Expo 64, la navigation fluviale
Expo 64, la navigation fluviale
1964 l'année ou le canal du Rhône au Rhin était encore un grand projet
La navigation intérieure, ou fluviale, est probablement aussi ancienne que l'humanité. A l'aube de l'histoire de notre continent, elle a permis la pénétration et la diffusion de la civilisation.
De tout temps et partout, ce qui a caractérisé et caractérise encore la navigation par rapport aux autres moyens de transport, c'est sa grande capacité de chargement et son bon marché.
La navigation est meilleur marché parce que
— le fleuve est un «chemin qui marche», donné gratuitement par la nature;
— à poids mort égal le bateau porte beaucoup plus de marchandise que les
moyens de transport traditionnels;
— la même quantité d'énergie propulse sur l'eau un poids plus lourd qu'elle ne le fait sur terre;
— pour un même tonnage transporté, c'est le bateau qui emploie le moins de personnel;
— la durée du matériel est plus longue pour les bateaux que pour les wagons et les camions.
En contrepartie, la navigation est plus lente que le rail, elle est aussi plus sensible que lui à certaines intempéries: sécheresse, inondation, gel. Ses caractéristiques en font le moyen de transport idéal pour les marchandises non périssables, lourdes ou encombrantes, pour lesquelles le coût du transport importe plus que sa durée.
Après une éclipse au siècle dernier, la navigation a refleuri avec vigueur grâce à l'emploi du moteur diesel. Aujourd'hui, plus vivante que jamais dans tous les pays industriels et bien équipés en moyens de transport, notamment chez nos voisins, la navigation fluviale s'assimile avec bonheur les techniques nouvelles.
C'est ainsi qu'elle a adapté à son usage propre le radar qui permet de naviguer par brouillard ou de nuit, et facilite l'emploi du poussage qui est, à tout point de vue, encore meilleur marché et plus souple que le remorquage.
Ce sont là les caractéristiques générales de la navigation intérieure, il en est d'autres qui sont spécifiques à notre pays.
En Suisse, la navigation fluviale est conçue en vue de prolonger sur territoire national des voies navigables existantes. C'est le cas du Rhin, du Rhône et du Pô. Le Rhin est la grande artère commerçante du continent, l'axe autour duquel s'édifie l'Europe nouvelle; le Rhône et le Pô sont en cours rapide d'aménagement et leurs trafics augmentent chaque année.
La Suisse entend participer à ce développement par les trois projets brièvement exposés dans ces pages et qui sont maintenant mûrs pour l'exécution.
Le Rhin, l'Aar et le Rhône, grâce à leur équipement hydro-électrique en cours d'achèvement, vont se trouver entièrement aménagés ces prochaines années. Il suffira donc de les adapter à la grande navigation en construisant les écluses qui relieront entre eux les paliers déjà mis en remous.
La régularisation des débits de ces cours d'eau et des lacs sera parfaite par les importantes retenues créées par les barrages des hautes vallées alpestres. Les difficultés de navigation dues aux eaux trop hautes ou trop basses en seront éliminées ou fortement atténuées.
Comme toute grande voie de transport, la voie navigable attire sur ses rives des entreprises nouvelles et diverses. Ce phénomène s'est clairement manifesté dans de nombreux cas, dont ceux typiques du Main et du Neckar; il est en plein développement sur le grand canal d'Alsace. Or, des régions directement intéressées par les futures voies d'eau suisses, que ce soit au Tessin, en Suisse orientale ou dans certains cantons romands, sont précisément en perte de vitesse. La solidarité confédérale demande que tout soit mis en oeuvre pour assurer le meilleur équilibre économique entre les diverses parties du pays.
Le prolongement à l'intérieur du territoire national des grandes voies navigables continentales, créerait un solide et nouveau lien avec l'Europe. La Suisse pourrait conserver et même fortifier sa position de plaque tournante qui est parfois maintenant mise en question.
La technique et l'économie ne rendent pas les partisans de la navigation indifférents à d'autres problèmes importants. Ils sont conscients en particulier de l'urgence des mesures à prendre pour enrayer les alarmants progrès de la pollution des eaux. La batellerie ne contribue heureusement que dans une très faible mesure à cette pollution; on peut y remédier par des mesures simples, peu coûteuses et efficaces.
