Vos documents au coeur de l'histoire - N°5

23 août 2023

Comment dater une photo historique? Voilà une question sur laquelle bien des historiennes et des historiens ont séché. Une myriade d'indices peut venir en aide aux Sherlock de l'histoire. La communauté de notreHistoire.ch déjà su en utiliser plus d'un pour permettre à un membre d'avancer dans ses recherches. La cinquième et dernière image de notre série d'été 2023 offre un terrain de jeu tout trouvé pour énumérer les pistes à suivre lorsque la chronologie est incertaine.

Documents n°5 : Gare de St-Imier

Nous voici au coeur du Jura bernois devant la gare de St-Imier. Cette étrange image, probablement prise depuis une fenêtre ou un balcon voisin, n'offre pas de sujet évident. Il ne s'agit pas d'un "portrait de la gare" mettant à l'honneur l'architecture des lieux. La photographie s'intéresse avant tout au trafic et à l'atmosphère qui règne aux abords des quais. Autocar, voitures et vaches formes une combinaison inédite qui tranche singlièrement avec l'ordre et la rigeur des gares métropolitaines.

Gare de St-Imier: les diagonales qui structurent l'image
Gare de St-Imier: les diagonales qui structurent l'image

La composition dynamique de l'image, construite sur une succession de diagonales, communique implicitement une idée de désordre. Celui-ci est encore renforcée par la présence saugrenue de vaches sur la chaussée. Diagonales, bovidés et véhicules de formes, de fonctions et de couleurs variées parachève l'impression bigarrée de la scène. Nous sommes très loin du caractère paisible de ce tirage historique des lieux pris en 1890.

Marqueurs temporels: les véhicules

Dans les marqueurs temporels que l'on peut identifier sur la photo, on pense immédiatement aux véhicules. Les dates de lancement ou de fin de production des modèles que l'on voit à l'image permettent de resserrer les bornes chronologiques. C'est précisément en partant de cet indice que Fred Tanner a complété la description de la photopgarphie.

Gare de St-Imier: les groupes de véhicules
Gare de St-Imier: les groupes de véhicules

Il a relevé les modèles suivants:

Groupe N°1 Au premier plan, sagement garée, une Reliant Regal rouge. Il s'agit d'un modèle à 3 roues, construit entre 1953 et 1973 en Angleterre. Juste derrière, on aperçoit une berline bichrome à deux portes qui est sans doute une Opel Kadett L dans une exécution disponible à partir de 1964, soit une année après la date présumée de la photographie qui nous occupe.

Groupe N°2 L'autocar des Chemins de fer du Jura est reconnaissable grâce au monogramme CJ peint sur sa carrosserie. Précisions que c’est en 1948 qu’est créé le service des automobiles des Chemins de fer du Jura. Le premier car d’excursion est lui mis en circulation en 1952. Le Journal du Jura donne régulièrement les horaires des courses et voyages que proposent la compagnie. On remarque en épluchant ces annonces publicitaires que c'est à partir de 1966 que le sigle CJ est présenté dans un cartouche encadrés d'ailes stylisées. Il remplace l'image du car dans les annonces publicitaires de l'entreprise. Cette inflexion de la ligne graphique constitue un indice pour dater la photographie, dont la date n'est qu'approximative.

Autocars CJ Tramelan: Nos beaux horaires de vacances 1963
Autocars CJ Tramelan: Nos beaux horaires de vacances 1963

Groupe N°3 La voiture jaune des PTT est une Jeep Willys dont la partie arrière, nous apprend Fred Tanner, a elle été carrossée spécialement pour épouser les besoins de la distribution du courrier. En consultant les blogs de passionnés (notamment le blog: Willys-Overland Allradantrieb der Schweizer Post (PTT)), on apprend que ce modèle a été livré aux PTT en 1956. L'uitilisation de la Jeep s'est poursuivie jusqu'au début des années 1970. Certains 4x4 ont débutés leur service dans le canton de Berne, avant de finir leur carrière dans les montagnes grisonnes, comme nous l'apprend une recherche dans le catalogue des collections du Musée de la communication à Berne (voir: 36 résultats pour la vedette "jeep"

A l'issue de ces observations, on constate que l'étude des types de véhicules ne donne qu'une fourchette chronologique assez lâche.

Au-delà des véhicules: le mobilier urbain

Parmi les pistes moins évidentes que l'historienne ou l'historien féru de mystères peut suivre, il faut mentionner celle du mobilier urbain. Et oui, les panneaux de circulation, les lampadaires et les hydrantes sont aussi des indices à ne pas négliger.

Gare de Saint-Imier: nouvelles poubelles
Gare de Saint-Imier: nouvelles poubelles

Sur la photographie, le panneau de "parking" ne va pas permettre de grandes avancées. Mais plus à gauche, on distingue deux poubelles côté à côte. Celles-ci présentent un intérêt pour notre enquête, car le tri des déchets a une histoire qu'il ne faut pas négliger... C'est en 1966 que les Services industriels de Saint-Imier introduisent à l'essai une benne à ordures moderne (voir: "Saint-Imier: une benne à ordures à l'essai" dans L'Impartial, 13 avril 1966. Ce camion doté d'un fouloir qui écrase la matière et la comprime.

Cette nouveauté facilite le travail du personnel de la voirie, mais il modifie aussi les poubelles de la ville, dont la contenance est désormais standard. Sur la photographie, des poubelles répondent à ces nouvelles exigences pratiques. Il y a donc tous lieu de penser, que l'année 1966 soit celle de ce tirage.

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