Empierrage de la baie de Morges
Empierrage de la baie de Morges
Les bacounis à l'oeuvre d'empierreage des rives de la baie ouest de Morges bien avant la prolongation ouest des quais.
Comme l'évoque P.-A. Bovard dans Histoire animée des Morgiens, Henri Monod était désolé de voir les crues périodiques du Lac Léman (petit âge glaciaire ?) ronger peu à peu des surfaces utiles considérables et il recommande de "garantir les côtes par des digues plus ou moins continues, en pieux et en pierres. Si Morges l'eût fait plus tôt, elle aurait conservé plusieurs poses de terrain devenus précieux, que le lac lui a pris. Si l'on n'y veille pas à l'avenir, on verra à nouveau des milliers de poses disparaître..."
Utilisant une barque propulsée par une solide perche, les roches sont glissées vers les berges sur des planches.
Derrière les arbres, la route cantonale de Morges à Lausanne et les bâtiments de l'entreprise Saurer
En-dessous de la photo de l'inauguration de la gare de Morges St Jean, l'image aérienne de l'Est de Morges, datée de 1925, ( collection Michel Bezençon), montre de G à D le rivage du Lac Léman avec prairies et vergers, la route cantonale, les Ateliers SIM (Fonderie et atelier de réparartion d'autos 1912) puis les ateliers de réparation Saurer (1925), on voit le passage à niveau de St Jean (qui disparaîtra lors de la construction de l'autoroute Lausanne-Genève).La gare de Morges St Jean n'est pas là, elle sera inaugurée vers 1928
Dans l'angle inférieur droit, la maison de Pierre Auguste Chappuis, la propriété de Beau Rivage avec un magnifique jardin déjà après 1 an d'occupation.
A la base, naturellement, le niveau du Léman est plus bas d’un mètre. Le relèvement du niveau consécutif à la construction du barrage, a généré une logique érosion des terrains riverains. J’ai vu une gravure, où un troupeau broute sous le château d’Yvoire.Il a donc fallu renforcer les rives à l’aide d’enrochements. Le tirant d’eau des barques ne permettant pas ce genre de travail, les blocs devaient être transbordés sur le naviot. Ces embarcations robustes, ne devaient pas être d’une grande stabilité, avec un tel leste: 1 m3 bien empilé = ~ 2 tonnes.
Merci pour ces précisions concernant le travail au naviot. Visiblement le photographe a cherché à mettre cela en évidence en montant sur la barque des bacounis . A propos de l'érosion des berges à Morges, Henri Monod (17533-1833) évoque le rôle variations saisonnières. Dans un chapitre du texte sur le Léman par wikipedia (fr.wikipedia.org/wiki/Léman) est abordé l'intéressant historique de la régularisation de Lac il est fait mention du procès du Léman: "Jusqu'en 1713 , le Léman a toujours été sujet à de fortes variations saisonnières. La période estivale était en général marquée par des hautes eaux en raison de la fonte des glaces dans le massif alpin, tandis que l’hiver se caractérisait par une situation de basses eaux. À partir du XVIIIe siècle, plusieurs infrastructures sont construites par Genève sur le Rhône émissaire dont de nombreuses claies de pêche, palissades, estacades, retenues pour les biefs des moulins et autres établissements industriels, et tout particulièrement le barrage de la machine hydraulique assurant l’alimentation en eau des fontaines de la ville. Ces installations entrainent cependant d'importantes variations du niveau du lac et conduit les habitants des rives vaudoises et valaisannes à se plaindre de plus en plus souvent d’inondations et de dégâts causés à leurs propriétés riveraines. Ils accusent les habitants de Genève d’obstruer l’exutoire du Rhône et ainsi d’empêcher un écoulement normal du fleuve. Il en résulte un conflit intercantonal de près de deux siècles, les Genevois assurant non seulement qu’ils ouvraient entièrement le barrage de la machine hydraulique en période de hautes eaux, mais aussi qu’ils n’observaient eux-mêmes aucune hausse de niveau, relevés scientifiques à l’appui." Il apparaît alors la difficile mesure des variations du niveau. "Il faut attendre le troisième quart du XIXes. avec les travaux de François-Alphonse Forel, pour mieux comprendre toute la complexité de l’équilibre hydraulique du Léman. Celui-ci est en effet soumis à l’influence du vent, de la pression atmosphérique (déterminant les fameuses seiches lémaniques), de la pluviométrie, de mini-marées (qui ne sont pas négligeables sur une si grosse masse d’eau), mais aussi d’apports d’eau accrus en raison, dès le XIXes., de déboisements dans les Alpes valaisannes et d’assèchements de marais dans la vallée du Rhône qui précédemment agissaient comme des régulateurs, ou encore d’un accroissement de la pluviométrie et de la fonte des glaces en raison du réchauffement climatique. Plutôt que de tenter de mesurer les variations du niveau réel du Léman, chose presque impossible, Forel, par une image dont l’évidence s’impose, a montré l’influence incontestable des obstacles qui ont progressivement encombré le Rhône : « Quand le robinet d'un tonneau est fermé partiellement, il s'écoule moins de vin que quand il est tout ouvert ».
