Notre famille et la guerre 1914-1918_6
Notre grand-père : Charles AUGUSTE FLOHR (1881-1915)
Claire Bärtschi-Flohr, septembre 2012-09-30
Renseignements généraux :
L'Alsace fut romaine dès 48 avant notre ère. Elle a fait partie du Saint Empire Romain Germanique du 9ème siècle au 17ème siècle.
De 1648 à 1870, elle fut française.
Les Alsaciens ont changé quatre fois de nationalité entre 1870 et 1945 :
1870 sont devenus allemands
1919 sont redevenus français
1940 se sont retrouvés allemands
1945 sont redevenus français
Lina Guillard_Auguste Flohr
Charles Auguste, dit Auguste FLOHR est né le 22 octobre 1881 à Strasbourg (Bas-Rhin). Il a été légitimé le 31 décembre 1881, lors du mariage de ses parents. Il est mort pour la France, selon la formule consacrée, le 9.6.1915. Son frère, Charles Guillaume, est né à Darnieulles (Vosges) le 12.8.1887. Il est décédé à Raon L'Etape (Vosges) le 17.7.1907 à l'aube de ses vingt-ans.
L'Alsace, depuis 1870, est allemande. L'acte de naissance de Charles Auguste et l'acte de mariage de ses parents sont rédigés en allemand.
Charles Auguste et Lina Guillard, née le 14.6.1887 à Besançon (Doubs), décédée le 1.3.1979 à Genève, se marient à Bex (Vaud), Suisse, le 3.11.1909, mais s'installent à Raon L'Etape, où mon grand-père avait une fabrique de brosses.
Selon les dires de mes parents, Auguste et Lina Guillard se sont connus dans une ville d'eau des Vosges. Ils se seraient rencontrés au culte de l'Eglise réformée du lieu. Notre grand-mère était alors gouvernante d'une famille aisée. Elle s'occupait des enfants.
Du mariage de notre grand-mère et de notre grand-père naissent deux fils, Charles en 1910, Albert (mon père) en 1911, tous deux nés à Raon L'Etape. En 1914, débute la Première Guerre mondiale. Auguste est dans les tranchées, dans l'armée française.
Auguste Flohr et son ami Guénin dans la tranchée_9 janvier 1915
Le 9 juin 1915, il meurt dans un camion bourré d'explosifs sur le front, à Hébuterne, Pas-de-Calais.
Tué par les Allemands, en servant la France, alors que son père, ses grands-parents paternels étaient allemands ! Absurdité de la guerre, imposée aux soldats des deux armées ennemies, qui deviennent de la chair à canon, pour défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs.
En effet, ô ironie, le père de Charles Auguste, mort pour la France le 9 juin 1915, est allemand.
Christian August Flohr
Il s'appelle Christian August Flohr, il est noté comme brossier sur un acte d'état-civil. Il est né à Sangerhausen en Saxe (Deutschland), le 12 novembre 1858. Il est fils de Johann Carl Wilhelm Flohr ou Flor et de Christina Sophia Weidner.
Christian August est probablement venu à Strasbourg comme immigrant. L'Allemagne encourageait alors fortement cette émigration pour germaniser le plus possible l'Alsace annexée. Selon l'intéressante revue « Les Saisons d'Alsace 2010*», un émigrant sur deux s'installait à Strasbourg.*
Je suppose qu'il a dû y arriver entre 1876 (il avait 18 ans) et 1879 (21 ans), puisqu'il s'y marie, à 23 ans en 1881, après avoir fait un enfant à sa fiancée.
Je découvre, en 2023, un rapport de police indiquant que Auguste (prénom usuel) était un ancien sous-officer de la garnison de Strasbourg. Nous savons maintenant pourquoi il est venu à Strasbourg : il y faisait son service militaire !
Caroline Mann
Caroline Mann, sa femme, naît le 3 décembre 1849 en la maison du n° 30 du quai aux Fleurs à Strasbourg. Son acte de naissance est rédigé en français. Son père, Etienne Mann, a 52 ans lors de sa naissance. (Il est né le 29.11.1796 à Strasbourg, marié le 16.11.1833 et décédé dans cette ville le 17.2.1865). Il est serrurier. Sa femme, la mère de Caroline, s'appelle Sophie Frédérique Kautz (née à Strasbourg le17.10.1806, décédée le 6.4.1870 à Strasbourg). Les Mann et les Kautz sont strasbourgeois depuis des générations. Des membres de la famille Kautz ont longtemps vécu au n° 8, de la Grand-Rue, à Strasbourg. La belle maison, rénovée, existe toujours.
