La Société Vaudoise des Guides de Montagne et Porteurs

La Société Vaudoise des Guides de Montagne et Porteurs

Marcel Maurice Demont
Marcel Maurice Demont

Naissance de la Société Vaudoise des Guides de montagne et porteurs SVG

Remontons le temps.

Pour quelques instants, par la lecture et la pensée rejoignons nos anciens, ces hommes rudes et tendres à la fois, attachés à la terre qui les avait vus naître, aux montagnes dont les sommets encore chargés de mystères dominaient les petits villages de paysans où fumaient les cheminées, à leurs traditions.

Ces hommes, une poignée, qui offraient leurs services pour accompagner les voyageurs aventureux sur les pics enneigés des Alpes, pressentaient sans doute le développement du tourisme. Ils donnèrent naissance à la Société Vaudoise des Guides de montagne et porteurs SVG.

A cette époque, il y avait, d'une part, des guides indépendants que l'exercice de la profession de guide de montagne tenait éloignés de leur domicile durant de longues périodes, et, d'autre part, le Département de Justice et Police du Canton de Vaud dont les délégués étaient chargés d'appliquer la 'Loi sur les guides de montagne'.

L'échange d'informations entre les guides et les représentants de l'administration nécessaire à un bon fonctionnement ne se faisait que difficilement. Pourtant, nombreux étaient les points à débattre, à régler: formation, évolution de la loi, délivrance des patentes, renouvellement des dites, tenue à jour et publication de la liste officielle des guides autorisés à pratiquer, fixation du tarif des courses et ascensions dans les Alpes vaudoises, gestion d'éventuels litiges.

La nécessité du regroupement des guides vaudois en une association élisant ses représentants s'imposa peu à peu.

En 1947, Armand Moreillon, guide de grande réputation, fut chargé de poser les bases de ce groupement. Compte tenu des personnalités en présence, les nombreuses démarches qu'il eut à entreprendre furent pleines de vie, mais elles aboutirent. Dès lors, la Société Vaudoise des Guides de montagne et porteurs SVG exista dans la pratique, dans les coeurs et dans les esprits. Il faudra toutefois attendre 1948 pour que l'association soit formellement fondée, avec à sa tête Armand Moreillon comme président et Rodolphe Giacomini comme caissier. La lecture des premiers statuts de la société nous révèle que, en tête de quinze articles bien pensés, figurent les BUTS à atteindre, à savoir :

a) élever le prestige moral de la corporation par une bonne formation professionnelle

b) cultiver chez les membres un esprit de franche camaraderie

c) assurer et maintenir de bons rapports avec les autorités, le Club Alpin Suisse et en général avec toutes les sociétés et les personnes s'intéressant à l'alpinisme

d) sauvegarder les intérêts de la profession, surtout par l'établissement de tarifs.

On ne manquera pas de noter que, en sus d'un écot annuel, les candidats à l'état de membre de l'association devaient s'acquitter d'une finance d'entrée de cent sous (et cent sous, à l'époque, ça faisait des sous), plus une cotisation centrale, destinée à l'Association des Guides Suisses, de cinquante centimes. Cette dernière sera élevée à un franc dès 1961. La cotisation revenant chaque année étant fixée à six francs pour 1960 et à dix francs l'année suivante, alors que le tarif minimum d'une course était de quarante francs, on avait donc un ratio de vingt-six pour cent, alors qu'en 2007, la contribution de chacun étant de trois cent cinquante francs et le tarif minimum du guide de quatre cent cinquante francs, le rapport s'établissait à septante-huit pour cent.

Relevons encore que :

- en 1947, plus de quatre-vingt-cinq pour cent des guides membres de la société habitaient en montagne, à plus de mille mètres d'altitude, avaient, à la base, une profession manuelle, et accomplissaient régulièrement leurs obligations militaires, comme l'exigeait la loi

- en 1960, quatre-vingt-un pour cent des guides vivaient à l'année dans les stations et les villages des Alpes vaudoises

Affiche officielle des guides vaudois

En l'an 1960, 17 guides seulement et 4 porteurs

On ne faisait pas de la grimpe ou de l'escalade, on varappait

- en 2007, le rapport était inversé, septante-six pour cent des professionnels de l'alpinisme logeant en plaine, à Lausanne, Yverdon-les-Bains, Vevey, Montreux, Genève, Neuchâtel et vingt-quatre pour cent seulement résidant en montagne.

