Les Chiens du Grand-Saint-Bernard et leurs sauvetages

© Chanoine Marquis
Sylvie Bazzanella

Méthode de travail des chiens

Pour apprécier l'utilité des chiens, il faut remonter à l'époque où l'on ne connaissait ni les skis, ni les tunnels, ni aucun moyen moderne de locomotion ou de communication. Il fallait aller à pied ou à cheval et gravir les hautes montagnes qui séparaient les peuples. Or, le Grand-Saint-Bernard était un des cols les plus fréquentés entre l'Italie d'une part et la Suisse, la France, l'Allemagne et l'Angleterre d'autre part. Mais comment monter jusqu'à près de 2500 mètres, au milieu de tant de neiges, durant un hiver qui dure plus de sept mois ? Les chiens étaient là pour faciliter le passage. Les marronniers ou hospitaliers - valet qu'on engage tous les ans pour conduire et aller à la rencontre de ceux qui passent par cette montagne depuis la fête de Saint-Martin (11 novembre) jusqu'au 15 mai - leur avaient appris à marcher devant eux et c'était un plaisir de les voir à l'œuvre. Même dans les neiges les plus épaisses, le chien avançait avec son large poitrail et ses puissantes pattes et laissait derrière lui un profond sillon. Lorsqu'il était fatigué, il sortait carrément de la piste comme pour céder sa place de chef de file ou solliciter un moment de répit. Dans le brouillard et la tempête, il était toujours un guide sûr et ne perdait jamais son chemin qui, de la sorte, était battu jour après jour. Ainsi, le passant n'enfonçait guère dans la neige. Sortait-il de la piste et errait-il à l'aventure, le chien le repérait à distance et courait jusqu'à lui pour l'y ramener. Le Saint-Bernard fut le premier chien d'avalanche. Comment se comportait-il ? D'après les témoignages recueillis, lorsque la victime était vivante, le chien se mettait à gratter la neige qui la recouvrait. Sinon, le chien s'asseyait sur place et montrait ainsi l'endroit où gisait le cadavre.

Tableau de Leuenberger, 1893, au Collège de Sion

On a dit que les chiens avaient parfois prévu la chute des avalanches. Ce cas est assez rare. Car s'ils aiment la neige, ils abhorrent naturellement la tempête ; à moins d'être en mission, ils ne la bravent jamais et se tiennent à l'abri. Cependant, plusieurs fois ils refusèrent de sortir du chenil pour prendre leurs ébats ; or, quelques instants plus tard l'avalanche s'abattait près de leur chenil.

Voici, cependant, un témoignage plus convaincant. Un jour arrivèrent à l'Hospice cinq Alpins italiens qui avaient déserté leur compagnie commandée par un capitaine fanatique de la montagne, mais très exigeant et dur envers ses hommes. Après un jour ou deux de repos, quatre d'entre eux purent partir vers Martigny. Le marronnier qui les accompagnait s'arrêta un instant pour consoler le cinquième qui était atteint de pneumonie. Et l'on se mit en route. A mi-chemin entre la Souste et le Poyet déjà, le chien s'arrêtait à plusieurs reprises en levant la tête et flairant du côté du Mont-Mort. Il y avait une assez forte couche de neige fraîche et il neigeait beaucoup. ; un épais brouillard ne permettait de voir qu'à quelques mètres devant soi. Le chien continuait son manège et l'on était arrivé aux deux tiers du Poyet, lorsqu'il s'arrêta net en poussant un cri. A cet instant, on entendit nettement le bruit caractéristique d'une congère qui saute. On se coucha dans la neige et le chien s'aplatit contre le marronnier en gémissant. Le tourbillon passa près d'eux et se contenta de les recouvrir d'une lègère couche de poudre blanche.

© Les chiens du Grand-Saint-Bernard et leurs sauvetages - Chanoine Marquis. Editions Grand-Saint-Bernard - Imprimerie Pillet Martigny - 2e édition, 1959.

Vous devez être connecté/-e pour ajouter un commentaire
Sylvie Bazzanella
3,260 contributions
11 mai 2010
1,214 vues
0 like
0 favori
1 commentaire
3 galeries