Merci pour le chocolat... au lait
Pour cette fin d'année, je ne résiste pas à l'idée de vous raconter un condensé d'histoire du chocolat suisse. Ou plus exactement du chocolat au lait suisse. Car oui, c'est pour ça aussi que nous sommes connus à travers le monde depuis près de 140 ans.
Photo de 1937 publiée par Pierre-Olivier Boillet
Histoire aussi de rappeler en images à tous les lecteurs et membres de notreHistoire - photos et documents de ces mêmes membres de notreHistoire.ch à l'appui - que notre beau pays a été pionnier dans l'élaboration de cette recette simple en apparence. La Suisse a aussi été placée sur ce créneau industriel très vite. L'idée du chocolat au lait a rassemblé deux génies créatifs qui vivaient côte à côte à Vevey. Les résultats de leurs recherches ont donné ce fameux "or brun" mais comme toujours cette invention n'est pas venue simplement.
Merci à Jean-Paul Crisinel pour cette photo de l'adresse de l'inventeur officiel du chocolat au lait Daniel Peter, rue des Bosquets 14, à Vevey. Quelle ironie que l'endroit de naissance du premier chocolat au lait soit aussi l'adresse d'une clinique dentaire.
Aujourd'hui copié par des milliers de maîtres chocolatiers à travers le monde, le chocolat au lait est de temps en temps enrichi d'une touche supplémentaire de créativité dans des pays comme les Etats-Unis (les manufacturiers là-bas y ajoutent pour beaucoup du beurre de cacahuète pour plaire à l'immense marché local) ou le Japon (Nestlé y distribue sa célèbre gaufrette KitKat au thé vert par exemple).
Deux voisins qui ne connaissent pas encore
Mais revenons donc aux années 1870, deux Veveysans voisins Henri Nestlé et Daniel Peter (qui avec son frère ont fondé l'entreprise de fabrication de chandelles Peter frères avant de fusionner avec la chocolaterie veveysanne Cailler dès 1867), qui ne se connaissaient pas plus que ça, cherchaient, à l'image de confiseurs anglais, à adoucir le chocolat. Leur idée: ajouter du lait au cacao.
La première marque de chocolat au lait est suisse et on la doit à Gala Peter. Voici une photo de l'emballage en 1890, publiée par Yannick Plomb.
Au départ Nestlé produisait des farines lactées et du lait condensé après s'être spécialisé dans l'exploitation de gaz, il avait une certaine expérience de la transformation du lait mais aucune du chocolat. Les premiers mélanges de cacao avec le lait condensé donnaient un goût de fromage au produit. Pas de quoi fondre de plaisir.
Année fondatrice pour le chocolat fondant
C'est en 1875 que Daniel Peter met finalement au point une recette de chocolat au lait satisfaisante. Les tentatives précédentes ayant toutes lamentablement été classées au rayon "échec" car les Professeurs Tournesol du choc' s'obstinaient à utiliser le lait liquide. Ce dernier empêchait de produire un mélange compact. Et le chocolat devenait rance. C'est donc le lait condensé de Nestlé qui sera utilisé dans la recette magique de Peter.
Cela donnera une boisson dans un premier temps puis une plaque de chocolat solide, sans amertume, ensuite. Un chocolat capable de passer de l'état solide à liquide sans détérioration de son goût ou de son onctuosité grâce à une formule enfin maîtrisée.
Pour la petite histoire, Daniel Peter est le mari de Fanny Cailler, la fille de François-Louis Cailler, le maître chocolatier. Ce qui donnera comme dit plus haut une entreprise commune rassemblant les familles Peter et Cailler sous la raison sociale « Peter-Cailler & Cie », entreprise qui deviendra au début du 20e l'entité Peter, Cailler et Kohler (chocolaterie lausannoise). Nestlé rachètera l'ensemble des activités du groupe chocolatier en 1929, le chocolat Cailler devenant une sous-marque de la grande entreprise veveysanne.
L'usine Cailler de Broc en 2008 (photo d'Emmanuel Gambarini)
100 ans après la création du chocolat au lait, les caméras de la RTS ont fait le déplacement jusqu'à Broc en Gruyère pour interviewer pour l'émission "Un jour une heure" Daniel Peter, le petit-fils de l'inventeur du mélange. Il racontait à la télévision que non seulement, on lui donnait du chocolat au lait maison mais quand ça ne suffisait pas à le contenter, le petit Daniel Peter allait se servir en cachette.
A Broc, la chocolaterie Cailler a toujours eu le souci de se moderniser, dans l'esprit de ce que Daniel Peter et Alexandre-Louis Cailler avaient mis en place en leur temps, des machines élaborant les mélanges chocolat et lait de façon industrielle pour parvenir à réaliser chaque étape de fabrication des plaques de chocolat de la meilleure des façons, on est en 1967, soit ans après le rapprochement entre Peter Frères et l'entreprise Cailler. François-Louis avait eu le souci de l'automatisation de sa fabrique dans la première moitié du XIXe siècle mais c'était alors pour économiser sur les coûts de production et proposer un produit moins cher. Il avait fait déménager son entreprise pour être au plus près des producteurs de la matière première: le lait de vache de Gruyère. Un bon moyen de gagner sur le coûts de production.
Quelques chiffres sur le chocolat en 2018 vont vous donner le tournis. Il se produit 2 millions de tonnes de cacao par an, la Côte d'Ivoire représente 32% de cette production, loin devant le Brésil, l'Indonésie ou le Ghana. La consommation de chocolat augmente toujours plus chaque année mais elle se situe dans une moyenne de 4 millions de tonnes par an ces dernières années, soit 127 kg de chocolat consommé par seconde et 81 milliards de francs de chiffres d'affaires annuel. Les Allemands sont les plus friands de chocolat avec 12 kilos par an en moyenne, les Belges arrivent ensuite avec 11 kilos juste juste derrière les Suisses avec 11,1 kilos (en 2015). L'exportation de chocolat cette même année s'est accrue avec 117'031 tonnes vendues à l'étranger sur une année pour un chiffre d'affaires à 843 millions de francs.
Excellent dossier a regarder encore une fois juste pour le plaisir.
Un régal au moins pour les yeux............
Merci pour vos compliments Renata. Je l'ai relu aussi pour le plaisir et pour vérifier que je n'avais pas laissé de fautes :-)