Premier essayage des costumes Repérage

21 mars 2019
Catherine Reymond

Se présenter aux essayages est une étape marquante pour chaque figurant. On va découvrir notre costume, qui nous façonnera pour les trois semaines d’été que durera la Fête.

J’ouvre d’abord la porte du local des costumes et me retrouve dans une pièce pleine de vêtements bien rangés et alignés sur des tringles. Une des personnes de l’équipe me fait remarquer que je me suis trompée d’étage et que les essayages ont lieu au-dessus. Avant de m’en retourner, j’ai le temps d’apercevoir des costumes de toutes les couleurs, des verts (peut-être les bourgeons), et de grandes parures de magiciens avec pour certaines des papillons, pour d’autres des cieux étoilés sur fond bleu, une robe de nuit d’été qu’on dirait sortie du conte de Peau d’Ane.

Le local du haut, plus petit, est rempli de gens et de vêtements, couleurs ivoire, jaune, noir. Il y a des chapeaux, des drapés, de fausses fleurs noires un peu trop visibles. Il y a beaucoup de femmes, des couturières et des figurantes qui sont venues essayer leurs robes, des bénévoles, et dans ce dernier groupe un grand nombre d’hommes plus âgés.

On me présente un monsieur qui est là pour m’aider durant l’essayage. On se serre la main. Sa poignée de mains est ferme et chaleureuse. Je regrette de n’avoir pas retenu son prénom, c’était peut-être Francis (et pardonnez-moi si c’était plutôt François, ou Fernand). Francis est probablement, comme la plupart des bénévoles, un retraité qui s’est mis à la disposition des figurants. Il est costaud et son visage est un peu rouge à cause de la chaleur qui règne dans le local des essayages. Je me demande ce qu’il fait dans la vie. Il me donne l’impression de quelqu’un qui travaille à l’extérieur, peut-être même un vigneron, qui a l’habitude du grand air et du grand soleil.

Il me guide dans un coin de la pièce où se trouvent de grands cartons et une penderie. Il décroche une robe, puis se penche sur les cartons et en sort un grand jupon de tulle et un sac contenant des chaussures. Cette robe n’a vraiment rien à voir avec ce que j’ai vu en bas mais je me raisonne : je savais bien que pour la Noce, nous n’aurions pas des costumes de magiciens. L’imprimé me plaît, pour le reste nous allons voir ce que ça donne.

Francis m’accompagne à la cabine d’essayage en portant les vêtements. Il disparaît presque sous le jupon de tulle qui forme un imposant nuage blanc sur son bras. Il n’est pas très à l’aise dans son rôle, il est un peu gêné. C’est comme s’il s’était emberlificoté dans toutes ces fanfreluches féminines dont il n’a pas l’habitude. Est-ce qu’on s’imagine, quand on devient bénévole pour la Fête des Vignerons, qu’on devra aider ces dames à essayer leurs robes et leur passer leurs dessous ? S’il a aidé aussi les Effeuilleuses, il a dû leur passer des dessous bien plus suggestifs! Malgré cette gêne, un peu gauche dans cette ruche qui bruisse des voix et des rires des femmes, il remplit son rôle avec bonhomie et gentillesse. Serviable et chaleureux, il a l’accent vaudois d’ici lorsqu’il m’explique comment ça se passe et qu’il y aura aussi un chapeau, mais que ce sera après le passage devant la couturière.

C’est une très jeune fille blonde qui s’occupe des retouches et nous parlons un peu, alors qu’en même temps j’observe la costumière, Giovanna Buzzi, qui s’affaire à distribuer un chapeau ou une étole. On voit tout de suite que c’est elle la patronne, la reine de cette ruche improvisée. Elle voit tout, certainement, elle veille à tout. Elle étouffe des accès d’énervement quand les choses ne vont pas assez vite, quand on ne comprend pas comment enfiler une robe.

Elle me tend trois chapeaux et nous tombons d’accord sur la forme « cloche » avant qu’elle ne reparte aussitôt vers la prochaine figurante. Je me demande si les costumes qu’elle a dessinés correspondent à ce qu’elle imaginait. Entre le dessin, puis les costumes créés dans différents tissus, couleurs, tombés, coupes, enfin portés par des gens si différents les uns des autres, est-ce qu’on retrouve vraiment son idée de départ ?

Lors des précédentes Fêtes, j’étais toujours un peu déçue par mon costume, j’aurais préféré quelque chose de plus spectaculaire. Pourtant celui-ci est confortable, bien coupé et agréable à porter. Il donne l’impression qu’on a fait un effort particulier, qu’on s’est endimanché, exactement comme quand on s’habille pour assister à un mariage, et c’est peut-être bien l’effet recherché. Et puis il y aura l’effet d’ensemble quand tout le groupe sera réuni.

Qu’on l’aime ou non, ce costume est le Sésame qui nous ouvre les portes de la Fête, qui nous permettra de vivre cette expérience si différente de nos vies de tous les jours. C’est grâce à lui que nous nous reconnaitrons, nous les figurants, embarqués dans cette grande aventure.

Et le dernier jour, après trois semaines de Fête, quand la chape de l’automne tombera subitement sur nos épaules et que nous serons pris d’une inextinguible nostalgie, quand nous quitterons les arènes pour la dernière fois avec des larmes dans les yeux et accablés par une tristesse lancinante, notre costume, dont on ne saura plus que faire, sera la preuve tangible que la Fête a bel et bien existé et que ce n’était pas un rêve éveillé.

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  • Roger Monnard

    Bravo pour le texte, très bien écrit avec beaucoup de douceur et de tendresse, il reflète bien l'ambiance des Fêtes.

Catherine Reymond
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29 mars 2019
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