Philippe Leuba, ex-homme en noir et fan du LS (1/5)
Philippe Leuba, ex-homme en noir et fan du LS (1/5)
Le FC Lausanne Sport, né en 1896 sous l’appellation du Montriond FC, s’apprête à connaître un changement majeur dès la rentrée 2020, son installation dans un tout nouveau stade : La Tuilière. Le LS, racheté par le groupe chimique international INEOS déjà présent dans le cyclisme (l’équipe Sky reprise en 2019), la voile, l’athlétisme et à l’OGC Nice, va être sans doute promu en Super League en fin de championnat après avoir effectué une remarquable saison quasiment tout le temps en tête du classement de Challenge League. Quelles sont les personnalités qui ont marqué l’histoire du club, à l'intérieur et autour ? On commence avec un fan du LS qui ne s'en cache pas. C'est un homme politique et un ex-arbitre international suisse, le conseiller d’Etat en charge des sports dans le canton de Vaud : Philippe Leuba. Voici la première partie de l'interview en cinq parties où l'on va apprendre que la passion de Philippe Leuba pour le foot et le club cantonal commence tôt du côté de Puidoux et de Vevey où "on avait du ballon".
Quel est votre relation au Lausanne Sport ?
J’ai toujours habité le canton de Vaud et Lausanne Sport était le club du canton. Je dois avouer que quand j’étais petit, je suivais plutôt le Vevey Sport qui était en Ligue A. Le club de Jean-Jacques Tillmann. Mon père était un fan du Vevey Sport, très jeune j'allais avec lui au Stade de Copet. Mais le Lausanne Sport est le club qui a le plus marqué ce canton. J’étais comme junior spectateur à la finale de Coupe suisse où Crescenzi en 1981 marque deux fois en finale contre Zurich et permet la victoire.
C’était un grand moment au Wankdorf, avant la rénovation du stade. Ensuite, j’ai connu beaucoup de joueurs du Lausanne Sport, Eric Burgener est un de mes amis. J’ai fait mon dernier match à la Pontaise en décembre 2015 Xamax-GC, le stade de la Maladière étant en rénovation, Xamax jouait à Lausanne et j’allais donc terminer ma carrière d’arbitre à au stade olympique de la Pontaise. C’était un joli clin d’œil pour un arbitre vaudois que d’arbitrer à la Pontaise. Je ne pouvais pas arbitrer d’équipes vaudoises, donc je ne devais pas être là.
Y a-t-il eu des occasions d’arbitrer le LS en amical ?
Je dois avouer que j’ai eu un épisode de ma carrière d’arbitre inhabituelle. Il y avait le match Lausanne-Xamax à la Pontaise un samedi en fin d’après-midi. J’avais fini mon travail un peu plus tôt que prévu et j’ai filé à la Pontaise pour voir ce match qui était arbitré par Urs Meyer. Et juste avant la fin de la première mi-temps, Urs Meyer s’est blessé. J’étais dans les tribunes, je me suis rendu à la buvette pour commander une bière et tout à coup je vois une dame qui me dit « monsieur Leuba, il manque un arbitre ». Je commande une bière. Un homme arrive ensuite et me dit « on a besoin de vous, Urs Meyer s’est blessé, il faut le remplacer », moi j’étais en tenue civile à cent lieues de penser que j’allais arbitrer une mi-temps en Ligue A, je descends dans les vestiaires, Urs me dit « Oh t’es là. Il faut que tu me remplaces, je me suis claqué », il avait un match international peu après.
Pourtant vous n’aviez pas vraiment le droit d’être là ?