Les membres fondateurs de la Société

D'une manière générale et pour des raisons évidentes, on dispose de très peu d'informations provenant des temps passés.

Les hommes dont nous évoquons ici le souvenir sont les plus fameux précurseurs de la profession de guide dans le canton de Vaud.

Plusieurs d'entre eux ont tracé des voies nouvelles, des 'premières' sur le flanc escarpé d'un haut sommet plâtré de neige ou sur le fil d'une arête vaporeuse se découpant dans le ciel.

Louis Spiro

Né en 1877, décédé en 1963. Pasteur, écrivain, domicilié à Huémoz. Guide dès 1903. Fondateur de la Juralpe, société groupant des apprentis montagnards du pied du Jura. Sa devise était : « Le corps n'est qu'une guenille, il doit se soumettre aux injonctions de l'esprit malgré les protestations légitimes et les impératifs de la nature ». A l'âge de 80 ans, Louis guidait encore la traversée des Aiguilles de la Lé (entre autres courses). Louis a publié plusieurs ouvrages, dont : 'Guides de montagne', 'Alpe inspiratrice' et 'Derborence'.

Louis a réussi la 1ère ascension de l'arête NE de l'Aiguille d'Argentière, le 30 août 1904.

Philippe Allamand

Né en 1880, décédé en 1966.

Guide et tourneur sur bois.

Domicilié à Bex.

Philippe a réussi la 1ère ascension de la Cime de l'Est des Dents du Midi par la Grande Vire, en solitaire, en 1897.

Félix Veillon

Né en 1885, domicilié aux Plans-sur-Bex.

Félix a à son actif :

- la 1ère du Grand clocher de Planereuse par l'arête NW, en septembre 1910

- la 1ère de la face sud de la Cathédrale, réalisée le 20 juillet 1911

- la 1ère de la Tour Sallière par le Col du Dôme, le 1er août 1911.

Armand Pernet

Né en 1890, domicilié aux Diablerets, guide dès 1912.

Christian Bohren

Né en 1891 à Grindelwald, domicilié à Territet, guide dès 1912.

Adrien Veillon

Né en 1892, domicilié aux Plans-sur-Bex.

Adrien a réalisé la 1ère du Petit Miroir de l'Argentine (TD), en 1930.

Jean Marlettaz

Né en 1898, domicilié aux Plans-sur-Bex.

Hans Flotron

Né en 1900 à Meiringen, domicilié à Villars, guide dès 1924.

Hans a réussi :

- la 1ère de la Dent Jaune des Dents du Midi par la face SE (D), en 1927

- la 1ère de la tête d'Enfer versant S, en 1940.

Armand Moreillon

Né en 1902, domicilié à Bretaye, puis aux Plans-sur-Bex.

Armand a réalisé :

- la 1ère du Petit Muveran par l'arête N, en 1920

- la 1ère du Lion d'Argentine par l'arête W, vers 1920

- la 1ère du Grand Miroir de l'Argentine par l'Y, en 1926.

Maître de ski, le 1er président de la Société des Guides et Porteurs Vaudois fut aussi l'entraîneur attitré du Ski-Club de Champex 'Les Diables Rouges'.

Albert Reber

Né en 1908, domicilié aux Diablerets, guide dès 1929.

Gabriel Delvecchio

Né en 1910, domicilié à Chesières, porteur en 1935, guide dès 1937.

Instructeur suisse de ski dès 1938. Maître de ski dès 1942.

Roger Parisod

Né en 1913, domicilié à Caux ; guide dès 1942.

Sa patente de maître de ski portait le no 14.

François Aviolat

Né en 1917, domicilié à Pully, guide dès 1946.

Il passa guide, premier de sa promotion.

La durée de son mandat présidentiel est marquée par une longue suite de premières dues à son dynamisme, sa créativité et une énergie élevée qui lui faisait réaliser sans cesse des choses nouvelles.

La Société des Guides et Porteurs Vaudois lui doit :

- le 1er cours de perfectionnement des guides vaudois en 1964

- la 1ère fête des guides vaudois en 1966

- le 1er costume des guides vaudois en 1966 (une veste en fait)

- le 1er drapeau des guides vaudois en 1966

- le 1er cours de formation obligatoire pour les candidats aspirants guides en 1970

- la 1ère médaille des guides vaudois (la majorité des sociétés de guides avaient leur propre médaille)

- le premier insigne en tissu des guides et porteurs vaudois.

