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Ludwig van BEETHOVEN, Coriolan, op. 62, OSR, Paul KLETZKI, 24 septembre 1969

24 septembre 1969
RSR resp. RTSR
René Gagnaux

"[...] Bien qu’elle parût écrite pour accompagner au théàtre la tragédie du conseiller aulique Heinrich-Joseph von Collin (*), cette ouverture n’était, dans la pensée du compositeur, qu’un hommage amical, et quelque peu intéressé, à l’adresse de l’auteur dramatique. Malgré le froid accueil fait à sa partition de Fidelio, Beethoven songeait, en effet, à travailler de nouveau pour la scène. Il avait profité d’un changement dans la direction de l’Opéra Impérial et Royal pour adresser aux nouveaux titulaires une requête dans laquelle il s’engageait, moyennant une rente de 2400 florins, à fournir chaque année un grand opéra et un opéra-comique ou ballet, proposition au sujet de laquelle on ne lui fit pas même l’honneur d’une réponse! Mais il persistait dans son idée, et, pour s’attirer les bonnes gràces d’un librettiste, pour le décider à lui livrer un texte d’opéra, il composa l’ouverture de Coriolan et la dédia au poète. Celui-ci répondit à cette avance en offrant tour à tour un Macbeth et une Bradamante, pour lesquels, de part et d’autre, on ne réussit pas à s’entendre, et les projets de collaboration n’eurent pas de suite. D’autres travaux sollicitaient d’ailleurs Beethoven qui achevait alors sa première messe, la symphonie en mi mineur et la symphonie Pastorale.

Ludwig van Beethoven, estampe de Gustave Doré (1832-1883), gravure d'Étienne Huyot (1807-1885). Date d'édition: 1860, gravure sur bois; 4,5 x 4,3 cm, Droits: domaine public, Identifiant: ark:/12148/btv1b10319403r, Source: Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie

Sans revêtir un caractère spécialement descriptif, cette ouverture en ut mineur traduit néanmoins, avec une rare puissance et une admirable simplicité, la scène qui met en présence la mère suppliante et le fils révolté. À ce titre, Wagner a eu raison de la compter comme une des créations les plus significatives de Beethoven. Bien interprétée, dit-il dans son étude analytique de l’ouvrage, «cette ouverture ne peut manquer d’impressionner profondément tout auditeur qui en connaît d’avance le sujet».

Terminée au printemps de 1807, elle fut exécutée pour la première fois à Vienne, dans un concert d’amateurs, au mois de décembre de la même année, et parut peu de temps après, au Bureau d’Art et d’Industrie, comme op. 62. L’éditeur et compositeur, Muzio Clementi, en avait acheté la propriété pour l’étranger avec celle des ouvrages suivants: trois quatuors à cordes (op. 59), le quatrième concerto pour piano (en sol), le concerto pour violon (en ré ), et la quatrième symphonie (en si bémol ), le tout pour la somme de cinq mille francs. Les contemporains trouvaient ce prix honorable pour le compositeur; il était surtout avantageux pour le négociant et témoigne une fois de plus que, loin d’enrichir leur auteur, les vrais chefs-d’oeuvre, lorsqu’ils viennent au monde, ne sont pas remarqués par la foule, et se donnent lors à bon compte. Ch. MALHERBE[...]"

C’est avec ce texte de Charles Théodore Malherbe (21 avril 1853-5 octobre 1911), violoniste, musicologue, compositeur et éditeur de musique français, qu’était présentée cette ouverture dans la brochure-programme du concert donné le 20 octobre 1921 par l'Orchestre de la Suisse Romande sous la direction d'Ernest Ansermet, qui a très souvent mis cette courte oeuvre au programme de ses concerts: la plus ancienne mention que j'ai pu en trouver date du 13 février 1913, Ernest Ansermet dirigeant l'orchestre du Kursaal de Montreux.

«Coriolan vaincu par les larmes de sa mère», Extrait de la toile imprimée «Coriolan et Scipion» d'Alexandre Buquet, dessinateur et graveur, Rouen: Manufacture Bapaume et Cocatrix ?, ca 1820, Source: Ville de Paris / Bibliothèque Forney

(*) La pièce de Collin s'inspire de l'histoire de Caius Marcius Coriolanus, général romain, qui avait reçu le surnom de Coriolan pour avoir pris la cité volsque de Corioles en 493 av. J.-C.. Exilé de Rome après s'être violemment querellé avec les tribuns de la plèbe nouvellement instituée, Coriolan fait allégeance aux Volsques qu’il avait autrefois combattus. Il les persuade de rompre le traité passé avec Rome et de lever une armée d’invasion. Lorsque les troupes volsques menées par Coriolan menacent Rome, les matrones romaines, dont son épouse Volumnia et sa mère Veturia, sont envoyées pour le dissuader d’attaquer. Voyant sa mère, son épouse et leurs enfants se jeter à ses pieds, Coriolan fléchit, ramène ses troupes aux frontières du territoire romain et se suicide. C'est de cette dernière partie de l'histoire que Beethoven s'est inspiré pour écrire son ouverture.

«beau trait de clémence de Scipion», Extrait de la toile imprimée «Coriolan et Scipion» d'Alexandre Buquet, dessinateur et graveur, Rouen: Manufacture Bapaume et Cocatrix ?, ca 1820, Source: Ville de Paris / Bibliothèque Forney

Une courte description de l'ouverture:

"[...] Trois fois les cordes attaquent avec une énergie sauvage la tonique du ton d’ut mineur, que coupent brusquement des accords secs, à la sonorité compacte et intensive, suivis de silences angoisants; et subitement apparait un thème plein de menace qu’exposent les premiers violons et les altos; un accord bref et strident en arrête d'abord l'expansion, et après une mesure de silence le thème est repris un ton plus bas, faisant succéder sans transition le ton de si bémol mineur à celui d’ut mineur. Le motif se désagrège bientôt, morcelé par de puissants soubresauts rhythmiques.

Tout à coup, une phrase s'élève, poignante et pathétique. Au thème précédent, qui peignait les ressentiments de Coriolan, s'oppose la supplication de sa mère, et la phrase, chantée d'abord par les premiers violons, reprise ensuite par les seconds violons et les bois, s'anime et se développe, toujours plus pressante, sur un arpège des violoncelles. Les deux thèmes alternent jusqu'au moment où s'apaise le chant de colère et de haine qui meurt attendri et désarmé sous l'archet des violoncelles. [...]" cité du Bulletin Officiel des Concerts d'Abonnement, Novembre 1890 présentant le concert du 8 novembre 1890, l'Orchestre étant dirigé par Hugo de Senger.

Pour une analyse détaillée de l'oeuvre voir par exemple cette page du site resmusica.com, une analyse de Laurent Marty.

Nous retrouvons ici Paul KLETZKI dans un enregistrement de concert datant du 24 septembre 1969. Au programme de ce concert donné à la Maison de la Radio de Genève:

  • L. van Beethoven, Coriolan, op. 62
  • W.-A. Mozart, Concerto pour basson en si bémol majeur, KV 191
  • C. Nielsen, Symphonie No 5, op. 50

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L'enregistrement que vous écoutez...

Ludwig van Beethoven, Coriolan, ouverture symphonique en do mineur, op. 62, inspirée de la tragédie de Heinrich-Joseph von Collin, Orchestre de la Suisse Romande, Paul Kletzki, 24 septembre 1969, Maison de la Radio de Genève (Allegro con brio 08:29)

Provenance: Radiodiffusion, archives de la RSR resp. RTSR

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René Gagnaux
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24 juin 2019
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