Les inconnus
Les inconnus
Un samedi matin, avant l'ouverture d'une enseigne de vêtements dans le quartier de la gare Cornavin. Une personne a passé la nuit, là, sous un tas de couvertures.
En hiver, la Ville de Genève ouvre plusieurs lieux d'hébergement d'urgence, accessibles gratuitement ou contre une somme modique. Mais certaines personnes restent dans la rue, contraintes ou par choix.
Cet automne, dans mon quartier, une femme âgée, souffrant visiblement de troubles du comportement, a trimbalé durant plusieurs semaines dans un caddie de la Migros son bric-à-brac d'une rue à l'autre, sans déranger personne. Une nuit, elle s'installa près de chez moi: un matelas, des couvertures et tout un foutoir de sacs à ses côtés. Et son caddie aussi, toujours autant rempli. Au matin - j'ai assisté à cette scène - un camion de la voirie pour les déchets encombrants s'arrête à sa hauteur (à Genève, pas de taxe poubelle, l'enlèvement est gratuit, il suffit de téléphoner), un éboueur saute du marchepied et se dirige vers ce tas informe. Il se penche, mais le tas bouge légèrement... et l'homme est bien sûr très surpris et il dit tout haut mais putain y'a quelqu'un là-dessous, j'allais l'embarquer, j'y crois pas... L'éboueur est remonté sur le marchepied et le camion est reparti. Ce sont des choses qui arrivent, j'ai pensé, dans un monde où tout se transforme peu à peu en "produits" - même les éditeurs disent « produits » pour leurs livres - et j'ai continué à marcher.
Quant à cette vieille dame, elle a disparu depuis, comme par magie.
Texte et photo parus dans la rubrique Pixel et caetera du journal La Gruyère (12 décembre 2013)
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