Dalida à Vercorin

23 avril 1976
Charly Arbellay
Charly Arbellay

Quand Dalida se produisait sous la neige du Valais… avant le soleil de la Corse.

Un souvenir de Charly-G. Arbellay qui a assisté au concert et pris ces photos

Nous sommes vendredi 23 avril 1976. A Chalais, village du district de Sierre, le chœur mixte l’Espérance organisait le Festival de chant du Valais central. Après le tabac que fit Tino Rossi à Savièse le 17 mai 1975, chaque société organisatrice voulait en faire autant. Douce illusion !

Tout commence quelques mois auparavant lorsque les organisateurs de Chalais décident de passer un contrat avec l’impresario de Dalida. Les chanteuses et chanteurs se réjouissaient de la voir en chair et en os. Dès la mi-avril la cantine-festival était dressée. On attendait plus que la star.

« On s’est engueulé au premier contact ! »

Pour réceptionner la chanteuse, le président du comité d’organisation Lucien Perruchoud, entrepreneur du village voisin de Réchy, s’est rendu à l’aéroport de Genève-Cointrin. Il y emmène Bovier, son collègue du comité. Témoignage : « Elle portait un blue jean, les cheveux tirés en queue de cheval ; nous ne l’avions pas reconnue. Elle est restée à nous attendre dans l’aérogare. Cette déconvenue l’a rendue nerveuse et elle s’est fâchée lorsque nous avons fait sa connaissance. Mais j’ai été très ferme avec elle. C’est nous qui étions les commanditaires. Sur le parcours Genève-Valais, elle n’a pas voulu s’arrêter. Nous l’avons conduite directement à la cantine de fête. Dalida avait une conscience professionnelle formidable. Elle ne s’est arrêtée que lorsque le spectacle était prêt ».

Catastrophe, il neige !

Dans l’après-midi de samedi 24 avril, des vents violents décoiffaient les cimes des montagnes valaisannes. Peut-être allait-il pleuvoir en début de soirée ? Voilà que Dalida commence son show en même temps que la météo se gâte rapidement... et la neige commence à tomber au beau milieu du spectacle. Tous les arbres étaient en fleurs. Les branches craquaient sous le poids de la neige. Les organisateurs scrutaient la toile de la tente. Allait-elle supporter cette neige mouillée ? Sur scène, Dalida chante, danse, gesticule, passe ses mains dans sa grande chevelure. Le spectacle est magnifique ! L’artiste était vêtue d’une longue robe blanche sur laquelle les projecteurs produisaient des halos de couleur !

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  • Photo : Charly Arbellay

Merveilleux ! La diva, tout sourire, bras nu, en remet une couche avec Gigi l’amoroso ! Un grand succès. Elle s’en va, puis revient sur scène et chante encore et encore.

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  • Photo : Charly Arbellay

Epuisée, mais ravie, elle regagne la caravane qui lui servait de loge, enveloppée dans une couverture. Il neige !

« Hautaine, mais aussi rigolote »

« Elle avait un fichu caractère, se souvient Lucien Perruchoud. Elle était sévère et hautaine. Mais après le spectacle, elle était tout à fait différente, chic femme et rigolote. Dans ma cave, elle a savouré une bouteille entière de muscat. Elle s’en est souvenue le lendemain parce qu’elle avait mal au foie. Puis nous l’avons conduite à Vercorin, la station située à 1319 mètres au-dessus de Chalais. Elle logeait à l’Hôtel Victoria, une bonne maison de la montagne ».

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  • Vercorin, Hôtel Victoria où logeait Dalida

Accompagnée par son troisième mari

Dalida était accompagnée par son troisième mari, le pseudo comte de Saint-Germain, Richard Chanfray qui s’occupait d’elle et la manageait. En réalité le comte était antiquaire, aventurier, mythomane que la police découvrira suicidé dans sa voiture à Ramatuelle sur un chemin de campagne en 1983.

Vercorin isolé du monde et un concert en Corse

Les chutes de neige catastrophiques pour la saison avaient complètement obstrué les voies de communication du Valais. La route de Vercorin était fermée. Le téléphérique était en panne de courant électrique. Dalida était bloquée à Vercorin sans pouvoir regagner la plaine comme ce fut le cas avec Joséphine Baker à Arolla en 1968. Seulement voilà ! Dalida devait donner un concert en Corse le soir-même!

