Complexité

2 juillet 2019
Catherine Reymond

C’est en regardant le spectacle se faire, se répéter, que nous réalisons, nous les figurants qui depuis 1999 avons fait autre chose de nos vies que de regarder des spectacles, à quel point les moyens techniques ont évolué.

Les arènes sont devenues un labyrinthe en largeur et en hauteur dans lequel on se perd très facilement. Sans les oreillettes, accessoire somme toute assez simple, qui permettent au metteur en scène de communiquer avec les figurants et avec plusieurs groupes différents, le spectacle ne pourrait tout simplement pas exister. Cela se reflète aussi dans les costumes, dans le travail des techniciens et des accessoiristes, qui forment une foule connectée que l’on croise à tout moment entre les groupes de figurants.

Cette technicité omniprésente donne au spectacle une complexité étonnante. Il y a tant de choses à voir, dispersées entre une scène et l’autre, que le spectateur qui viendra au spectacle une seule fois n’en verra pas la moitié.

Ces moyens techniques offrent un support au spectacle et permettent de faire jaillir la poésie, le mouvement, la beauté simple du passage des saisons. C’est une gageure pour le metteur en scène de les faire oublier pour mettre au premier plan la vigne, la spécificité de ce terroir. Il l’a bien compris quand il met en scène trois vignerons qui jouent aux cartes devant leur capite de vigne. Y aura-t-il encore des joueurs de cartes dans 25 ans ? Ou faudra-il les représenter en train de jouer sur leur téléphone portable ? La vision de la Fête des Vignerons est forcément passéiste et nostalgique d’un passé qui ne fait plus vraiment partie de notre quotidien. En plus, il n’y a pas d’histoire…il faut donc imaginer des récitants qui nous guident au milieu d’un non-évènement : le passage du temps..

Un spectacle sans histoire, avec des acteurs non-professionnels, des bénévoles, cela constitue un anachronisme difficile à comprendre de l’extérieur. Mais le résultat est là, une fois de plus. Le spectacle sera magnifique, et ce ne sera pas à cause des moyens techniques mais grâce à l’imagination de tous ceux qui fabriquent du rêve. Ce qui fait la force de cette Fête, c’est ce lien humain qui relie les gens les uns aux autres, cette grande générosité qui les fait se regrouper, passer des heures sous un soleil de plomb ou sous une pluie battante pour offrir un spectacle, une célébration à ceux de ce pays et au-delà.

Daniele Finzi-Pasca guide ses figurants sur ce chemin délicat. Il est le capitaine d’un bateau ivre, il invente un monde onirique comme dans « E la Nave Va » de Fellini. Les moyens techniques sont là uniquement pour lui permettre d’incarner la poésie et quand il n’est pas sous la tente de direction, il suffit de le chercher du regard pour le retrouver entre les figurants, marchant avec eux dans la grande chaleur de la scène, devenant en même temps qu’eux la matière magique du spectacle en gestation.

Après la Fête, on se souviendra uniquement des moments magiques, de ce temps où les chevaux font trois tours de piste en fin de répétition, où le temps reste suspendu pour un instant au bruit de leur respiration et à la lente musique jouée par l’orchestre.

Après la Fête, cette petite fille se souviendra que le metteur en scène a gentiment posé sa main sur sa tête, petit geste amical qui la laissera ébouriffée et qui marquera ses dix ans.

Après la Fête, ce sont ces relations humaines qui resteront dans les mémoires, car ce sont elles qui fondent la magie de ce spectacle. Espérons que cette générosité, cette fraternité, ce sentiment profond d’appartenance à une région perdurera après, longtemps après…

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  • Roger Monnard

    Merci Madame Raymond pour cette contribution qui "fleure bon" la réalité vécue de l'intérieur de toute les fêtes. En tant que technicien de 1977, je ne peut qu'abonder, sur les révolutions technologiques du milieu du spectacle, révolutions pas toujours facile à assumer. Quand au vécu de tout les participants, il est tellement marquant à tout les niveaux, que le moment le plus dur sera la réacclimatation à un certain vide, ressenti au moment de l'après-fête.

  • Jean-Daniel Guex

    Merci Madame pour ce magnifique texte tellement vrai, merci merci encore.

  • Catherine Reymond

    Merci de votre commentaire!

  • Mila Apostolico

    Quelle belle synthèse de la richesse et complexité de cette aventure. Merci pour ce beau texte et au plaisir de vous lire.

  • Catherine Reymond

    Merci de votre commentaire. J ai déjà publié plusieurs textes sur cette plate-forme, peut-être que vous aurez plaisir à les lire ...Bonne lecture!

  • Patricia Ferrari

    Belles paroles reflet de ce que ressentent les figurants. La comparaison avec La nave va me parle beaucoup!

  • Catherine Reymond

    Bonjour Patricia, merci de votre retour. Je vous souhaite une belle Fête!

Catherine Reymond
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3 juillet 2019
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