Je suis une artiste

11 mai 2020
Anne-Chantal Pitteloud

J’ai obtenu un Master en Art visuel en 2003, je suis artiste indépendante depuis 17 ans avec un salaire mensuel qui n’a jamais dépassé les 1800.-. Je travaille à plein temps et j’ai vécu durant 7 ans dans mon VW pour ne pas avoir de loyer d’habitation à payer et j’ai participé à 80 expositions en Suisse et en Europe dont 21 personnelles.

J’ai été licenciée l’an dernier de mon Job alimentaire (Salariée 15 jours par an depuis 2003 pour des cours de poterie (9000.- / an.) Je n’ai pas eu droit au chômage. (Périodes de travail insuffisantes pour toucher des indemnités.) A ce jour je n’ai toujours pas trouvé un autre job.

J’ai débuté l’année 2020 avec énormément de doutes quand à la suite de mon parcours professionnel. Mon gain artistique s’élève à 2324.- depuis le début de l’année. J'ai une exposition personnelle prévue en avril qui a été reportée en novembre, 3 marchés de céramiques importants ont été annulés et je cherche des stagiaires pour mes prochains cours que j’ai dû reporter à l’été. Sans l’aide que j’espère du canton du Valais dans cette pandémie, mon activité artistique va probablement être très réduite voire s’arrêter.

A l’aube de mes 50 ans, J’en ai MARRE

De passez la moitié de mon temps à démarcher et à chercher à vendre mon travail. De travailler pour monter des expositions dans des galeries qui diminuent au fil des ans et qui n’arrivent plus à vendre des œuvres. Et comme lors de pratiquement chaque exposition mes frais sont supérieurs aux gains. J’en ai MARRE d’entendre le type des impôts me dire - Ça n’est pas un travail que vous faites puisque vous ne gagnez pas d’argent, c’est un loisir. Trouvez-vous un vrai travail.

J’en ai MARRE De voir passer des appels à concours payants

J’en ai MARRE Que lors d’une exposition TOUT le monde soit payé sauf l’artiste.

J’en ai MARRE de fournir du travail salarié à des curateurs, des centres artistiques, des musées, des gardiens, des responsables et employés de la culture, des médiateurs culturels, des graphistes, des imprimeurs, des traiteurs… Et d’entendre ces « cultureux » se plaindre de toucher le chômage partiel suite à la pandémie.

J’en ai MARRE D’être tout au fond de la chaine du monde artistique.

J’en ai MARRE d’entendre - mais c’est une chance pour toi d’exposer là, c’est un lieu prestigieux, ça te fera une ligne de plus sur ton C.V. , ça va faire connaître ton travail, te donner plus de visibilité.

J’en ai MARRE Qu’à la caisse du supermarché la vendeuse ne veut rien savoir de cette ligne supplémentaire sur mon C.V.

J’en ai MARRE de lire Tu sais comme c'est pour nous autres créatifs : on a besoin de produire, même pour rien. C'est plus fort que nous. Faut que ça sorte. C'est ça qui est beau. J'estime qu'on a une chance que d'autres n'ont pas.

J’en ai MARRE D’avoir également cette chance de gagner un revenu en dessous du seuil de pauvreté et que (le même type des impôts) me dise - ça n’est pas possible de vivre avec si peu, vous n’avez pas tout déclaré alors je vous ai taxé d’office. (je vais l’avoir jusqu’à la retraite sur le dos celui-là)

J’en ai MARRE d’entendre - une aide vaut mieux que rien ! - C’est toujours ça À cet artiste qui à touché 200.- d’APG

J’en ai MARRE D’avoir perdu un nombre incalculable d’heures sur le dossier pour la demande d’urgence à Suisse Culture sociale pour recevoir au bout de 2 mois une simple ligne de refus.

J’en ai MARRE D’attendre les APG pour les indépendants qui n’ont pas le droit au chômage, depuis ma demande faite le 27 mars 2020

J’en ai MARRE Qu’on se serve de nous les artistes, pour amuser et divertir le peuple lors de ce confinement sur les réseaux sociaux.

J’en ai MARRE De faire partie de ce système de l’art contemporain actuel ou aucun artiste en Suisse ne peut vivre de son art et d’être complices de l’économie de marché.

J’en ai MARRE De cette société de consommation capitaliste néo-libérale, de l’argent et du pouvoir qui va nous envoyer dans le mur.

J’en ai MARRE Qu’on foute en l’air TOUTE la planète pour enrichir toujours les mêmes.

OUI, on peut vivre cette forme de décroissance choisie et assumée. OUI, on peut vivre en se consacrant à son art à plein temps, en faisant des sacrifices et en aimant cette vie. Avec plus de liens et moins de biens matériels. OUI ! Mais tout cela à quand même une limite que je suis très proche d’atteindre.

Je me poste la question: Sur les 280 millions débloqués pour la culture, quel sera le pourcentage attribué aux artistes indépendants ?

JE VEUX la création d’un fonds national de la recherche artistique, qui trouve son expression sous la forme d’un RBI pour tous les artistes qui le désirent.

Un Revenu de Base Inconditionnel pour tous les artistes

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11 mai 2020
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