Bach par le CHOEUR DE L'UNIVERSITÉ DE LAUSANNE et Michel CORBOZ, Cathédrale de Lausanne, RTS, 1966 (1)

25 mai 1966
Radio Télévision Suisse RTS
René Gagnaux

Ce film fut diffusé par la Radio Télévision Suisse le 25 décembre 1966. Cette vidéo des archives de la Radio Télévision Suisse est une pure merveille, un des nombreux bijoux des archives de la RTS!

Il ne peut s'agir que d'un extrait du concert donné le 25 mai 1966 dans la Cathédrale de Lausanne, qui était la première lausannoise du Grand Choeur Universitaire (*): voir cet article pour une annonce de ce concert et cet autre article pour un compte-rendu de l'époque.

Michel CORBOZ a été le directeur du CHOEUR DE L'UNIVERSITÉ DE LAUSANNE de 1963 à 1971 (ses prédécesseurs avaient été Charles DUTOIT - 1958 à 1963 - et Carlo HEMMERLING - 1947 à 1958).

(*) C'est la presse de l'époque - mai 1966 - qui écrivait "la première lausannoise du Grand Choeur Universitaire": ceci ne m'est pas clair, étant donné que le CHOEUR DE L'UNIVERSITÉ DE LAUSANNE existait déjà depuis 1947?! Ou bien est-ce-que ce choeur nommé "Grand Choeur Universitaire" en était une formation particulière?

Si une personne visionant cette page devait en savoir plus, ne pas hésiter à communiquer ces informations, soit en commentant cet article, soit en m'écrivant par couriel. Prière d'utiliser si possible mon adresse externe à Notre Histoire - r.gagnaux@hispeed.ch - car je crains d'avoir un problème avec ma messagerie sur Notre Histoire.

Cliquer sur les photos ci-dessous - citées de ce film - pour voir la partie du film correspondante, dans une nouvelle fenêtre!

Michel Corboz en pleine action... , 25 mai 1966

Le premier motet:

Johann Sebastian BACH, Motet «Fürchte dich nicht, ich bin bei dir» (Ne crains rien, je suis auprès de toi), Motet funèbre pour double choeur, BWV 228, Yvonne PERRIN, soprano, Grand Choeur de l'Université de Lausanne, Michel CORBOZ, Cathédrale de Lausanne, 25 mai 1966

Ce motet est un chant de consolation sur les textes d'Esaïe 41,10 et 43,1 ainsi que les strophes 11 et 12 de l'hymne «Warum soll ich mich denn grämen» de Paul Gerhardt. Le manuscrit autographe de l'oeuvre ayant été perdu, et la copie la plus ancienne retrouvée étant postérieure à la mort de Bach, on ne connait pas avec certitude ni les circonstances de la composition de ce motet, ni celles d'une première audition.

On trouve souvent mentionné qu'il aurait été chanté pour un service funèbre à Leipzig en 1726 (à la mémoire de l'épouse de Christoph Georg Winckler, capitaine de Leipzig), mais aucuns documents ne permettent de soutenir cette hypothèse.

"[...] Certains détails signalent une origine plus ancienne, probablement lors de la période de Weimar: les similitudes structurales et stylistiques avec «Ich lasse dich nicht» connu pour dater des années 1712-1713, voire plus tôt, sa construction suivant les lignes du motet traditionnel de l'Allemagne centrale et l'usage d'une version d'une mélodie d'hymne qui ne ressemble pas à la forme mélodique employée par Bach à l'époque de Leipzig. [...]" cité du texte de Daniel R. Melamed, traduction: Jean Paul Ménière, New Haven/CT, printemps 2000, publié dans la préface de l'édition Carus, Kritische Neuausgabe, Carus 31.224/10.

C'est aussi ce que pense John Eliot Gardiner, grand connaisseur de la musique vocale de Bach, qui écrivait en 2012:

"[...] Pour des raisons stylistiques, on peut rattacher «Fürchte dich nicht, ich bin bei dir», BWV 228, à la période de Weimar, ce qui fait de lui un des tout premiers motets de Bach. Le compositeur combine avec beaucoup de talent des traits «instrumentaux» et expressifs dans la longue section médiane, une double fugue où les trois voix graves échangent des sujets qui sont de libres renversements l'un de l'autre, tandis que les sopranos entonnent deux strophes du cantique de Paul Gerhardt «Warum sollt ich mich denn grämen».

