Passage de Napoléon à travers le Valais
Sans rien préjudicier au génie de Bonaparte, il est bon de nous rappeler que le grand général n'a pas découvert le passage du St-Bernard : il s'en est servi après d'autres hommes de guerre célèbres dans l'histoire. A l'école de Brienne, dans sa passion fébrile pour la lecture des récits guerriers chez les anciens peuples, il a dû apprendre dans Pline que les armées carthaginoises avaient passé par ce chemin, et que le nom de ce col Mons poeninus, était tiré des Carthaginois, les Poeni. Il savait par les Commentaires de Jules César, que ce grand général avait conquis les peuples du Valais à cause de ce célèbre passage commercial et militaire. Il savait que les armées romaines l'avaient souvent franchi. Connaissait-il qu'au moyen âge encore, à la suite d'un concile tenu à Genève en 773, Charlemagne y avait fait passer une armée commandée par son oncle Bernard ?
D'autre part, le Valais était un pays conquis à la France; son lien à la République Helvétique n'était plus que de nom. L'année précédente, en 1799, il avait été entièrement dévasté et ruiné par les troupes du Directoire. Il n'y avait aucune résistance à craindre dans les impositions d'hommes et d'autres contributions de guerre. Aussi tous les hommes de l'Entremont, la bride de leur mulet à la main, durent se mettre aux ordres des officiers du Premier Consul. Le Haut-Valais seul dut fournir 6000 hommes et un très grand nombre de chevaux et de mulets. La question des canons traînés dans des troncs d'arbres, est citée comme une idée géniale de Bonaparte; je crois qu'il faut y voir, au contraire, une idée pratique des paysans de l'Entremont.
Plaque commémorative - Col du Grand-Saint-Bernard.
Ces troncs de sapin, à la moelle et aux premières couches concentriques décomposées de vétusté, ces gens les ont, de tout temps, traînés sur la neige comme bois d'affouage, ou les ont employés comme canaux dans leurs bisses, au-dessus des précipices, et comme conduites de chute d'eau sur leurs vieux moulins. Ils avaient dans leur maison une hache recourbée, au tranchant replié en demi-lune, pour évider entièrement et proprement les troncs, dont la partie extérieure peut rester solide pendant de longues années.
Chanoine Bourban
Le Drapeau Suisse, 10 mai 1910, no 11
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