Marion Grange : « Archivalp démontre notre culture commune entre la Suisse romande et la Savoie. » Repérage

29 juin 2012
Claude Zurcher
notreHistoire.ch

Ses études en cinéma à la Sorbonne lui ont fait découvrir le domaine du film amateur. Elle en a fait depuis son métier, puisque Marion Grange occupe aujourd'hui le poste de chargée de projets à La Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain (Le téléphérique). C'est à ce titre qu'elle a participé activement au lancement et au développement, dès 2008, du projet européen Interreg intitulé Archivalp, unique en son genre, qui valorise le film amateur sur le thème des Alpes du Nord. Un projet transfrontalier dans le domaine des archives audiovisuelles qui réunit la Cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain et la Médiathèque-Valais Martigny.

Quelles ont été les conditions au lancement d'Archivalp ?

Notre projet a été initié en 2008 avec la Médiathèque-Valais Martigny sur la base d'un programme de partenariat franco-suisse. Cette initiative commune nous a permis de correspondre aux critères de financement de l'Union européenne. C'est en effet une volonté de l'Europe, depuis une quinzaine d'année déjà, de promouvoir des partenariats transfrontaliers dans tous les domaines, la recherche, l'environnement, l'économie, mais aussi, bien sûr, dans un axe culturel aussi passionnant que celui ouvert par les archives audiovisuelles.

Ce soutien de l'Union européenne garantissait les conditions de lancement et le financement pour une période de trois ans, jusqu'au 1er juin 2011. Nous poursuivons depuis, car dès la conception du programme Archivalp, nous avons voulu l'inscrire dans la durée et le rendre pérenne. Nous souhaitons d'ailleurs intensifier notre travail plus en direction de la Suisse romande, car nous avons sans conteste une culture commune. Au-delà de la question propre du territoire, je considère que les films amateurs peuvent aussi nous réunir.

Quel est la nature de votre travail ?

Elle est double. Notre travail vise à conserver le patrimoine audiovisuel des films amateurs et institutionnels, en collectant des fonds auprès des particuliers, des entreprises, mais aussi à le mettre à disposition du public, des chercheurs et des cinéastes. La première étape de notre travail consiste à collecter les films, à les inventorier, à la indexer, c'est-à-dire à analyser leur contenu, et à les numériser. Nous les valorisons ensuite sous différentes formes : en présentant par exemple un choix de ces documents sur nos sites internet. Nous assurons aussi leur diffusion en réalisant des montages, des réalisations, des éditions DVD en lien avec les professionnels du cinéma, à destination de la télévision et des salles de cinéma ou des salles des fêtes pour les petites communes.

Nous initions également des projets de coproductions documentaires. Ainsi nous sommes fiers d'avoir participé au dernier film de Gilles Perret consacré à la mémoire ouvrière (« De mémoires d'ouvriers »), sorti en salles sur tout le territoire français en février 2012 et qui a connu un beau succès auprès du public et de la critique (près de 40.000 spectateurs à ce jour).

La Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain a aussi pour mission d'être un lieu de dépôt.

Oui, nous proposons aux personnes qui ont ces films de nous les déposer (il y a aussi des dons). Les originaux sont conservés dans des locaux adaptés aux archives départementales de Savoie, Haute-Savoie et de l'Ain. C'est une garantie pour le déposant qui lui, repart avec une copie numérisée. Nous prenons également en charge le matériel de tournage et de projection.

Il est important de savoir que les ayants droit restent propriétaires des films et conservent leur droit sur les images. Ce qui compte pour nous, c'est que ces documents soient réunis pour former un patrimoine commun à une région, et qui plus est à une région transfrontalière puisque le thème des Alpes donne une cohérence à l'ensemble. Il est important aussi, à nos yeux, que les films argentiques soient déposés dans une institution, cela facilite leur conservation. Trop souvent, ces films disparaissent, tout simplement parce qu'ils ne peuvent plus être projetés dans le cercle familial.

Ces films doivent-ils obligatoirement avoir pour thème les Alpes ?

Nous prenons tous les documents, mais nous essayons de collecter un fonds cohérent, c'est-à-dire que les sujets se déroulent dans notre région ou ont été tournés par des personnes d'ici. Nous avons plusieurs critères pour juger de l'intérêt de ces documents. La rareté compte, bien sûr. Comme l'ancienneté. Des films des années 1920-1930, par exemple, ont une très grande valeur patrimoniale. D'autres, tournés lors de voyages, ne présentent pas forcément des images de notre région mais sont, en revanche, d'un apport important sur les pays ou les villes visités. Nous avons par exemple découvert les films d'un industriel tourné lors d'un voyage à New York qui sont de grande valeur.

Restent tout de même les Alpes comme point central.

Oui, la constitution de notre fonds repose sur ce thème des Alpes filmés en France et en Suisse. Ce rapport aux Alpes, je dirais qu'il est un des moteurs de notre action. Je pense bien sûr aux montagnes, mais aussi au tourisme, au monde rural, aux sports d'hiver, à tout ce qui fait la perception de la vie filmée ici par des cinéastes amateurs.

Comment avez-vous découvert ce monde du film amateur ?

Durant mes études de cinéma à Paris, j'ai suivi un cours sur les films de famille. C'était un domaine encore peu étudié. Très vite il m'est apparu intéressant d'aller vers un cinéma peu regardé. Il est vrai que je suis sensible aux films amateurs car ils présentent une vision au cœur de la vie des gens. Ce sont des images du quotidien, je pense au monde du travail, mais aussi d'une certaine intimité avec les cérémonies qui ponctuent une existence. C'est un cinéma de l'intime avec ses mariages, ses baptêmes, et ces temps forts de la vie en communauté. C'est aussi une caméra qui prend le temps, qui se situe hors de toute narration construite. Nous sommes au cœur de la vérité, il n'y a pas là de place à la fiction.

Propos recueillis par Claude Zurcher

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