Cortège funèbre des obsèques de M. Paul Jeanrenaud (1819-1903), directeur de l’arrondissement IV de la poste. Carte postale faite de quatre photos montrant le convoi funèbre à quatre moments successifs alors que le photographe reste au même endroit.

Voici le récit que donne la FAN - L’Express le 1er décembre 1903 :

« Les obsèques de M. Paul Jeanrenaud

Rien ne montrait mieux la place qu'a tenue à Neuchâtel feu M. Paul Jeanrenaud que la foule assemblée hier après midi jusqu'à la sortie de la ville et prenant ainsi sa part aux honneurs rendus à ce citoyen sans reproche, à cet administrateur distingué, à cet homme de bien». Cette foule vit défiler le long cortège funèbre en tête duquel marchaient des conducteurs, chargeurs et facteurs postaux en tenue de service, précédant un char de couronnes et le corbillard. Parmi les couronnes, il y avait celle de la direction des postes suisses, de la direction de Neuchâtel, des conducteurs et facteurs et du personnel d'ici, de la Chaux-de-Fonds, du Val-de-Ruz, de Bienne, de Delémont, des télégraphes et téléphones; une couronne des libéraux neuchâtelois et d'autres encore dont nous n'avons pas pu voir la provenance. Au nombre des assistants , M. Comtesse, conseiller fédéral, M. Steiger, inspecteur général des Postes, les directeurs des arrondissements d'Aarau, Bâle, Genève, Lausanne, Zurich, et fermant la marche, une délégation des employés de chemin de fer et d'employés postaux aussi en tenue de service.

A Beauregard, l'inspecteur général des postes suisses a pris le premier la parole. Il est rare pour un homme, dit M. Steiger d'arriver à 85 ans en possession de toutes ses facultés et plus rare encore de servir avec distinction jusqu'à cet âge-là une administration où M. Jeanrenaud entra le 11 janvier 1836, dont il fut le directeur depuis le 7 janvier 1850 et dans laquelle sa haute Intelligence, sa grande énergie et son incalculable capacité de travail rendirent les services les plus signalés.

En 1863, le Conseil fédéral désignait MM. Paul Jeanrenaud et Kern, ministre de Suisse en France, pour le représenter à la grande conférence postale internationale de Paris, au sein de laquelle furent posés les principes généraux du régime postal — uniformité de taxes et de poids, liberté de transit — qui devaient figurer plus tard dans les conventions internationales. Onze ans plus tard, en 1874, se fondait â Berne l'Union postale universelle, cette grande œuvre de civilisation et de paix.

En 1868, le Conseil fédéral répondait à la demande du gouvernement roumain en envoyant M. Jeanrenaud, avec MM. Hœhn et Schneider, réorganiser le système postal de Roumanie, et cette tâche fut remplie avec succès en un temps relativement restreint.

Paul Jeanrenaud lutta toujours pour ce qu'il crut être vrai et bon. Pour ses subordonnés, il eut des conseils désintéressés et il fut un véritable père de famille qui savait inculquer les sentiments du devoir et de l'honneur. L'administration postale ne l'oubliera jamais. M. Tussher, adjoint à la direction de Neuchâtel, dit ensuite d'une voix que l’émotion altère de plus en plus la grande affection qui unissait le personnel du IVe arrondissement postal à son chef vénéré. Il rappelle la mémoire de cet homme d'une trempe exceptionnelle, d'une puissance de travail qui restera légendaire dans le domaine, portait qui s'affirma si souvent également dans le domaine civique, sans que celui-ci fît tort à celui-là.

M. Jeanrenaud prenant sur ses nuits pour concilier les multiples devoirs assumés par lui. Il s'est élevé un monument dans le cœur de ses subordonnés par sa courtoise dignité et sa bonté qui lui fit éviter d’humilier même là où il devait sévir.

Une lettre d'un collègue de l'orateur témoigne que ce deuil est vraiment celui de la famille postale et que la carrière de travail et d'honneur, de lutte pour le bien et le noble caractère du défunt forcèrent l'admiration de tous, adversaires compris.

M. Krebs, conseiller général, parle en dernier lieu. Au nom de ses amis libéraux, il rend hommage à l'esprit d'initiative et au grand cœur de Paul Jeanrenaud, de qui la générosité et la largeur d'esprit admettaient tous les concours et faisaient appel à toutes les bonnes volontés, quelle que fût l'opinion politique, pour travailler en commun au bien général. Là est l'explication de son succès. Que cet exemple nous suive et domine toute notre pensée, toute notre activité !

Sur ces paroles, le cercueil est descendu en terre. L'assistance s'écoule. Le sage et bon vieillard repose, mais son souvenir demeurera: on n'oublie pas les Paul Jeanrenaud. »

À noter que les enfants vont tête nue et porte des culottes courtes, que la famille du défunt marche directement derrière le corbillard et va tête nue également, six employés postaux en tenue encadrent le corbillard. Le reste du cortège est composé des représentants officiels en tenue ou portant redingote et haut-de-forme ou canotier.