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Ludwig van BEETHOVEN, Concerto pour piano No 1 op. 15, Adrian AESCHBACHER, Lucerne, Wilhelm FURTWÄNGLER

27 août 1947
Radio Suisse Romande pour l'audio, René Gagnaux resp. sources indiquées pour texte et photos
Radio Suisse Romande pour l'audio, René Gagnaux resp. sources indiquées pour texte et photos

Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano et orchestre No 1 en ut majeur, op. 15, Adrian Aeschbacher, Orchestre du Festival de Lucerne, Wilhelm Furtwängler, 27 août 1947, Kunsthaus de Lucerne

  1. Allegro con brio.........................................................15:42 (-> 15:42)
  2. Largo.........................................................................12:20 (-> 28:02)
  3. Rondo (Allegro con brio)............................................09:01 (-> 37:03)

Provenance: Radiodiffusion

La magnifique interprétation de cette oeuvre proposée ici provient d'un concert donné le 27 août 1947 à Lucerne, lors des Semaines Musicales Internationales. L'orchestre du festival - formé en grande partie de musiciens de l'Orchestre de la Suisse Romande - était placé sous la direction de Wilhelm FURTWÄNGLER, avec Adrian AESCHBACHER en soliste. Le concert fut retransmis en direct sur l'émetteur de Sottens:

René Gagnaux
Montage d'extraits de la revue Radio Actualités des 1er et 22 août 1947
27 août 1947
Montage d'extraits de la revue Radio Actualités des 1er et 22 août 1947

Début janvier 1947, Wilhelm Furtwängler s’était établi avec sa famille à Clarens, afin de se reposer. 1945 et 1946 avaient été pour lui deux années très éprouvantes: il avait certes été assez rapidement acquitté par le tribunal de dénazification, en décembre 1946, mais ce n'est qu'en avril 1947 que le commandement interallié de Berlin homologua enfin sa dénazification - Wilhelm Furtwängler pouvait donc à nouveau diriger librement de par le monde.

Cité d’un entretien avec Henri Jaton publié dans la Nouvelle Revue de Lausanne du 27 août 1947, en page 6:

La répétition s'achève...; l'illustre chef se mêle au groupe des instrumentistes et des auditeurs. Et le grand artiste qui sait imposer sa volonté triomphante aux ensembles les plus fameux, nous apparaît d'une simplicité et d'une amabilité sans égales…

— Nous aurons la joie de vous voir en Suisse romande, je crois?

— Peut-être; si l'on peut s'entendre sur une question de dates, car l'horaire de mon hiver est très chargé.

— Beaucoup de concerts à l'étranger, sans doute?

— Oui, je dirigerai en France, en Hollande, en Angleterre, en Amérique du Sud...

— Et quels programme?

— Le répertoire classique, plus particulièrement.

— À Lucerne, vous ajouterez, parait-il, un concert au programme général?

— Oui, avec Yehudi Menuhin comme soliste, je dirigerai samedi au profit de la caisse du Syndicat des musiciens suisses.

— Au milieu de tous ces engagements, quelques loisirs?...

— ... à Clarens, où je suis fixé avec ma famille et où je me plais infiniment...

Et le souvenir de l'ambiance paisible, tranquille qu'il rencontre aux bords du Léman, amène un sourire sympathique sur ce masque, énergique, volontaire, qui, cette semaine sous l'égide de Beethoven ou de Brahms, va connaître sans doute de nouveaux triomphes.

René Gagnaux
Adrian AESCHBACHER
Adrian AESCHBACHER

Cité du compte-rendu d'Henri JATON publié le lundi 1er septembre 1947 dans La Nouvelle Revue de Lausanne en page 6:

"[...] À LUCERNE - Apothéose en guise de conclusion

Il serait inexact d'user d'un autre terme pour traduire l'atmosphère triomphale qui a présidé mercredi à la conclusion officielle des Semaines musicales de Lucerne. Nous disons «officielle» car, dans un geste généreux et qui les honore grandement, le prestigieux chef Wilhelm Furtwängler et Yehudi Menuhin ont accepté de figurer au programme du concert qui sera donné ce soir au profit de la caisse du Syndicat des musiciens suisses.

Ainsi, la clôture traditionnelle eut lieu mercredi, en présence d'un auditoire considérable qui fit que pas un mètre carré du vaste Kunsthaus ne demeura inoccupé. Sans contredit, la présence de Furtwängler était pour beaucoup dans cette extraordinaire affluence, le grand artiste nous ayant donné quelques jours auparavant déjà, la mesure de ses immenses possibilités dans une interprétation grandiose du Requiem de Brahms. C'est que de plus en plus, Wilhelm Furtwängler nous apparaît comme le continuateur de cette grande lignée des princes de la baguette, Nikisch, Richter, Mahler, qui ont élevé le prestige et la fonction de chef au plus haut degré qui soit. Sans doute, le musicien allemand n'a-t-il rien d'un défricheur: sans doute son répertoire est-il relativement limité. Mais le commentaire qu'il nous en donne est d'une si rare perfection que l’oeuvre la plus connue de la littérature orchestrale nous apparaît alors revivant d’une vie nouvelle et revêtant un aspect absolument inédit.