Au sujet de la protection des paysages et des sites, des solutions peuvent et doivent être trouvées, au-dessus de tout fanatisme partisan, suivant une tradition suisse de compréhension mutuelle permettant de part et d'autre de sauvegarder l'essentiel. Il est utile de rappeler ici que la navigation est le moyen de transport qui est le plus économe de terrains. C'est extrêmement important à l'heure où les routes, les chemins de fer, les industries et les habitations enlèvent chaque jour des surfaces considérables à l'agriculture et à la nature. Là où existent des fleuveset des rivières déjà aménagés pour l'électricité, ce qui est le cas de la Suisse, la navigation est probablement l'activité humaine — à coup sûr le moyen de transport — qui s'intègre le mieux dans le paysage.
Ces divers problèmes doivent être abordés dans un esprit ouvert et sans prévention.
Tous les moyens susceptibles de rendre service à l'économie nationale méritent d'être utilisés en les coordonnant de façon à obtenir le maximum de chacun d'eux.
L'aménagement du territoire doit être prévu en y intégrant tous les projets valables afin de sauvegarder au mieux tous les intérêts de la collectivité nationale.
C'est parce que nous croyons à la Suisse de demain que nous voulons aussi créer les voies navigables qui la serviront.
Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin
Nordostschweizerischer Verband für Schiffahrt Rhein—Bodensee
Associazione Locarno—Venezia
La navigation sur le Rhin supérieur de Bâle au lac de Constance
Dans le courant de cette année, sera entreprise à Koblenz la construction de la dernière usine électrique du Rhin supérieur. Pour rendre le fleuve navigable, il suffira ensuite de relier les douze biefs par des écluses.
Le projet de la voie navigable de Bâle au lac de Constance est prêt à l'exécution.
Les écluses, au droit des usines et des barrages, auront une longueur de 165 m et une largeur de 12 m; elles pourront écluser en une fois deux bateaux de 80 m de long et d'une capacité de 1250 t chacun. Les frais de construction s'élèveront à 330 millions de francs, la quote-part suisse étant d'environ 120 à 130 millions.
Cette somme est extrêmement modeste, comparée à des dépenses bien plus considérables faites pour d'autres moyens de transport. Les quais de déchargement ne sont pas compris dans ce montant, car ils couvriront leurs frais.
La navigation se fera entre les rives naturelles du fleuve. C'est donc une erreur que de parler de canaux ou de canalisation et de faire ainsi croire à d'énormes travaux. Les charmants paysages et les beaux points de vues le long du Rhin supérieur et du lac de Constance ne seront pas touchés. Pas plus que ne seront altérés de façon inadmissible les bâtiments historiques ou les beaux vieux bourgs et villages.
La chute du Rhin sera contournée par un tunnel de 550 m de longueur. L'écluse, d'une hauteur de 25,3 m, sera située en aval, près de Dachsen. La sortie amont du tunnel sera sur rive gauche à une distance de plus de 500 m de la chute. Un barrage, lui aussi en amont de la chute, si peu élevé qu'il sera toujours recouvert d'eau, sera ainsi à peine visible. La navigation n'exigera que la quantité d'eau nécessaire à remplir chaque fois l'écluse. Il n'est donc pas question que de l'eau passe continuellement par le tunnel. Ni la chute du Rhin, ni le paysage qui l'entoure, ne perdront rien de leur charme. Déjà à l'occasion des discussions concernant la réalisation de l'usine de Rheinau, le Conseil fédéral avait promis que la beauté de la chute du Rhin ne serait pas touchée. L'usine de Rheinau se présente aujourd'hui dans une harmonie avec la nature qui ne laisse rien à désirer.
Le paysage rhénan entre Schaffhouse et Stein am Rhein lui non plus ne perdra rien de son charme du fait de la future navigation. Uniquement à Hemishofen, un barrage en toit avec écluse sera construit.
Il est par trop facile de rendre la navigation coupable de la pollution des eaux.
Nous voyons passer les bateaux sur les lacs et les fleuves, mais ce que nous ne voyons pas, ce sont les nombreux égouts déversant les eaux ménagères et industrielles. Ne nous laissons pas tromper par ce que nous voyons en surface!
