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Philippe Leuba: ex-homme en noir et fan du LS (2/5)

29 juin 2020
notreHistoire

Le LS ce sont pour certains spectateurs privilégiés, les "Seigneurs de la Nuit", puis les héros perdront lors de la dernière journée du championnat de Ligue nationale A en 1969, le LS va alors reculer dans les classements. Jusqu'en 76 où un certain Miroslav Blažević tente de redonner de la lumière au club qu'il entraîne. Il sera l'auteur de coups de poker invraisemblables à l'occasion du derby LS-Servette, il place en effet son gardien international Éric Burgener au poste d'avant-centre. Le gardien lausannois, valaisan d'origine inscrit le but du 2-1, mais pour une défaite finale 7-3.

En 1981, en Coupe suisse le LS joue face à un FC Zurich qui est champion de Suisse en titre et favori évident. C'est à cette finale qu'assistera un jeune Philippe Leuba, déjà très heureux de soutenir le LS (son héros est un certain gardien capable de jouer avant-centre). Voici la deuxième partie de notre entretien avec un des fans majeurs du LS, le conseiller d'Etat est surtout un amateur de foot dans tout ce qui a de plus beau.

Les joueurs du Lausanne Sport de 1959 à 1965 ont été surnommés les "Seigneurs de la nuit", vous vous en souvenez?

J’étais un peu trop jeune mais on m’en a beaucoup parlé, j’ai rencontré quelques-uns de ces « Seigneurs de la nuit », notamment Richard Dürr, il me racontait ses souvenirs sur les terrains et autour. Pour l’époque c’était incroyable, le transport aérien c’était quelque chose et Richard parlait d’un sentiment d’être un grognard de Napoléon qui revenait d’Austerlitz, c’était ça. Il a tout connu, on voyait dans ses yeux briller la flamme du gamin, c’est ça qui est fantastique avec les vrais footballeurs, même quand ils touchent beaucoup d’argent. Mais quand ces gars parlent de football, c'est comme quand ils voient un enfant jouer au football, ils peuvent s'appeler Ronaldo et être multimillionnaire, c’est toujours un gamin qui joue au foot... Et ça c’est extraordinaire. Et chez Richar Dürr et chez Eric Burgener, c’est ça, ils ont tout connu, la gloire et il reste l’étincelle du gamin qui tape dans un ballon et à leurs yeux ça vaut tout l’or du monde, ça reste impressionnant.

Le LS, une histoire de club cantonal, c'est toujours vrai?

Oui, j'en suis convaincu, il y avait des joueurs du cru et des joueurs de l’étranger, des joueurs qui sont des Vaudois de père en fils et des joueurs issus de l’immigration. Et le football, le Lausanne Sport notamment, est un facteur d’intégration incroyable. C’est un modèle pour beaucoup de jeunes, ça draine tout le canton, c’est comme le LHC au hockey, ça draine tous les joueurs et amateurs du canton et ça vous fédère, ça vous unit un canton, comme le FC Sion a très bien su le faire en Valais. Au-delà des questions du sport, c’est un plus considérable d’avoir une société qui arrive au moins à s’unir autour de quelques éléments, que ce soit le sport ou un club. Ils ont beaucoup développé la formation, une tradition lausannoise qui fédère tout le canton, il y a beaucoup d’investissements qui sont faits pour les jeunes et ça c’est positif pour l’ensemble de la communauté. Lorik Cana, c’est quelqu’un qui a donné l'exemple, un chemin à suivre. Ce modèle personne n’y arrive à part peut-être dans le sport, Lausanne est un club formateur fantastique.

Parlez-moi de cette finale de Coupe suisse de 1981 au Wankdorf, finale, 4-3...

De l'émotion, j’avais 16 ans, j'étais en junior B à Puidoux, on avait décidé toute l’équipe de monter au Wankdorf, avec l’enthousiasme des jeunes supporters, c'était la déraison. On est arrivé à Berne, j’avais eu la chance d’être invité à une finale de Coupe suisse avant. Je retrouvais le Wankdorf dans ce qu’il avait d’énorme déjà à l’époque, pour un petit footeux de Puidoux, c’est quelque chose. Le match n'avait pas très bien commencé pour Lausanne. Puis il y a eu ces prolongations et cette libération jusqu’au retour de Berne à Puidoux, avec tous les supporters vaudois dans le train, je me souviens de cette rentrée, c’était épique. On avait le sentiment d’avoir contribué à la victoire.

Et ce dernier match du championnat de Super League de 1998-1999 à la Pontaise, vous y étiez?