Le fait que le sujet ascendant dérive du motif initial du choral, qui figurera bientôt au soprano en tant que cantus firmus, pourrait n'être qu'un signe supplémentaire de l'ingéniosité sans limites de Bach. Mais quand ce motif apparaît pour la troisième fois, chanté maintenant par les altos dans la tonalité du choral (ré majeur), le lien entre les deux textes devient évident et apparaît même dans l'enchaînement des mots: les paroles bibliques «Ich habe dich bei deinem Namen gerufen» (Je t'ai appelé par ton nom) conduisent en climax au vers du cantique «Ich bin dein, weil du dein Leben... [gegeben]» (je suis tien, car tu m'as donné ta vie).

Bach avait appris de son grand prédécesseur Johann Christoph, lui aussi auteur d'un motet sur une version de ces paroles d'Isaïe, comment imbriquer, fusionner ou opposer des mots ou des idées similaires dans un but expressif et exégétique, et ce toujours avec charme et naturel.

Quoi de plus simple et de plus éloquent que la petite phrase détachée «du bist mein» que Bach intercale sous forme de quinte descendante entre les deux sujets? Le thème chromatique suggestif de cette fugue rappelle beaucoup celui qu'on trouve dans la seconde aria de la cantate de Carême pour alto solo «Widerstehe doch der Sünde», BWV 54, où Bach lui ajoute un long contresujet crispé pour dépeindre les «viles chaînes» du démon. Plus frappante encore est la ressemblance du contre-sujet avec le thème du dernier mouvement de la cantate Christen, ätzet diesen Tag, BWV 63, écrite à Weimar pour le jour de Noël 1714. La cantate BWV 54 ayant probablement été composée l'année suivante, il n'est pas impossible que Bach ait voulu y reprendre l'appel à la miséricorde divine de sa cantate de Noël («Dieu tout-puissant, contemple avec bonté cette ferveur des âmes humbles!») pour réduire à néant la beauté tentante du péché («d'une grande beauté extérieure») inventé par le démon, et, en utilisant un thème de fugue presque identique dans ce motet, renforcer le message de la présence et de la miséricorde divines. [...]"

Le texte du motet:

Fürchte dich nicht, ich bin bei dir; weiche nicht, denn ich bin dein Gott! Ich stärke dich, ich helfe dir auch, ich erhalte dich durch die rechte Hand meiner Gerechtigkeit.

Fürchte dich nicht, denn ich habe dich erlöset, ich habe dich bei deinem Namen gerufen, du bist mein!

Au centre: la soliste Yvonne PERRIN, qui chante le texte ci-dessous:

Herr, mein Hirt, Brunn aller Freuden,

du bist mein, ich bin dein,

niemand kann uns scheiden.

Ich bin dein, weil du dein Leben

und dein Blut mir zugut

in den Tod gegeben.

Du bist mein, weil ich dich fasse

und dich nicht, o mein Licht,

aus dem Herzen lasse.

Lass mich, lass mich hingelangen,

da du mich und ich dich

lieblich werd umfangen.

Fürchte dich nicht, du bist mein!

Pour une traduction en français, voir par exemple les pages 33 et 34 de ce ficher pdf.

En intermède, avec le jeune Lionel ROGG, alors âgé de 30 ans...

Johann Sebastian BACH, «O Lamm Gottes unschuldig» (Agneau innocent de Dieu), Choral pour orgue, BWV 1095, Neumeister Chorales No. 7, Lionel ROGG, 25 mai 1966

Le 2e motet de ce film a une seule petite ombre: le film est coupé dans les Halleluja de la dernière strophe. Mais le document reste quand-même splendide!