D'ailleurs, les moyens techniques pouvant éviter la pollution de nos fleuves et de nos lacs par l'huile de vidange des bateaux à moteurs ne manquent pas. Deux instituts de recherche scientifique, l'un à Constance et l'autre à Langenargen, étudient ces questions. Une commission internationale propose les mesures à prendre en commun par les Etats riverains pour tenir compte des exigences actuelles. De plus, il n'est pas admissible de comparer la situation telle qu'elle se présente sur le Rhin supérieur à celle du palier de Wettingen sur la Limmat ou à celle du Neckar, où toutes les eaux polluées de grandes villes sont déversées dans des rivières d'un débit bien moins important que ne l'est celui du Rhin.
L'utilité primordiale de la navigation réside dans des coûts de transport meilleur marché. Les économies de fret directes et indirectes résultant de la navigation jusqu'à Bâle, atteignent facilement 100 millions de francs par année. Si les frets sur le Rhin supérieur se répartissent de la même manière que dans la navigation jusqu'à Bâle, les économies par tonne seront les suivantes:
De Bâle
Charbon, Huile diesel Huile de chauffage, Céréales Fourrages,Fer Acier
Francs Francs Francs Francs
jusqu'à Winterthour 3.80 2.60 7.10 8.-
jusqu'à Rorschach 10.50 9.80 14.30 15.-
jusqu'à Saint-Gall 4.50 3.- 9.40 10.50
Pour des marchandises de prix plus élevés, le rapport du Conseil fédéral de 1956, concernant la navigation sur le Rhin supérieur, donne pour Saint-Gall des économies de frets de 20 fr. par tonne en moyenne.
Refuser les moyens de transport peu coûteux rendus possibles par la navigation fluviale, simplement parce que les CFF ne sont pas d'accord, équivaut à une dilapidation des biens de notre économie publique.
La navigation du Rhin supérieur n'est pas un projet qui ne concerne que la Suisse, deux autres pays y sont également intéressés: l'Allemagne et l'Autriche. De même que la France et l'Allemagne ne nous ont pas empêché de naviguer sur le Rhin jusqu'à la mer, nous n'avons pas le droit aujourd'hui d'empêcher l'Autriche de rechercher une communication directe avec le Rhin navigable. La Convention germano-suisse du 28 mars 1929, concernant la régularisation du Rhin entre Strasbourg et Bâle (dont l'article 6 se réfère à la navigation sur le Rhin supérieur), de plus, la prise en considération des intérêts de l'Autriche, enfin la coopération économique européenne qui prend corps, tous ces facteurs exigent aujourd'hui des actions à large vue. L'Exposition nationale de 1964 a pour but de nous montrer la Suisse de demain. Elle nous invite donc ainsi à prendre conscience des problèmes de portée nationale, telle que l'est par exemple la navigation sur le Rhin supérieur.
Le Transhelvétique — grande voie navigable du Rhin au Rhône
Relier le Rhône au Rhin, en utilisant le Léman, les lacs du Jura et la belle rivière qu'est l'Aar, vient à l'esprit dès le premier coup d'oeil à une carte de Suisse ou d'Europe. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que ce projet ait tenté nos devanciers.
Le seul tronçon entièrement artificiel, qui est celui franchissant la ligne de partage des eaux entre le bassin du Rhône et celui du Rhin, le canal d'Entreroches, ne fut exécuté et utilisé au XVIle, XVIlle et une partie du XIX' siècle que sur son versant nord, faute de moyens techniques et surtout financiers.
Depuis que la technique moderne a provoqué un regain d'intérêt pour la navigation fluviale, le succès du port de Bâle s'est affirmé et la voie transhelvétique a fait l'objet d'études approfondies.
Pour exister de bout en bout, cette voie d'eau suppose que la navigation sur le Rhin supérieur a été prolongée jusqu'à l'embouchure de l'Aar — elle s'arrête aujourd'hui à Rheinfelden — et que celle du Rhône, dépassant Lyon — sa limite actuelle — a atteint Genève.
L'aménagement du Rhin supérieur est décrit aux pages 4 et 5. L'étape Rheinfelden —embouchure de l'Aar est prête à l'exécution immédiate qui est désirée par le Pays de Bade-Wurtemberg voisin.
Entre Koblenz, sur l'embouchure de l'Aar dans le Rhin, et Yverdon, à l'extrémité occidentale du lac de Neuchâtel, ce secteur fluvio-lacustre de 180 km comprend deux tronçons de longueurs égales mais nettement différenciés.
