Antarctique (7) : Une vie de chien...

1 janvier 1902
Snow Hill Antarctique
Ekelöf
Monique Ekelof-Gapany

Une vie de chien.

A Snow Hill, les aménagements de la Station d'Hiver se poursuivent sans relâche, jusqu'au 9 mars 1902. Ce jour-là, c'est dimanche. Il fait une belle journée. Bodman et Ekelöf en profitent pour explorer les alentours. Ils suivent la côte et remarquent qu'avec la marée, le chemin du retour, au pied de la falaise, est devenu impraticable. En rentrant de leur promenade, ils découvrent que Duse, le chien falklandais, a été tué par ses congénères groenlandais et que Tom s'en est allé.

Durant les longues soirées où les six hommes, enfermés, écoutent la tempête rugir autour de leur maison, la conversation porte souvent sur les chiens. Leurs compagnons à quatre pattes passent l'hiver dans une cabane aménagée avec un peu de foin, blottis les uns contre les autres.

Déjà sur le bateau, les chiens du Groenland et les chiens des Iles Falkland, des bergers écossais, marquent une animosité réciproque. Tant qu'ils sont sur le navire, les chiens falklandais montrent une agilité et un sens de l'obstacle qui leur permettent d'éviter les groenlandais. Sitôt arrivés sur terre ferme, les chiens groenlandais, avec leur fort instinct de meute se regroupent pour donner la chasse aux adversaires. Dès qu'un chien falklandais est isolé, sa vie est en danger.

Chacun des hommes semble avoir son point de vue sur la manière de rendre aux chiens la vie moins pénible.

Jonassen, qui s'est beaucoup occupé des chiens de traîneau lors de sa précédente expédition en Arctique, fait autorité en la matière.

Lorsque le jeune Kaïn tombe dans l'eau glacée de la banquise, et ne parvient qu'à grand peine de se sortir de l'eau, il paraît naturel au médecin de lui permettre de se sécher et de se réchauffer à l'intérieur de la maison. Cela déplaît à Jonassen qui adopte une ligne plutôt ferme avec les animaux. Le médecin note aussi que Kurre semble avoir l'oreille droite gelée. Il gémit quand on le touche à cet endroit et l'oreille est enflée. Pauvre animal, se dit-il, il ne semble pas pouvoir s'accoutumer à ce climat. Il grelotte et tremble sans arrêt.

Pour entraîner les chiens, Nordenskjöld, Jonassen et Sobral planifient une excursion de trois jours, dans le sud de l'île. On décide d'apprendre à Jim, un chien falklandais, de se mettre à l'attelage. Mais au retour de l'excursion, Jim est mordu à mort par ses compagnons*.*

La lutte entre les chiens se poursuit de façon implacable.

Un mois plus tard, c'est au tour de Castor d'apprendre à tirer le traîneau avec les quatre groenlandais. Le berger écossais se débat. Il se couche sur le dos et se laisse traîner, comme un sac de farine, par les autres chiens.

Castor connaîtra le même sort que les bergers écossais précédents.

Le médecin écrit:

- Castor est mort aujourd'hui. Des éclats de deux côtes brisées ont transpercé la plèvre. J'ai tenté, pendant plus d'une heure une opération afin de suturer la plaie mais sans succès. Pauvre Castor! C'était le chien le plus gentil de tous. Celui que je préférais. Il avait quelque chose de particulier dans son regard et dans sa manière d'être.

Un jour plus tard, Suggen, le chien dominant la meute des groenlandais est apathique et semble épuisé. Il n'a plus d'appétit. On s'inquiète. Soudain, dans la soirée, il vomit une énorme boule de poils. On reconnaît la fourrure de Castor dont il a dévoré le cadavre.

Le docteur conclut, après cet événement:

-Nous pouvons constater que l'expérience des chiens falklandais est terminée. Nous n'avons plus de chiens de cette race pour éventuellement voir ce dont ils seraient capables.

.

Ekelöf intervient chaque fois qu'il faut soigner les chiens. Les chiots de la portée d'Amager, nés en octobre 1902, sont sujets à des diarrhées provoquées sans doute par une nourriture inadéquate pour eux. Ces boules de graisse leur occasionnent un prolapsus du rectum qui, très exposé et par ces températures extrêmes, gèle et se gangrène. Les chiots souffrent atrocement. Ekelöf propose de changer d'alimentation et tente, à plusieurs reprises, de repositionner le rectum, mais sans beaucoup de succès. Les chiots saignent et hurlent la nuit. On doit se résigner à abattre Charlotte, Narva, Dimpkov et Massam afin d'abréger leurs souffrances.

Plus tard, lorsqu'avec son ami Bodman ils feront une sortie avec les chiens de traîneau, ils remarqueront avec bonheur qu'ils peuvent parfaitement se faire obéir d'eux, sans devoir recourir à des méthodes sévères, basées sur la crainte des coups.

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