Sur l'acte de naissance de leur fils Charles Auguste, Caroline et Christian sont notés comme faisant partie de la communauté évangélique. Ils habitaient Kolbengasse 21 à Strasbourg. D'après mes recherches, la rue n'existe plus.
Pourquoi et quand ont-ils quitté Strasbourg pour Raon L'Etape et/ou La Bourgonce, dans les Vosges ?
Je sais maintenant qu'ils ont quitté Strasbourg entre 1882 et 1886, puisque Caroline a accouché de Charles Guillaume à Darnieulles dans les Vosges en juillet 1887. Pourquoi ? Une réponse plausible pourrait être la suivante :
J'ai lu dans la revue « Saisons d'Alsace 2010 » le texte ci-dessous écrit par François Igersheim :
« …Bismarck veut arracher au Reichstag une loi de programmation militaire de sept ans : il fait mine de s'alarmer de l'agitation boulangiste en France, dissout le Reichstag, fait croire à l'imminence d'une nouvelle guerre. L'Alsace est parcourue par une vague de peur : en cas de guerre, elle serait en première ligne et ses fils se battraient contre l'armée française. »
Il faut se souvenir que Caroline a connu la guerre de 1870 à Strasbourg et la ville et ses habitants ont beaucoup souffert. (Voir l'article « Strasbourg sous les bombes » dans « Saisons d'Alsace 2010*).*
Christian est allemand. Sa femme attend un deuxième enfant. Il a alors 28 ans (en 1886). Ont-ils eu peur qu'il soit mobilisé en Allemagne et doive combattre contre la France ?
Pourquoi Charles Auguste, leur fils, s'est-il retrouvé engagé dans l'armée française en 1914, lui dont le père était allemand et qui était né en Alsace, alors allemande ? A-t-il été naturalisé lors du déménagement dans les Vosges ? Il a fait son service militaire en France. Son acte de décès mentionne Besançon comme lieu de recrutement.
Les quelques renseignements et photos que j'ai rassemblés ne me sont parvenus qu'entre 2010 et 2012. Auparavant, je savais très peu de choses sur la famille de mes arrière-grands-parents.
Quand notre grand-mère Lina Guillard (épouse Flohr puis Archinard) obtient la confirmation du décès de son mari, elle décide de regagner la Suisse où elle a vécu dès son enfance et où vivent son père, sa belle-mère et ses soeurs. Elle s'y réinstalle définitivement et s'y remarie en 1919.
Pendant ce voyage, il semble que ses beaux-parents l'aient accompagnée. Le voyage se serait effectué à pied, enfants dans la poussette. Lors d'une halte dans un village, ils durent se réfugier sur le toit d'une maison, les Allemands ayant ouvert des vannes, provoquant une inondation. Mon père, 5 ans environ, aurait glissé et failli se noyer. Cet épisode me fut confirmé par mon oncle Henri.
Les parents de Charles Auguste ont probablement regagné Raon L'Etape assez rapidement après cet épisode.
A l'âge de 11 ans, mon père, Albert Flohr, et son frère Charles, ont fait le voyage de Genève à Raon L'Etape. C'était un long voyage en 1922, car il durait deux jours et les transbordements étaient nombreux. C'est la seule fois où ces deux enfants ont revu leur grand-père et leur grand-mère.
Triste destin que celui de ce couple. En effet, Christian et Caroline Flohr eurent le malheur de perdre leurs deux fils dans la fleur de l'âge et n'eurent pas la joie de voir grandir leurs petits-enfants.
Albert Flohr_Lina Guillard_Charles Flohr
Charles Auguste Flohr est inscrit sur le monument aux morts de la guerre 1914-1918 à La Bourgonce (Vosges) et sur celui du Consulat de France à Genève.
La Bourgonce_Vosges
Pour terminer, je signalerai que mon père, Albert Flohr (1911-1976), le fils de Charles Auguste, fut mobilisé à Metz en 1939. Il fut occupé dans les transmissions de la Ligne Maginot. En 1940, lors de l'armistice, il fut fait prisonnier. Il fut emmené au Stalag VIIA, à Moosburg, Deutschland. Il s'évada deux fois, la deuxième fut la bonne : Il réussit à passer en Suisse, à Shaffhouse. La France étant occupée, il fut démobilisé à Annecy en 1941 et retrouva sa famille et la vie civile à Genève, lieu de son domicile.
voir aussi : http://www.notrehistoire.ch/photo/view/65773/
http://www.notrehistoire.ch/photo/view/70647/
Ajout de novembre 2018.