Johann Sebastian BACH, Motet «Singet dem Herrn ein neues Lied» (Chantez à Yahvé un chant nouveau), Motet pour double choeur, BWV 225, Grand Choeur de l'Université de Lausanne, Michel CORBOZ, Cathédrale de Lausanne, 25 mai 1966

Texte: Psaume 149,1-3 : 3e strophe de l'hymne «Nun lob, mein Seel, den Herren» de J. Grammann, une poésie anonyme et Psaume 150, 2 et 6

Cité du texte de Daniel R. Melamed, traduction: Jean Paul Ménière, New Haven/CT, printemps 2000, publié dans la préface de l'édition Carus, Kritische Neuausgabe, Carus 31.224/10:

"[...] La date de composition de la partition autographe et les parties originales des années 1726-1727 détruisent plusieurs des spéculations concernant l'occasion fournie à Bach pour l'écriture de «Singet dem Herrn» et nous ne savons rien quant à son propos. Un rapport avec le service liturgique régulier de Leipzig semble extrêmement peu probable et, pour les oreilles modernes, l'oeuvre ne semble pas avoir le caractère d'une musique de funérailles. Des hypothèses récentes évoquent un rapport avec le Jour de la Réformation ou la célébration d'un anniversaire à Weissenfels, mais la destination du plus grand motet de Bach reste inconnue. Le matériel qui nous est parvenu ne comprend que les parties vocales, laissant ainsi ouvert le problème de la participation d'instruments sous la direction de Bach. [...]"

Voir à partir de la page 28 de ce ficher pdf pour un commentaire détaillé de John Eliot Gardiner, dont je ne cite ici que le début:

"[...] «À peine le choeur eut-il chanté quelques mesures que Mozart resta interdit; puis, quelques mesures plus loin, il s'écria: 'Qu'est-ce là?' Et alors il sembla que toute son âme était réfugiée dans ses oreilles. Lorsque le chant fut terminé, il cria avec enthousiasme: 'Voilà quelque chose où il y a à apprendre!'» Singet dem Herrn ein neues Lied, BWV 225, est peut-être le plus riche et techniquement le plus difficile des motets pour double choeur de Bach [...]"

Le texte du motet:

Singet dem Herrn ein neues Lied, die Gemeine der

Heiligen sollen ihn loben. Israel freue sich des, der ihn

gemacht hat. Die Kinder Zion sei'n fröhlich über ihrem

Könige, sie sollen loben seinen Namen im Reihen;

mit Pauken und mit Harfen sollen sie ihm spielen.

Wie sich ein Vater erbarmet

Gott, nimm dich ferner unser an,

über seine junge Kinderlein,

so tut der Herr uns allen,

so wir ihn kindlich fürchten rein.

Er kennt das arm Gemächte,

Gott weiß, wir sind nur Staub,

denn ohne dich ist nichts getan

mit allen unsern Sachen.

gleichwie das Gras vom Rechen,

ein Blum und fallend Laub!

Der Wind nur drüber wehet,

so ist es nicht mehr da,

Drum sei du unser Schirm und Licht,

und trügt uns unsre Hoffnung nicht,

so wirst du's ferner machen.

also der Mensch vergehet,

sein End, das ist ihm nah.

Wohl dem, der sich nur steif und fest

auf dich und deine Huld verlässt.

Die Gottesgnad alleine

Gott nimmt sich ferner unser an,

steht fest und bleibt in Ewigkeit,

bei seiner lieben G'meine,

die steht in seiner Furcht bereit,

die seinen Bund behalten.

Er herrscht im Himmelreich.

denn ohne ihn ist nichts getan

mit allen unsern Sachen.

Ihr starken Engel, waltet

sein's Lobs und dient zugleich

dem großen Gott zu Ehren

und treibt sein heilig's Wort!

Drum sei er unser Schirm und Licht,

und trügt uns unsre Hoffnung nicht,

so wird er's ferner machen.

Mein Seel soll auch vermehren

sein Lob an allem Ort.

Wohl dem, der sich nur steif und fest

auf dich und deine Huld verlässt.

Lobet den Herrn in seinen Taten, lobet ihn in seiner

großen Herrlichkeit! Alles, was Odem hat, lobe den Herrn.

Halleluja!

Pour une traduction en français, voir par exemple les pages 34 et 35 de ce ficher pdf.

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René Gagnaux
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31 décembre 2017
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