Suite :" Le procès débouche sur la signature le 17 décembre 1884 d’une convention intercantonale puis du règlement fédéral du 7 octobre 1892 pour la régularisation des eaux du Léman. Elles se traduisent par la construction du barrage à rideaux mobiles du pont de la Machine puis de celui de l'usine hydraulique de la Coulouvrenière où une série de vannes horizontales maintiennent le niveau du lac entre les cotes 371,70 et 372,30 m au-dessus du niveau de la mer"
Merci pour ces explications. Les anciens capitaines parlaient de sèches pouvant atteindre parfois 50 cm. Après avoir tendu les haussières le soir, en ayant pris soin de prendre des repères, on les retrouvait, pendantes le matin, le niveau ayant baissé.
Jolie et élégante démonstration ! Merci ! ...Je ne résiste pas à l'envie d'évoquer ce souvenir des"seiches" de mon enfance notrehistoire.ch/entries/LJYMJ...
Puisqu’il est question de SAURER. Neufs, les jumeaux de la CGN, Guisan et Dunant sont équipés de SDL 6 cylindres avec turbos BBC à admission d’air réfrigérée: 500 cv à 1500 tr/ mn. Pas le choix idéal, car excellents moteurs stationnaires, ils n’étaient pas faits pour la traction. Ils propulsaient ces bateaux à 31 km/ heures. Un génie avait fait installer les vannes thermostatiques sur les circuits d’eau du lac; de ce fait il fallait relever les échangeurs au milieu de la saison. Ces vannes furent ensuite logiquement montées sur les circuits internes. Ne travaillant pas sous une pression constante lés faisceaux étaient obstrués par le limon. Ils ont tourné de 63 à 99; à la fin, les pièces devenant rares, il fallait connaître ces moteurs pour les réviser. Un jour mon chef me dit: « Bel, vous me rectifiez les portées des chemises, vous enlevez le minimum. » « A quelle tolérance de centrage SVP? » « 2/100 ème de mm comme d’habitude! » Grattage de tête, gros soucis; avec un mandrin 4 mors indépendants, sans mors doux usinables, 12 chemises! L’outilleur me guettait, tournant la broche à la pause pour épier le comparateur; qui refusait obstinément de descendre au dessous de 4/100 ème . Le chef vapeur qui lorgnait aussi le cadran me lâche le morceau: « Jacob a parié 2 cartons de « Coup d’Etrier » que vous n’y arriverez pas, j’ai parié le contraire, je compte sur vous. » Deux heures, rien de neuf, l’outilleur affichait le sourire des grands jours, pas pour longtemps. J’avais 30 ans, mais 12 ans de métier; quand il m’a vu revenir des toilettes avec un rouleau de papier, il a changé de musique. Le chef vapeur: « Jacob, sort le gousset, attention à l’araignée! » A chacun des 12 réglages 4 témoins, d’autres avaient parié. J’avais appris mon métier dans de dures conditions; à la CGN, en réparation, je donnais pleinement la mesure de mes compétences. Il faut dire que les échanges avec les vieux mécaniciens tourneurs étaient géniaux, le partage des combines était permanent; je n’avais tourné que de l’inoxydable. Au début tous prenaient des notes vers le jeunot; quand j’ai eu des pannes, j’ai apprécié les appels radio sympas qui me sortaient d’embarras. Quelque soit la brutalité de certaines manœuvres, ces moteurs ne câlaient jamais; il n’en était plus de même avec les moteurs en V. Plus de couple, mais aucune inertie.