A l'aval de Soleure, l'Aar sera équipée de 12 usines dont 8 sont construites. Les différents paliers seront reliés entre eux par 13 écluses. L'étroit de Brougg demandera une attention spéciale du point de vue de la protection des sites.
A l'amont de Soleure, sur une distance de 90 km, une seule écluse, celle de Nidau-Port, fera communiquer deux magnifiques plans d'eau. Tout ce secteur est actuellement aménagé par la Ile correction des eaux du Jura, dont les grands travaux, entrepris pour mettre la région du Seeland à l'abri des inondations, auront également pour résultat de créer dans dix ans une splendide voie navigable suffisante pour des bateaux de 2000 t.
D'Yverdon à l'embouchure de la Venoge dans le Léman, le canal d'Entreroches, long de 37 km, franchira la ligne de partage des eaux par un tunnel d'environ 700 m à travers la colline du Mormont.
Des ports-refuges sont prévus sur les lacs. La traversée de ces derniers ne présentera pas plus de difficultés pour les bateaux rhénans que celle des bras maritimes du Rhin ou de la Meuse.
Le problème de la liaison du Léman au Rhône, ou traversée de Genève, a été résolu par un tunnel à travers la rive droite, d'une longueur de 4,5 km. Une écluse est prévue au débouché du tunnel dans le lac.
Du futur port fluvial genevois, sur la rive droite de la retenue de Verbois, la navigation atteindra la retenue de l'usine de Génissiat (France) en franchissant 4 écluses.
La dernière mise à jour des études techniques a conclu à l'adoption de l'automoteur du type «européen» de 1250 t. En conséquence, les écluses seront de 90 m x 12 m, ou même, variante possible, de 165 m x 12 m. Cette dernière longueur permettrait le poussage dont les multiples avantages sont considérables.
L'intérêt que l'économie privée porte à la réalisation de ce projet de liaison fluviale vient d'être concrétisé par la fondation de Transhelvetica SA.
Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin
Notre époque est caractérisée par une augmentation constante du trafic des marchandises. Les importations s'accroissent chaque année. Nos moyens de transport traditionnels, le rail et la route, sont aujourd'hui surchargés et le seront encore bien davantage dans les années qui viennent.
La solution existe à l'échelle nationale: c'est l'aménagement du Rhin et de l'Aar pour la navigation qui déchargera les réseaux ferroviaire et routier. En outre la navigation, moyen de transport particulièrement avantageux, fera bénéficier une grande partie du pays d'une économie importante dans les frais de transport.
C'est ce qu'a voulu affirmer notre économie privée en fondant une société anonyme sans but lucratif, Transhelvetica SA pour une voie navigable transhelvétique.
Cette société fut constituée à Berne le 29 mai 1963 avec un capital initial de 1160000 francs, souscrit en quelques mois. Déjà, une augmentation de capital est en cours.
Le but de Transhelvetica est d'établir une voie navigable permanente ouverte au trafic lourd, traversant le Plateau suisse et reliant finalement le Rhin au Rhône.
Créée d'entente avec l'Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin, Transhelvetica est la preuve manifeste du soutien que les milieux économiques de notre pays apportent à une proche réalisation de cette voie navigable. Elle constitue un moyen de régler les problèmes encore pendants et de passer à l'exécution de l'ouvrage.
L'aménagement du Rhin, de Bâle à Koblenz, et de l'Aar jusqu'aux lacs du pied du Jura, est immédiatement réalisable. Aussi la pénétration du trafic rhénan jusqu'à Yverdon est-elle le premier objectif que Transhelvetica s'est donné. Le succès de cette première étape justifiera la jonction ultérieure avec Genève, de même que d'autres ramifications partout où les transports par eau peuvent apporter leurs avantages.
Pour cette réalisation de 300 à 400 millions de francs, selon la dimension adoptée pour les écluses, les ressources cantonales et fédérales sont indispensables. Il faut en effet conserver en Suisse le principe de libre navigation sans péage admis pour le Rhin par tous les pays intéressés. C'est la collectivité qui retirera les bénéfices nombreux, mais indirects de la construction de la voie navigable. C'est donc elle qui doit en assurer les charges, faibles du reste, si on les compare aux autres travaux publics d'intérêt national.
Transhelvetica entend poursuivre et amplifier son action avec l'appui des autorités et de l'économie privée afin de réaliser cette grande oeuvre nationale que sera la voie navigable transhelvétique.
Transhelvetica SA pour une voie navigable transhelvétique
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