Voici la fiche matricule de mon grand-père, que je viens de retrouver grâce aux publications sur le web, en lien avec l'hommage rendus aux combattants de la Grande Guerre, et qui stipule qu'il s'est engagé volontaire dans l'armée française en août 1914 !!!
Copie des textes de cette fiche :
1.- Rubrique : détail des services et mutations diverses :
« Engagé volontaire pour la durée de la guerre à la mairie de Besançon le 7 août 1914. Arrivé au corps, est soldat de 2ème classe le 9 août 1914. Soldat de 1ère classe le 14 octobre 1914 - Décédé le 9 juin 1915 à Hébuterne (Pas de Calais) sur le champ de bataille. Rayé des contrôles le 10 juin 1915.
2.- Rubrique : blessures, citations, décorations, etc.
Citation à l'ordre de la brigade no 8 du 20 juin 1915
Bicycliste auprès du chef de brigade. A toujours assuré ce service avec le mépris du danger, même dans les circonstances les plus pénibles et en se dépensant sans compter.
A été tué au poste de commandement du chef de bataillon pendant un violent bombardement de l'artillerie allemande.
Décoration. Croix de guerre avec étoile bronze
Né alsacien de mère alsacienne et de père allemand, devait se considérer comme français alors qu'il était de nationalité allemande, étant né sous l'occupation allemande de l'Alsace.
Ce qui expliquerait en partie son engagement volontaire.
Merci pour ce partage de destin d'une famille durant ces terribles années de guerre. Quels chagrins ces décès et séparations.....
Claire, prix amplement mérité pour ce touchant document, toutes mes félicitations. Cordiales salutations d'Anniviers. Michel
Chère Clair encore toutes mes félicitations pour le prix NH mérité pour cette histoire de votre famille, amicalement martine
Toutes mes félicitations et merci pour ce témoignage historique. J'aime beaucoup ça et je l'ai mis en favori il y a déjà quelque temps! Alors bravo, c'est bien mérité! Meilleures salutations, Nicolas
Passionnant document ! Merci Claire du partage. Je l'ajoute à mes favoris.
La Kolbengasse à STRASBOURG - la rue de la Massue (sic) - n'exste plus dans son état de 1870 mais la rue existe toujours dans le quartier rénové de la Krutenau "Le 5 rue de la Massue, à l’angle de cette ruelle et de la rue du Jeu-de-Paume, faisait partie de l’un des trois bâtiments du jardin Kolb (parcelle 226 et 227 à 229 du plan Blondel) : le premier se trouvait à l’arrière des maisons qui donnent sur l’actuelle rue de Zurich, le deuxième formait les numéros 1 et 3 de la rue de la Massue et le dernier regroupait les maisons 5 rue de la Massue, 13 et 15 rue du Jeu-de-Paume. Sur le plan-relief de 1727, le bâtiment qui sera partagé en trois habitations forme une seule unité à rez-de-chaussée et étage (voir l’exposé sur le jardin Kolb pour la situation antérieure). C’est ce bâtiment sans jardin que trois familles alliées achètent en 1746. Le propriétaire de la maison d’angle la reconstruit en 1746, il est autorisé deux ans plus tard à placer son escalier à l’extérieur de la maison en arguant qu’il manque de place à l’intérieur. La maison n’a pas de jardin, elle est séparée de la propriété à l’arrière par une ruelle qui ne devra pas être bâtie. Comme bien d’autres petites maisons, elle appartient la plupart du temps à de modestes gens (cordonnier, maçon, voiturier). " http://maisons-de-strasbourg.fr.nf/vieille-ville/l-n/rue-de-la-massue/5-rue-de-la-massue/
Merci Monsieur Morgen, Excusez mon silence. Tous vos renseignements me sont fort utiles et m'intéressent beaucoup. Malheureusement, en ce moment, je suis en convalescence et j'ai pris un peu de retard dans mes activités. Merci encore. Avec mes salutations les meilleures.
vous vouliez me joindre, l'absence d'adresses rend l'opération sur ce site délicate, alors comment vous joindre? comment vous répondre. J'avais lu en son temps votre récit de l'évasion en S de votre père et j'aurais eu des choses à dire à ce sujet voici mon adresse , en clair daniel.morgen@wanadoo.fr Mes fils m' ont toujours recommandé de ne pas laisser d'adresse en ligne. J'espère ne pas recevoir quantité de messages publicitaires et autres
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