Contes fantastiques du Jura bernois

Sylvie Bazzanella

Le loup-garou

Il y avait une fois à Noirmont un loup-garou qui « se tenait » dans les broussailles au-dessus de Noirmont. Il prenait pour les manger les petits enfants que leurs mères ne gardaient pas assez bien.

Un soir que le châtelain était au tir à l'affût il tira un coup d'arbalète sur la bête qui roula au fond d'un creux qu'on nomme encore le Creux-au-loup ou Crauloup. Il trancha une patte du loup, mais pendant qu'il l'introduisait rapidement dans sa gibecière, le loup se sauva dans les rochers.

Lorsqu'il fut au château la châtelaine était au lit, une main bandée. « Un brigand m'a tranché une main ce soir », dit-elle au châtelain. Il regarda dans sa carnassière : il s'y trouvait une main de femme, la main de sa femme, avec ses belles bagues en or. « Il lui fut bien « forcé » d'avouer que c'était elle qui mangeait les petits enfants, « Je comprends maintenant que tu n'avais jamais faim à table, le loup-garou que tu es, mais comme tu es mon épouse le bourreau ne te touchera pas ». Et puis, malgré ses cris, il la précipita lui-même dans le vide du haut des rochers. (Noirmont)

La roche au brochet

Au temps des forges de Bellefontaine il y avait une si belle ouvrière que tous les hommes de la ville en étaient amoureux. Mais elle savait qu'elle était belle et se moquait de tous les galants. Elle disait à qui voulait l'entendre qu'elle ne « marierait » qu'un roi lors même que ce ne serait que le roi des poissons.

Elle « allait sur ses vingt ans ». Un soir d'automne qu'elle rentrait des forges à St-Ursane. Tout à coup elle se sentit attirée vers le Doubs comme un oiseau par un crapaud ou un serpent.

Depuis la grande roche du Doubs il lui semblait qu'on lui criait « Voici ton galant, ton époux, voici le roi des poissons ».

Elle entra dans l'eau sans se mouiller. Lorsqu'elle fut au milieu du Doubs elle entendit murmurer : « Viens vers ton galant, ton époux, vers le roi des poissons ». Et voilà qu'elle vit partir de dessous la roche un brochet aussi long et aussi gros qu'un épicéa ébranché. La peur la prit, elle voulut retourner sur la rive. Des bateliers avaient déjà sauté dans une barque pour aller la sauver. C'était trop tard. Le grand brochet sauta, la happa à une cuisse et la tira au fond de l'eau sous la roche. C'est depuis lors « qu'on ne dit plus » à cette roche que la roche au brochet. (Ocourt)

Les dragons (vouivres)

Lors même qu'il y en a qui prétendent que les vouivres ne sont que des étoiles filantes, mon grand-père en a vu. « Cela va comme la poudre », disait-il. Elles vont comme un éclair ; elles ne se montrent guère que la nuit. Elles éclairent avec une lumière comme il n'y a pas de lampes. On en voit parfois sur les épicéas qui tordent la tête « d'un côté d'un autre ».

Le diamant provient des vouivres qui le portent serré dans un sachet au cou. Elles vont quérir les diamants au Paradis terrestre dans les îles Lofoden. Elles seulent peuvent y aborder.

Une fois que mon grand-père s'en revenait du Boéchet, une vouivre s'en vint devant lui jusqu'au Cerneux-Vernier ; avec son diamant elle éclairait comme en beau plein jour.

Le lendemain mon grand-père vit qu'elle avait creusé un sillon dans la terre gelée, comme un sillon de charrue. (Cerneux-Godat)

Tiré de : © Bulletin mensuel de la Société suisse des Traditions populaires - Numéro 7/9 - 17e année, 1927

Avec l'aimable autorisation de Monsieur Ernst J. Huber

www.volkskunde.ch

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Sylvie Bazzanella
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17 décembre 2012
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