Cette photographie a été publiée dans le Journal et feuille d'avis du Valais, le 4 avril 1966. L'article précise que le véhicule est hors d'usage mais que, par une chance providentielle, le conducteur et son passager s'en tirent indemnes. Philippe Schmid légendait sa photographie: "La voiture a littéralement fait le tour du pommier pour l'épouser de manière effrayante."

Présentée dans l'exposition Les hauts et les bas du Valais. Philippe Schmid, reporter d'actualité, visible jusqu'au 27 mars 2024 à la Médiathèque Valais - Martigny, cette photographie a inspiré le texte suivant à l'auteur Julien Antoine Bovier.

Crash

Si nous n’avions pas inventé l’arbre, la voiture ne s’y serait pas emboutie. C’est l’inverse qui est vrai, mais il n’est pas inhabituel d’entendre qu’un accident est survenu à une voiture. En écrasant la cause, la responsabilité est masquée. De l’autre côté, personne n’entendra la plainte des branches dans lesquelles la carrosserie s’est plantée. La perte la plus lourde, celle qui ne peut être mesurée, étale l’absence.

Qu’il soit boursier ou véhiculaire, le crash est inhérent à la mise en place de dispositifs et à la technique. Ce qui craque dans ces objets investis de tant de force, c’est notre capacité à nous faire comprendre d’eux. La technique, à qui on prétend une neutralité, redéfinit les rôles sociaux, implique des choix, des usages et c’est là que la machine gouverne.

Ainsi, si notre capacité à habiter le monde, et à interagir avec lui, est faite de prothèses – de la fourchette aux serveurs baignant de données – c’est en étant conscient de leur force et des dégâts qui résultent de leurs usages que nous pouvons à nouveau dialoguer avec eux pour n’être pas submergés ni dominés par nos propres produits.

Julien Antoine Bovier

Texte publié dans le Journal de Sierre en juin 2023