruggiero RICCI et l'Orchestre de la Suisse Romande sous la direction d'Ernest ANSERMET l'ont fait renaître. Le concert fut à l'époque retransmis en direct sur l'émetteur de Sottens. Le lendemain, Franz WALTER écrivait dans le Journal de Genève en page 11:

"[...] AU DIXIÈME CONCERT DE L'ABONNEMENT - Hommage à Jaques-Dalcroze

En inscrivant à son dixième concert de l'abonnement le Concerto de violon No 1 de Jaques-Dalcroze, le comité de l'OSR entendait participer de manière tangible à l'hommage que la Suisse romande et Genève en particulier adresse tout au long de cette année à la mémoire du compositeur, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, anniversaire qui coïncide avec le quinzième de sa mort.

Sans doute n'est-ce pas son oeuvre symphonique qui a le plus fait pour la gloire de l'auteur de la Fête de Juin et cette oeuvre a-t-elle été comme sa musique de chambre, relativement vite oubliée. Il est certain que, plus particulièrement liée à un style d'époque, cette part de sa production a une partie plus difficile à jouer vis-à-vis de la pospérité. Est-ce à dire qu'elle est négligeable? Certes chacun s'attendait à ce que ce concerto de violon offre certains aspects, désuets. Et pourtant le bilan final ne me semble nullement négatif.

Ce que cette oeuvre a aujourd'hui contre elle, en particulier, c'est le côté fleur bleue du folklore dalcrozien. Car si, le plus souvent, une oeuvre nourrie de folklore gagne en pittoresque et en saveur, le néo-folklore de Jaques-Dalcroze - dont son concerto est incontestablement empreint - n'a pas ces profondes racines de la musique slave ou espagnole qui lui assureraient la pérennité.

Il y a pourtant une qualité que la mélodie dalcrozienne ne perd jamais, c'est sa fraîcheur, et une vertu précieuse qui ne quitte jamais Jaques-Dalcroze, c'est la bonne humeur et la malice. Ici cette malice se pare des atours de savants jeux de contrepoints et n'est pas toujours visible. Le compositeur a en effet conçu une partition pleine de subtilités dialectiques traitées avec beaucoup d'esprit; un esprit qui cependant parfois disparaît derrière les exigences du style symphonique et l'ampleur d'une puissante pâte orchestrale.

Jaques-Dalcroze a axé son concerto sur un thème central dont il tire presque toutes ses déductions. Et peut-être était-ce une gageure d'en renouveler l'intérêt jusqu'à la fin du concerto. C'est pourquoi le premier mouvement, qui est tout entier de la plus heureuse veine, l'emporte de beaucoup sur les deux suivants.

La partie violonistique est très brillante - n'oublions pas que le concerto fut écrit pour Henri Marteau et créé par lui - et Ruggero Ricci qui avait accepté d'en être l'interprète d'hier y déploya avec brio ses dons exceptionnels de virtuose: faisant ressortir en outre - mais d'une façon un peu uniformément extériorisée - le côté chaleureux de l'écriture. J'eusse aimé, pour ma part, le voir s'attacher un peu plus à en pénétrer le contenu spirituel et pétillant. [...]"

Ni Notre Histoire, ni les archives de la RTS accessibles publiquement sur leur site ne disposant de l'enregistrement de ce concert - il est extrêmement regrettable de ne pas pouvoir l'écouter, mais vu l'inactivité devenue totale de la RTS sur Notre Histoire, je crains qu'il restera profondément enterré à jamais dans les archives de la RTS - et ne connaissant pas d'autre enregistrement libre de droits, je ne peux que vous proposer d'écouter cette oeuvre dans une autre interprétation, enregistrée à Moscou, et disponible en écoute sur Youtube!

Émile Jaques-Dalcroze, Concerto pour violon No 1 en ut mineur, Op. 50 (1901), Rodion Zamuruev, Moscow Symphony Orchestra, Alexander Anissimov, mai 2008

1. Allegro con Ritmo 14:27 (-> 14:27)

2. Largo 09:31 (-> 23:58)

3. Finale Quasi Fantasia (Allegro Appassionato) 09:35 (-> 33:33)

René Gagnaux
Rodion ZAMURUEV
Rodion ZAMURUEV

CLIQUER ICI pour accéder à la page correspondante de Youtube.

René Gagnaux
Alexander ANISSIMOV
Alexander ANISSIMOV
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René Gagnaux
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13 décembre 2020
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