Le dernier match du championnat à la Pontaise le 2 juin 1999, Lausanne a perdu le titre au bénéfice de Servette. C’était un match incroyable, qui avait mal commencé et qui avait mal fini. J’y étais, c’était plein. Servette était largement supérieur de bout en bout, les carottes étaient cuites dès le départ.

La Pontaise, ça évoque quoi pour vous ?

Je vois que le club londonien d’Arsenal a quitté Highburry pour aller à l'Emirates stadium, ils n’ont jamais retrouvé l’âme de Highburry. Westham la même chose. Ils étaient à Hampton Park, un stade mythique et ils sont passés au Stade olympique, ça n’était plus la même chose. Pourquoi ces problématiques pour ces clubs ? Dans leurs anciens stades mythiques et historiques, il y avait une ambiance extraordinaire, un attachement. La triste réalité, c’est que c’est rare que la Pontaise soit pleine aujourd’hui, et quand vous discutez avec les Vaudois de la Pontaise, ils disent : « C’est froid, il y a du vent, généralement il pleut et on n’est pas assis confortablement… » Donc, on voit mal de qu’ils vont perdre en passant à la Tuilière. Il y a certes le symbole, c’est incontestable. Mais force est d’admettre que le stade de la Pontaise n’a jamais fonctionné ces vingt dernières années. Avant... au moment de la Coupe du monde en 1954, je ne dis pas. Pour les derbys Lausanne-Genève, où il y a eu 30 ou 40'000 spectacteurs, je ne dis pas. Mais depuis 20-25 ans, la Pontaise ne marche pas et donc on ne va pas perdre grand-chose à passer à La Tuilière. Aujourd’hui, les clubs qui veulent exister en Ligue A, et peut-être sur la scène européenne, ont besoin d’une infrastructure moderne, de loges pour les transports. Ils ont besoin de conditions de matchs en termes de sécurité, en termes d’accueil des gens, des télévisions, des journalistes qui soient vraiment extrêmement modernes, donc je me réjouis de la Tuilière et j’espère qu’elle saura créer une ambiance extraordinaire et un attachement au club qui dépend parfois des structures. Ce n’est pas seulement la qualité du jeu, mais c’est la qualité du jeu, l’esprit d’équipe, du club ainsi que l’infrastructure qui fait en sorte qu’on s’attache à un club et que celui-ci nous tient à cœur. Donc, c’est une page qui se tourne. La Pontaise fut plus glorieuse lors de la Coupe du Monde de 54 et par Athlétissima que comme l’antre du Lausanne Sport.

Ça correspond à l’arrivée d’un investisseur présent dans plusieurs sports et à une politique de formation de jeunes dans le canton de Vaud?

Pour le football, il faut savoir ce qu’on veut, est-ce qu’on veut connaître de grandes émotions ? Oui, alors dans ce cas-là, il faut exister sur la scène européenne, parce que c’est là qu’il y a les émotions. Et je ne dis pas que c’est bien ou pas bien, je prends le monde tel qu’il est. Aujourd’hui, les grandes émotions sont européennes qu’on le veuille ou non, il faut être capable d’être présent en coupe d’Europe. Ou alors, on estime que ce n’est pas ce que l’on veut et on veut un football des talus, qui est aussi noble mais c’est autre chose. Vous pouvez avoir une épicerie de quartier ou vous pouvez être la Migros. Mais si vous resterez une épicerie de quartier, vous ne serez jamais la Migros. Il faut simplement savoir quel objectif on veut avoir. On peut parfaitement avoir beaucoup de bonheur comme épiciers de quartier, c’est un métier honorable, parfaitement noble, mais c’est autre chose. Si on ne veut pas que Lausanne Sport soit dans les mains d’INEOS et en faire un club qui rayonne sur le plan européen, on peut admettre cela, mais dans ce cas-là il faut admettre de vivre probablement en Challenge League et se fixer ça comme objectif. Mais on ne peut pas rêver d’Europe et considérer qu’on peut dans le monde d’aujourd’hui avoir les structures et la politique d’un club de 1950, ce n’est tout simplement pas possible. Il faut savoir ce que l’on veut. On a beaucoup de chance d’avoir INEOS. Il faut faciliter la vie de ce club, c’est pas parce que c’est INEOS que c’est un club qui est hors sol, qui n’est plus vaudois. Vous avez des grands clubs anglais qui sont aux mains d’Américains qui ont une attache, un terroir extraordinaire. C’est à nous de faire en sorte que ce soit comme ça à Lausanne. Les soirées européennes, c’est quand même fantastique, ça vous donne un goût, une envie, une émotion extraordinaire. Nous n’y arriverons que s’il y a un certain nombre de moyens à la disposition de ce club.

Propos recueillis par David Glaser

Première partie de l'entretien ici.

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