« Dès 7 heures du matin, elle me téléphonait chaque 15 minutes. Elle m’engueulait. J’ai songé à appeler l’hélicoptère d’Air-Glaciers, mais aucun d’eux ne pouvaient décoller. Finalement nous l’avons transbordée par-dessus la gigantesque coulée de neige qui était descendue sur la route entre les deux tunnels. Elle réussit à prendre son avion pour la Corse. On était soulagé !"

Gros cachet et grosse dédite

Le cachet de Dalida était de 26'000 francs, soit 21'000 francs pour elle et le reste pour les musiciens. Si Dalida ratait l’avion pour la Corse, le comité d’organisation devait lui verser une dédite de 10'000 francs. Finalement, à Chalais, le spectacle boucla avec un bénéfice de 800 francs. Quelle aventure !

De nombreux spectateurs retenus au fond des vallées latérales par la neige, ne retirèrent pas leurs billets. Les organisateurs frisèrent le bide. D’autres festivals de chant ou de musique se lancèrent dans l’aventure. Chacun voulait sa vedette. On vit ainsi arriver dans ce Valais de vignerons et de montagnards Joe Dassin à Lens, Adamo à Salquenen, Marcel Amon à Sierre, Dave à Venthône, Annie Cordy à Martigny, Rika Zaraï à Monthey, Juliette Greco à Crans-Montana, etc. Mais très vite, chacun constata le danger financier que représentaient ces investissements. On revint par la suite à plus de simplicité.

« Je lui ai prêté ma salle de bain »

Avant de quitter le Valais, pour l’emmener à l’aéroport de Genève-Cointrin, Lucien Perruchoud, tout prévenant, lui fait rencontrer son épouse Renée à son domicile à Réchy. Dalida demande alors de pouvoir prendre un bain. « Sans son maquillage et avec la fatigue en plus, elle était méconnaissable. Elle m’a dédicacé une carte que j’ai épinglé à mon bureau. Puis, un jour, elle m’a invité à Paris. Je ne m’y suis jamais rendu. J’ai gardé un bon souvenir de Dalida, explique Lucien. Je n’ai jamais basté malgré ses sautes d’humeur et ses grandes colères, toute italiennes, bien que née en Egypte. Un jour j’ai lu un reportage dans un magazine. Dalida disait que son plus beau souvenir de spectacle avait été celui de Chalais, parce qu’elle était bloquée par une avalanche au retour à Vercorin » …et sans doute avait-elle gardé un arrière-goût de muscat ! –

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  • Vercorin
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  • Charly-G. Arbellay

    Un correspondant me demande pourquoi toutes les prises de vues montrent uniquement le côté gauche de Dalida. Je pensais garder ce secret ! Mais puisque tout cela est du passé, voici la raison. Peu avant le concert de la star, son entourage recevait les médias. Et il nous fut demandé de ne pas photographier Dalida depuis la droite. Voici la raison : Dalida souffrait d’un strabisme convergeant de l’œil droite. Elle louchait. Aussi, par respect pour elle, tous les photographes présents se conformèrent et tout se passa bien entre gens de bonne éducation !

    • Renata Roveretto

      Cher monsieur Charly-G.Arbellay, oui cela se voyait dans des vidéo d'interview et cela lui en ajoutait encore un peu plus au charme intérieur qu'elle possédait de toute façon ! Et je préfère pour ma part largement une personne qui louche naturellement à ceux qui louchent par envie... Amicalement Renata

  • Dylan Voutat

    Messieurs Epiney et Arbellay, merci du fond du cœur pour ce reportage à propos du laborieux mais mémorable passage de Dalida en Valais! Je suis un jeune fan broyard de la chanteuse, elle me suit depuis mes 8 ans. Je collectionne absolument tout la concernant et me passionne à entendre les récits de ceux qui ont pu l'approcher. Aussi, si je pouvais un jour vous rencontrer pour évoquer ce souvenir, j'en serais ravi! N'hésitez pas à me contacter, mon numéro est dans l'annuaire et je suis sinon sur Facebook. Bien cordialement!