Le Major Davel de Charles Gleyre

Gustave Planche
Sylvie Bazzanella

Le tableau de M. Gleyre reproduit simplement ce que l'histoire nous apprend. Il règne dans toute la composition une gravité austère qui s'accorde très bien avec le sujet. Davel, placé entre deux ministres de la religion, envisage sans trembler le bourreau appuyé sur l'épée à deux mains qui va lui trancher la tête. Le peintre a parfaitement rendu le caractère mystique du personnage. Il y a dans les yeux du major Davel une sérénité qui n'appartient pas à la terre. Le héros attend du ciel la récompense de son abnégation. La crainte du supplice s'efface devant l'espérance de la rémunération. Le visage de Davel exprime très clairement la pensée que j'indique. Les ministres de la religion qui le consolent, le bourreau qui s'apprête à le décapiter, les soldats qui contiennent la foule frémissante, sont pénétrés d'étonnement et d'admiration. Lausanne, qui possède aujourd'hui ce tableau, l'a reçu avec joie et le garde avec orgueil ; il serait difficile, en effet, de rendre plus simplement, plus sévèrement, les derniers moments d'un héros et d'un martyr. Davel, dont le nom est inconnu dans les trois quarts de l'Europe, est pour les paysans mêmes du canton de Vaud un personnage poétique. La légende n'a pas négligé d'embellir et d'agrandir les traits principaux de cette vie étrange, qui, dans sa réalité nue, est déjà digne de respect. Lausanne, en consacrant le souvenir de cette mort héroïque, a fait preuve de discernement; car le dévouement poussé jusqu'à l'abnégation n'est pas assez commun pour qu'on néglige de l'encourager, de le susciter. M. Gleyre s'est associé à la pensée de Lausanne avec une ardeur digne du sujet, et son tableau ne manquera jamais de réunir les suffrages de tous les hommes habitués à comparer l'œuvre qu'ils ont devant les yeux avec les conditions imposées à l'auteur. La Mort du major Davel sera toujours pour les juges éclairés une composition savante et vraie. »

Article de Gustave Planche, extrait de : Revue Suisse et chronique littéraire, volume 14, 1851 - Lausanne, Georges Bridel libraire.

Cette oeuvre de Charles Gleyre, déposée au Musée Cantonal des Beaux-Arts à Lausanne, a été partiellement détruite par un incendiaire, dans la nuit du 24-25 août 1980.

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Sylvie Bazzanella
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23 avril 2010
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