La Mère Royaume Repérage

11 décembre 2004
Rue Royaume 10-12, Genève
Chancellerie d'Etat GE
Claude Kissling

La rue Royaume est une petite rue située à Genève, dans le quartier des Pâquis. Parallèle à la rue de Lausanne, elle relie la rue de Zürich à la rue du Môle en traversant la rue de la Navigation.

Fêté chaque 12 décembre par le bris d'une marmite en chocolat aux cris de « Qu'ainsi périssent les ennemis de la République ! », son acte héroïque demeure l'un des plus célèbres de la nuit de l'Escalade. L'Escalade est une fête célébrée chaque année le 12 décembre à Genève. Elle commémore la victoire de la république protestante sur les troupes du duc de Savoie Charles Emmanuel 1er à l'occasion de l'attaque lancée dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602 selon le calendrier Julien (21 au 22 décembre selon le calendrier grégorien). Chacun est en mémoire l'épisode où Catherine Royaume, depuis sa fenêtre du passage de la Monnaie, jeta sur l'assaillant une marmite de soupe chaude, tuant sur le coup un Savoyard. Toute la difficulté réside dans le fait que le mythe et le fait historique ont tendance à se confondre.

Catherine Cheynel est née à Lyon entre 1540 et 1545. Elle épouse avant 1563 Pierre Royaume, potier d'étain, également lyonnais.

Les Royaume quittent Lyon et effectuent un premier séjour à Genève en 1569 pour fuir les persécutions contre les Huguenots. L'installation définitive des Royaume à Genève date de septembre 1572. Le 16 septembre, Pierre Royaume est admis comme habitant de Genève, trois semaines après le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) qui eut des répercussions à Lyon. La bourgeoisie genevoise fut accordée au Royaume le 17 janvier 1598.

A Genève, Pierre Royaume devient graveur de la monnaie. A ce titre, la famille Royaume réside au-dessus de la Porte de la Monnaie, en bas de la rue de la Corraterie. Pierre est le second époux de Catherine Cheynel, qui fut d'abord mariée à un maître d'armes. Les Royaume eurent, semble-t-il, quatorze enfants dont plusieurs moururent en bas-âge.

Le père de Catherine, Claude Cheynel, exerçait également la profession de potier d'étain. Il fut même garde de la corporation à deux reprises, en 1556 et 1562.

La légende veut que Dame Royaume faisait mijoter une soupe au riz et aux légumes la nuit du 11 au 12 décembre 1602. Le terme de «pot » était donné à l'époque pour les marmites servant à la préparation des repas. Il semble plus probable que Dame Royaume se serait simplement saisie d'un pot en étain confectionné par son époux et l'aurait lancé de sa fenêtre. Il paraît également évident que Dame Royaume ne fut pas la seule , cette nuit-là, à lancer depuis sa fenêtre des objets aux assaillants savoyards. Tables, chaises et ustensiles de cuisine devaient en effet allégrement voler dans les rues de notre cité !

L'Escalade compte d'ailleurs une autre héroïne de cette nuit froide et sombre de décembre : Dame Piaget. L'acte de bravoure de Dame Julien Piaget, née Jeanne Baud, est d'avoir jeté, du haut de sa fenêtre, aux défenseurs de la cité, la clé de la porte de l'allée traversière, après avoir poussé contre sa porte un meuble extrêmement lourd.

C'est pourtant Dame Royaume qui est restée célèbre.

L'acte de la Mère Royaume n'est cependant pas relaté dans les premiers compte rendus de l'Escalade du XVIIe siècle, ni dans la version du « Cé qu'è lainô » de 1620. Le plus ancien texte citant l'anecdote date de 1606. Nulle allusion n'y est toutefois faite au passage de la Monnaie, à un pot ou à une Dame Royaume. On y relate l'action d'une femme qui jeta, du haut de sa fenêtre, des pierres et un fond de tonneau sur la tête d'un Savoyard.

C'est au XVIIIe siècle que le nom de la Mère Royaume commence à apparaitre dans des récits de l'Escalade. Un fait historique vient à cette époque étayer la thèse du pot de l'Escalade.

Le petit-fils de Catherine et Pierre Royaume, également prénommé Pierre, dans son testament de 1676, lègue à ses descendants différents objets en étain dont un « pot dit de l'Escalade (…) le tout d'estain gravé et de façon de Pierre Royaume, mon aïeul ». Ce pot fut ensuite conservé à l'Arsenal. Où il fut dérobé durant l'occupation française. Nul ne peut cependant confirmer qu'il s'agit bien du fameux pot de Dame Royaume.

Quant à la vingt-neuvième strophe du « Cé qu'è lainô », elle relate l'épisode de la marmite sans toutefois citer la Mère Royaume :

« On Savoyar uprè de la Mounia,

Y fu tüa d'on gran cou de marmita

Qu'onna fenna li accouilla dessu,

I tomba mour, frai et rai citandu »

Catherine Royaume décéda quelques années après l'Escalade, vraisemblablement avant 1605.

L'acte héroïque de la Mère Royaume qui nous est parvenu ne fut certainement pas unique. Peu importe finalement s'il tient plus de la légende que des faits historiques. Chaque cité se nourrit de ses mythes et de ses figures historiques, et Dame Royaume est l'une d'elles.

A noter encore qu'un très important travail de recherche, mené notamment par Monsieur Roger Rosset, archiviste d'Etat adjoint, a permis de reconstituer la descendance de la Mère Royaume. Celle-ci compte 1220 descendants directs, dont plus de 580 vivants aujourd'hui. Parmi eux . les Des Arts, les Sautter, les Humbert, les Claparède, les Saussure, pour n'en citer quelques-uns. Une association « Dame Royaume » a été créée dans le but d'établir sa généalogie la plus complète possible.

Texte tiré du livre : Des noms et des rues célèbres à Genève édité par la Chancellerie d'Etat.

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Claude Kissling
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2 mai 2016
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