Cette perfection nous semble relever de deux éléments essentiels: tout d'abord, la fascination que Wilhelm Furtwängler exerce sur ses instrumentistes; et plus encore peut-être, le travail méticuleux, intense qui prélude à ses exécutions. C'est à ce propos qu'une répétition dirigée par l'éminent chef offre un intérêt exceptionnel. Avec un soin minutieux, Furtwängler règle, ordonne chaque passage d'une oeuvre, prenant à part les divers compartiments voire les divers pupitres de l'orchestre, dosant la sonorité subtile d'un «pianissimo» imperceptible au même titre que l'explosion triomphante d'un «tutti». On se souviendra longtemps de l'apparition miraculeuse du premier thème de Léonore, numéro III, de Beethoven, dans laquelle les dix-huit premiers violons de l'orchestre paraissaient obéir à une seule et unique main à un seul et unique coup d'archet.

Et la qualité exceptionnelle de ce passage s'étendait tout aussi bien à l'oeuvre entière qu'à la Symphonie en do mineur de Brahms, dont Wilhelm Furtwängler fit une épopée magnifique, toute de poésie et de bravoure, qui suscita dans tout l'auditoire un enthousiasme délirant et d'innombrables rappels. C'est plus de dix fois que Furtwängler dût revenir sur scène recevoir le tribut de joie et de reconnaissance d'un public conscient malgré tout de la valeur incommensurable d'une traduction pareille.

En toute justice et galanterie, le maître de cette inoubliable soirée associa l'orchestre à son triomphe; et les excellents instrumentistes reçurent, eux aussi, un témoignage vibrant de gratitude et de satisfaction unanimes.

Ce dernier concert mit également à l'honneur un de nos pianistes suisses parmi les meilleurs: Adrien Aeschbacher, qui nous offrit une interprétation véhémente et pleine d'autorité du Premier Concerto de Beethoven. Est-il besoin d'ajouter que là encore, Wilhelm Furtwängler conduisit l'accompagnement orchestral du Concerto d'admirable manière. Et nous ne voudrions pas conclure cet ultime message lucernois sans dire à MM. Schüss et Heller notre gratitude pour leur amabilité à l'égard des envoyés de la presse et nos félicitations pour la réussite brillante d'une manifestation artistique de premier ordre, qui fait grand honneur à Lucerne et à notre pays tout entier. [...]"

L'enregistrement que vous écoutez:

Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano et orchestre No 1 en ut majeur, op. 15, Adrian Aeschbacher, Orchestre du Festival de Lucerne, Wilhelm Furtwängler, 27 août 1947, Kunsthaus de Lucerne

  1. Allegro con brio.........................................................15:42 (-> 15:42)
  2. Largo.........................................................................12:20 (-> 28:02)
  3. Rondo (Allegro con brio)............................................09:01 (-> 37:03)

Provenance: Radiodiffusion

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Sur l'oeuvre:

Le concerto pour piano en ut majeur de Beethoven fut écrit en 1797 et est connu comme étant le premier du compositeur, bien qu'en fait il existe trois oeuvres antérieures de ce genre. Le concerto pour piano en si bémol, désigné comme étant le deuxième, date de 1795, mais fut révisé trois ans plus tard - tandis qu'il existe également deux oeuvres de jeunesse du compositeur, l'une écrite alors qu'il n'avait que douze ans, et l'autre, en un seul mouvement, dont la date est incertaine. Ces deux dernières oeuvres n'ont certes qu'assez peu d'importance, si ce n'est qu'elles prouvent que Beethoven avait déjà une certaine expérience lorsqu'il s'est lancé dans ses premiers essais majeurs d'écriture de concertos.

Une grande partie du concerto en ut majeur montre une légèreté d'esprit typique du XVIIIe siècle, bien que de temps en temps, en particulier dans la coda du mouvement lent, nous soyons conscients de sentiments plus profonds qui donnent un avant-goût des oeuvres ultérieures. Inutile de dire que le concerto effraya les contemporains lors de sa première audition. L'organiste et compositeur bohémien Tomasek, qui entendit Beethoven jouer les premier et deuxième concertos en 1798, écrivit sur les „déviations audacieuses d'un motif à l'autre, qui mettent de côté la connexion organique et le développement graduel des idées“ et estima que „le singulier et l'original semblent être le principal objectif de Beethoven en matière de composition“. Le public moderne, qui a devant lui l'ensemble des oeuvres de Beethoven, ne trouvera pas ici de quoi le frapper comme “singulier”, mais le premier commentaire cité ci-dessus a une certaine justification dans la mesure où le concerto, en particulier son premier mouvement, fait preuve d'une logique et d'une maîtrise structurelle que le compositeur atteindra par la suite. Cela ne doit cependant pas nous empêcher d'apprécier le charme exquis de l'oeuvre.