Rodolphe Giacomini

Né en 1918, domicilié à Anzeindaz.

Sauvetage, Rodolphe guide la luge

Jean-Pierre Marlettaz

Né en 1922, domicilié aux Plans-sur-Bex. Porteur dès 1946 et guide dès 1948.

Marcel Maurice Demont, porteur de montagne au début des années 1960

Placard publicitaire des guides vaudois, au cours des années 1970

Affiche de la fête des guides 1985

Qu'en est-il en 2017 ?

Plusieurs guides membres de la Société ouvrent bénévolement des voies nouvelles au service de la collectivité des grimpeurs et des alpinistes

Les guides enseignent toutes les formes d'escalade rocheuse et glaciaire

Photo: 'bouldering'

Le travail du guide s'étend à la Terre entière, photo: camp 2 du Khan Tengri, 7010 mètres

Ski de haute montagne, un sport en pleine expansion

Fête des guides 2017 aux Diablerets, le mur d'escalade était animé par les guides

La Société Vaudoise des Guides et porteurs SVG, fondée par 15 précurseurs en 1947 - 1948, a connu une harmonieuse évolution, élargi son territoire, intégré les professionnels des nouveaux métiers de la montagne en 2010, et changé de nom. Son effectif actuel est fort de 150 membres, et il compte plusieurs femmes guides, accompagnatrices ou monitrices d'escalade dans ses rangs.

Au fil du temps, la SVG était devenue l'AVGM, Association Vaudoise des Guides de Montagne, guides skieurs et porteurs. Dès l'an 2011, renforcée par les ressortissants des cantons du Jura, de Neuchâtel, de Genève et de Fribourg, elle devint l'ARGM, Association Romande des Guides de Montagne, accompagnateurs de randonnée et moniteurs d'escalade.

Avec la transmutation de la SVG, rebaptisée AVGM, en ARGM, s'acheva une époque, celle de la société des guides et porteurs exclusivement vaudois, celle de sa longue, riche et belle vie. L'âge des procès-verbaux dressés à la main, au crayon de bois, sur un bout de papier, dans un coin d'un petit bistrot des Alpes Vaudoises est révolu. Entre des mains expertes, l'ordinateur a pris le relais. Désormais, lire ou relire l'histoire contemporaine, l'écrire, sera aisé. L'auteur du présent article, et de l'ouvrage 'Au fil du temps' qui retrace par le menu tout l'évolution de la société des guides, ne regrette pas les longs mois passés à réunir, déchiffrer et mettre en forme les bribes d'archives rescapées du temps jadis, sauvées in extremis de l'oubli définitif et de la destruction. Revisiter cette ère achevée, à laquelle il appartint, constitua un voyage palpitant, fort en rencontres, en échanges, en émotions.

La roue tourne, les professionnels de la montagne d'aujourd'hui doivent faire face à des problèmes nouveaux : réchauffement de la planète et disparition des glaciers, évolution du calendrier des saisons propices à la pratique des activités (décalage), interdictions diverses réduisant leur terrain de jeu, judiciarisation en cas d'accidents ou de forts différends, concurrence accrue.

La société évolue, le lieu de travail du guide s'étend à la Terre entière, du matériel performant et léger inonde le marché, des techniques innovantes apparaissent ainsi que des nouveaux sports de montagne.

Shisha Pangma, 8030 mètres, Tibet, 1er 8000 organisé dans le cadre de la Société Vaudoise des Guides, par Marcel Maurice Demont , en 2001

Qu'y a-t-il de commun entre les premiers guides, des paysans de montagne du 19ème siècle, qui conduisaient les voyageurs sur les sommets dominant leur village afin de se procurer un peu d'argent, et les guides d'aujourd'hui ?

Quel est le lien entre ces hommes rudes qui s'en allaient à l'assaut des cimes neigeuses ou rocheuses, vêtus de leurs vieux habits de laine rapiécés limés au frottement de la roche et les professionnels des temps modernes ?

Qu'est-ce qui unit les pionniers qui proposaient leurs services pour conduire des casse-cou soucieux de découvrir les beautés de l'Alpe et les guides du 21ème siècle ?

L'amour de la montagne ?

La passion du métier ?

Sans aucun doute. Mais aussi, les traditions de notre coin de pays, les valeurs morales transmises de génération de guides en génération de guides au sein de notre association.

Marcel Maurice Demont, 2017.

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Marcel Maurice Demont
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7 septembre 2017
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