Octodurum

Sylvie Bazzanella

On nous écrit de Martigny

La commission cantonale d'archéologie instituée par le Conseil d'Etat depuis un an environ vient d'obtenir un succès aussi remarquable que réjouissant.
Depuis quelques semaines, elle faisait opérer des fouilles dans les prairies au midi de Martigny, à l'emplacement qu'occupait l'ancienne Octodurum. On avait découvert de gros murs, des pierres de taille, des corniches en marbre jurassique d'un beau travail, et beaucoup de matériaux. La nature de ces vestiges indiquait que l'on était sur les ruines d'un édifice qui avait eu une certaine importance, tel qu'un temple, par exemple.
Lorsque dans la journée du 23 novembre, les ouvriers tombèrent sur des pièces capitales, et exhumèrent de magnifiques fragments en bronze doré de statues antiques. Ces fragments fort bien conservés, mais couverts de vert-de-gris, sont de la meilleure époque romaine. Ce sont : un bras et une jambe de proportions colossales; la partie antérieure du corps d'un personnage vêtu d'une toge, avec la main et l'avant-bras droit, et enfin, une tête de taureau avec des jambes de devant.
Les fouilles continuent, et, si l'on parvient, comme on l'espère, à trouver les pièces qui manquent de ces statues et à les reconstituer on sera en possession de spécimens de l'art romain de la plus grande valeur.

Gazette de Lausanne, 28 novembre 1883

Le taureau tricorne des Gaulois

A la différence des autres taureaux adorés dans l'Antiquité, le taureau gaulois a pour particularité d'être représenté avec trois cornes. Pourquoi trois ? «Multipliés par la triade sacrée, les symboles de force et la capacité reproductrice de cet animal s'en trouvent renforcés», explique le professeur Daniel Paunier. Sa présence en Gaule est importante, si l'on en juge par le grand nombre de statues ou statuettes de ce genre retrouvées en Suisse et en France, et qui témoignent d'un culte rendu à cet animal.

En Suisse

Le culte du taureau par les Gaulois romanisés, ou Gallo-Romains, est notamment attesté par le célèbre taureau tricorne de Martigny. Cette pièce magnifique a été retrouvée dans la basilique romaine. Elle date des Ier et IIe siècles après J.-C. et trônait en bonne place dans la ville. A l'époque, la basilique est un bâtiment civil où siègent les tribunaux et où l'on signe des contrats. Cet édifice contenait encore un petit sanctuaire dédié aux divinités d'où provient probablement le taureau. L'animal était-il la divinité protectrice de la ville? Haussement d'épaules et sourire de l'archéologue lausannois qui ajoute: «D'après les spécialistes, ce taureau serait de la race d'Hérens, mais bon...»

Allez Savoir ! / No 20 juin 2001

Le taureau tricorne, dont sont conservées la patte antérieure droite et la tête, est sans doute le plus prestigieux exemple de la grande statuaire antique en bronze découvert sur sol suisse. La statue a été coulée au 1er siècle de notre ère, vraisemblablement par des bronziers romains ou formés à l'école romaine, peut-être en Italie du Nord, à moins que cela ne soit de l'autre côté des Alpes, en pays gaulois. La corne frontale de cet animal sacré a disparu, mais on en observe encore très bien l'arrachement. Certains archéologues établissent un rapport entre le taureau tricorne et les eaux, à cause de son impétuosité. Il était peut-être aussi un des animaux favoris de Mercure, le plus grand dieu des Gaulois, selon César.

Source :

Martigny-la-Romaine-François Wiblé, Fondation Pierre Gianadda Martigny-Imprimeries Réunies Lausanne S.A., 2008

Voir aussi : Le retour des Grands Bronzes à Martigny

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Sylvie Bazzanella
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18 avril 2010
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