Oui, comme Vaudois, je ne pouvais pas arbitrer Lausanne. Alors j’ai dit "je suis prêt à le faire à condition que Gilbert Fachinetti, le président de Xamax, donne son accord. Je ne veux pas m’exposer à un protêt parce que je suis vaudois..." Alors, ils sont allés chercher Gilbert et il a alors répondu « si Monsieur Leuba est là, il faut qu’il y aille », il a dit ça comme ça avec son accent, un grand Monsieur. J’ai fait la deuxième mi-temps avec un quart d’heure de retard, le temps que je me chauffe un peu. Je finis ce match. Lausanne a gagné. Il n’y a eu aucun problème. J’ai trouvé les deux équipes remarquables. C’est totalement inhabituel, vous commandez une bière et cinq minutes après vous êtes sur le terrain, vous n’êtes pas du tout prêt et dans de bonnes dispositions pour arbitrer. Ce fut le seul match officiel de Lausanne Sport en championnat arbitré par mes soins. J’ai peut-être fait quelques matchs de coupes vaudoises par ailleurs. Il y a eu quelques matchs amicaux du LS, des derbys vaudois en coupe, c’est possible... mais en championnat je n’ai fait que ce match-là.
Votre carrière dans le foot a eu un rayonnement mondial, le LS a aussi brillé de temps à autre sur la carte européenne, vous êtes en quelques sortes comme le LS, un phare du foot made in Vaud, non?
L’histoire du Lausanne Sport est beaucoup plus illustre que la mienne, moi je suis un nain à côté du LS. Quand on se souvient des épopées du Lausanne Sport, des victoires en coupe d’Europe, le LS est un club mythique incarné par des personnalités hors-norme, tant sur le terrain que chez les dirigeants. Je citais Eric Burgener, pour moi c’était une idole, il habitait Chexbres. Le village à côté du mien. Un livre sur le football suisse était sorti, je devais avoir sept-huit ans. Alors je me suis dit un mercredi en début d’après-midi alors qu'on avait congé à l’école "je vais essayer d’avoir une signature." Je suis monté chez lui, j’ai sonné, j’étais tétanisé de peur, et d’un coup la porte s’ouvre. Et Eric Burgener ouvre. Pour moi, c’était l’incarnation de l’idole dans le monde du football et il m’a très gentiment signé le livre. Je n’en revenais pas qu’un mythe que vous voyez à la télévision soit fait de chair, d’or… sans gants de gardien. Et un type qui vous parle normalement.
Avez-vous vécu d'autres moments aussi intenses?
Oui, je l’ai constaté dans ma carrière d’arbitre, je me suis retrouvé dans le rond-central à Anfield Road à Liverpool, c’était le club mythique pour mon frère. Quand je suis arrivé sur place avec l’arbitre Urs Meyer, en demi-finale retour de coupe de l’UEFA contre Barça, j’ai pris mon téléphone depuis le rond central d’Anfield Road, je lui ai dit, « tu ne sauras jamais d’où je t’appelle », il me dit « non ! »… J’étais un footballeur-talus, je jouais en 3e ligue pour un petit club Puidoux-Chexbres et toutes mes classes ont été faites là-bas. Mais l’arbitrage m’a permis d’être sur des terrains inaccessibles pour moi, de rencontrer des gens incroyables : Rudi Voeller, Pelé, Eusebio, Zidane, Beckham... J’ai arbitré Angleterre-Argentine, un match de préparation pour la Coupe du Monde en France en 1998, c’était le premier match entre les deux équipes après la main de Maradona en 1986, juste avant la Coupe du Monde, c’était incroyable, il y avait une tension dans ce match. Il y avait en toile de fond le conflit des Malouines qui n’était pas si vieux que ça. Il y avait toute l’histoire du foot anglais de l'époque, l'équipe c’était Lampard, Gerrard, Rooney... il fallait voir cette équipe, sur le papier, c’était que des stars. Je me souviendrai toute ma vie de Rooney qui était au début de sa carrière, il hurlait à ses milieux de terrain « les ballons n’arrivent pas assez vites devant », « les ballons n’arrivent pas assez vites devant… », il y avait Beckham dans l'équipe. Et avec Lampard et Gerrard, une telle qualité, entendre Rooney dire ces mots, je me suis dit « c’est incroyable, on est où là ?»
Propos recueillis par David Glaser
* En 1981 en finale de Coupe de Suisse permet d’inscrire les deux derniers buts du 4-3 pour battre le FC Zurich (champion de Suisse en titre et logique favori)
Photos Keystone et David Glaser
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