Premier mouvement: Allegro con brio

Le premier tutti est assez conventionnel - il n'y a pas d'apparition précoce du piano à la manière des quatrième et cinquième concertos. Le thème d'ouverture, le plus important du mouvement, est suivi d'une section caractéristique du premier sujet, qui se termine par une pause sur la dominante. Nous faisons ensuite connaissance avec le thème principal du deuxième sujet, d'humeur plutôt incertaine et inquiète, la première ligne mélodique apparaissant dans une succession ascendante de tonalités (mi bémol majeur, fa mineur, sol mineur) jusqu'à ce qu'une phrase descendante imitée, basée sur le premier sujet, nous ramène à la tonique pour un rappel du thème d'ouverture et un autre, ressemblant de façon assez frappante aux “The British Grenadiers”. Le tutti s'achève ainsi et le soliste entre en scène avec un thème entièrement nouveau, entendu pour la première et dernière fois dans le mouvement. La progression du thème d'ouverture est brisée par des arpèges rapides et descendants du piano, après quoi un passage de transition mène au deuxième sujet dans sa forme orthodoxe à la dominante, le piano le répétant. Le thème des “The British Grenadiers” suit bientôt, avec un séduisant accompagnement de doubles croches dans la version du soliste, et une série de passages courants conduit à la figure descendante imitée qui reliait le deuxième sujet dans le tutti et qui met maintenant fin à l'exposition. Pour le développement, une succession d'accords conduit à la tonalité de mi bémol dans laquelle le piano émet un nouveau thème si paisible et gracieux qu'il suggère presque un mouvement lent. Des fragments du premier thème, qui sonnent de manière étonnamment lyrique aux bois et aux cordes pizzicato, se mêlent à la partie de piano, fluide et douce. Le soliste répond à l'annonce de la phrase d'ouverture par les cors sur un accord de septième diminuée qui descend en demi-ton jusqu'à ce qu'il devienne la neuvième mineure dominante de do et revienne à la tonique pour la réexposition. La cadence utilisée ici (la dernière des trois écrites pour ce mouvement par Beethoven) est excellente et commente un large éventail de matériaux avant que l'orchestre au complet n'entre pour conclure le mouvement avec les “The British Grenadiers”, dont le caractère martial est renforcé par l'aide des cors et des trompettes.

Second mouvement: Largo

On dit souvent que le mouvement lent d'une oeuvre de forme symphonique est le plus grand test des capacités d'un compositeur, car sa moindre préoccupation pour les problèmes purement techniques fait qu'il est essentiel que son inspiration soit de la plus haute qualité. Beethoven déçoit rarement à cet égard, et le largo de son premier concerto pour piano est d'une beauté lyrique qui en fait la section la plus émouvante de l'oeuvre. La coda, en particulier, dégage un sentiment de profonde tragédie (par opposition au regret tranquille considéré comme plus décent au XVIIIe siècle) qui indiquerait à lui seul la place de ce concerto dans l'échelle du temps. Le mouvement comporte deux mélodies principales, la première en la bémol, la seconde à la dominante, après quoi la première réapparaît avec des variations. Nous voyons, dans cette première cantilène de Beethoven, son influence sur les compositeurs d'opéra italiens du XIXe siècle. La section centrale de la première mélodie, si sereine aux cordes et transférée plus tard à la clarinette avec un non moins bel effet, rappelle l'écriture la plus pure de Bellini, dans laquelle il a su résister à la tentation de trop embellir sa ligne vocale, et il est également intéressant de noter que cette première mélodie, lors de sa dernière apparition, reçoit le type d'accompagnement “rum-tum” que l'Italien a par la suite travaillé à mort. Dans son contexte, cependant, l'accompagnement semble tout à fait approprié et satisfaisant, et les variations sont bientôt suivies par la brève tragédie de la coda, qui est à son tour dissipée par un retour à la sérénité qui a été le sentiment dominant du mouvement.

Troisième mouvement: Rondo (Allegro scherzando)

Le dernier mouvement, très gai, est un pur délice. L'air du rondo est l'un des plus spirituels et des plus enjoués que Beethoven ait jamais écrits, et le deuxième sujet, à la dominante, en fait un excellent complément, en particulier lorsque des fragments sont donnés à la main gauche de la partie de piano immédiatement après son premier énoncé. L'épisode central alterne deux airs dont le premier rivalise d'espièglerie avec le rondo lui-même, tandis que le second, plus doux, offre un contraste efficace. Nous retrouvons nos amis d'origine dans la réexposition, après quoi l'orchestre travaille jusqu'au seul passage puissant du mouvement, avant la brève cadence. Le soliste entame le rondo dans la tonalité éloignée de si majeur, mais il est entraîné dans des digressions, et l'orchestre le ramène finalement dans la tonique pour la coda, qui est vive pour l'essentiel, mais qui comporte un dernier moment d'hésitation avant que l'oeuvre ne s'achève en toute hâte. Traduit d'un texte de Robert BOAS publié au verso de la pochette de ce disque.

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René Gagnaux
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17 décembre 2023
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