L'insoutenable légèreté de l'être
1 mai 2012
Mauro Bernardi
Mauro Bernardi
- Dans son roman «L'insoutenable légèreté de l'être» dont l'action se déroule en 1968, au moment du printemps de Prague, l'écrivain tchèque Milan Kundera, nous raconte l'histoire d'amour vécue par ses deux personnages principaux, Tomas et Tereza, à laquelle s'ajoute celle de Franz, professeur d'université vivant à Genève, et de Sabina, une artiste peintre libre et sensuelle, également maîtresse de Tomas.
- Dans le roman, la cité du bout du lac est décrite de manière générale, sans que soient jamais évoqués avec précision les noms des lieux dans lesquels évoluent les personnages:
- (...) Genève est une ville de jets d'eau et de fontaines. On y voit encore dans les jardins publics les kiosques où jouaient autrefois les fanfares. Même l'université se perd au milieu des arbres.
- Décrite en deux phrases simples mais d'une belle efficacité, la cité des parcs (nous sommes de toute évidence ici au parc des Bastions) apparaît aux yeux du lecteur comme une sorte d'Eden verdoyant, contrastant de manière saisissante avec la grisaille des villes de l'ancien bloc de l'Est, alors étouffées sous le joug du régime soviétique.
- A Genève, Franz, qui a fait la connaissance de Sabina, vient régulièrement la retrouver sur son lieu de travail. Un passage nous le décrit dans un moment de grâce, au sortir de l'atelier de sa maîtresse, après que celle-ci lui eut implicitement prouvé son attachement:
- (...) Sa bonne humeur était revenue. Genève qu'il avait maudite toute sa vie comme la métropole de l'ennui, lui semblait belle et pleine d'aventures. Il se retourna, les yeux levés vers la baie vitrée de l'atelier. C'étaient les dernières semaines du printemps. Il faisait chaud, toutes les fenêtres étaient tendues de stores à rayures. Franz arriva à un parc au dessus duquel, au loin, flottaient les coupoles de l'église orthodoxe, semblables à des boulets d'or qu'une force invisible avait retenus juste avant l'impact pour qu'ils se figent dans l'air. C'était beau. Franz descendit vers le quai pour prendre un bateau-mouche et se faire reconduire de l'autre côté du lac sur la rive droite où il habitait.
- Le parc en question étant selon toute vraisemblance la promenade de l'Observatoire, on peut en déduire que le lieu où travaille Sabina se trouve dans le quartier des Tranchées (s'il s'était trouvé par exemple dans la Vieille-Ville, Franz aurait sans doute emprunté un chemin différent pour se rendre sur les quais). A relever pour l'anecdote, que l'observatoire juché au sommet de la promenade éponyme, était toujours présent au printemps 1968, période à laquelle se déroule l'histoire. Démoli moins d'un an plus tard, il n'en restait plus aucune trace lorsque Milan Kundera procéda aux repérages de son roman, probablement au début des années 80. Eut-il été toujours en place qu'il se serait peut-être vu représenté dans la vision que l'auteur attribue à Franz au moment où celui-ci rejoint le parc…
- Ci-dessus, les coupoles de l'église orthodoxe vues depuis la promenade de l'observatoire, sans doute telles que les observe Franz, l'un des personnages du roman, lorsqu'il descend vers le lac. L'action se déroulant en 1968, l'ancien observatoire de Genève était toujours présent au sommet de la promenade (hors cadre, à gauche de l'image), mais avait en revanche disparu depuis plus de dix ans lorsque Kundera procéda aux repérages de son roman, vraisemblablement au début des années 80.
L'ancien observatoire de Genève, construit en 1772 et démoli en 1969.
Source :
- Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être, traduit du tchèque par François Kérel. © Ed. Folio 1989.
----------------------------------------------------
Adapté au cinéma par Philip Kaufman en 1988, le roman de Kundera sera mis en scène dans différents lieux de la cité de Calvin allant du Jardin Anglais au pont des Bergues, en passant par l'Hôtel Métropole, la place (de) Neuve et l'atelier fictif de Sabina, dont la large baie vitrée offre une vue panoramique (en réalité un décor de studio) sur le lac et les sommets environnants.
- Philip Kaufman, L'insoutenable légèreté de l'être, 1988.
Avec: Daniel Day-Lewis: Tomas - Juliette Binoche: Tereza
Lena Olin: Sabina - Derek de Lint: Franz.
113,046
7,162
© 2024 FONSART. Tous droits réservés. Conçu par High on Pixels.
Cher monsieur Mauro Bernardi, ayant lu un article aujourd'hui même m'ayant fait l'effet d'un puissant questionnement sûr la situation actuelle et les possibilités de son devenir je me suis souvenue de l'une de vos publications. Oui celle ici présente à laquelle je vais me permettre d'ajouter un peu d'histoire en plus, voici :
francais.radio.cz/le-premier-d...
fr.wikipedia.org/wiki/L%27Inso...
fr.wikipedia.org/wiki/Milan_Ku...
et voici comment et pourquoi j'ai atterri dans votre publication :
bluewin.ch/fr/infos/internatio...
et retour vers l'écrivain Milan Kundera
heconomist.ch/2023/05/19/milan...
Amicalement Renata
Merci Madame Roveretto, pour ces intéressantes précisions.