3.Les trois soleils de Lavaux

Catherine Reymond

Premier soleil : le Soleil

Le Soleil se lève et aperçoit de loin la petite lueur de la Fée au sommet de la montagne. D’abord il n’ose pas s’approcher, il ne darde que quelques rayons timides, comme pour montrer qu’il est là, au cas où on aurait besoin de lui.

La Fée pleure son Eden disparu, son jardin perdu, ses vergers dévastés. Plus de chants d’oiseaux, plus aucun bruit. Que va-t-elle faire ? Elle tente de répandre un peu de poussière de fée mais sa lumière est devenue si faible que ses sortilèges n’ont plus d’effet.

Le Soleil fait lentement sécher sur ses ailes la boue qui s’y est déposée. C’est devenu une poussière brune qu’elle essuie de ses mains. Elle se dresse alors sur ses petits pieds et s’adresse au soleil :

« Soleil, vois-tu ce que cet horrible géant a fait de mon domaine ? Je suis désespérée par cette catastrophe. Les hommes et les femmes qui étaient mes amis ont disparu eux aussi. Soleil, peux-tu m’aider ? »

Le Soleil s’approche d’elle et se fait plus caressant.

« Fée, je peux t’aider, mais mon pouvoir est limité. Je peux briller si fort que la boue séchera, comme elle vient de sécher sur tes ailes, qu’elle se déposera au fond du lac et qu’avec le temps, les eaux deviendront aussi bleues que le ciel. Mais je ne peux pas reconstruire ton jardin, c’est à toi seule de savoir si tu as le courage de t’atteler à cette tâche. »

La Fée comprend que le Soleil a raison. La tentation est grande d’aller se réfugier dans la Grotte aux fées avec ses sœurs et d’y reprendre une existence paisible et sans histoire. Mais comment vivre dans une grotte ? Tout y est sombre, humide, privé de couleurs. Elle pressent que sa lumière se tarira pour toujours si elle reste dans la Grotte.

« Soleil, j’ai besoin de ton aide et de celle des hommes et des femmes, s’ils ont survécu à la catastrophe. Aide-moi à sécher ces immenses montagnes, à les faire reverdir, à retrouver un peu de ce qui faisait le charme de mon jardin. En échange, je te donnerai ce qu’il te plaira de demander. »

« Fée, je t’aiderai. Je t’aiderai chaque jour, du matin jusqu’au soir, jusqu’à ce que la boue et les roches se transforment en terre fertile, jusqu’à ce que poussent et fleurissent les arbres que les hommes et les femmes replanteront.

En échange, petite Fée, voudras-tu m’épouser ? »

La voix de la Fée est devenue presque inaudible lorsqu’elle répond au Soleil :

« Soleil, je t’épouserai quand cet endroit désolé sera devenu si beau qu’il me fera oublier mon jardin disparu. »

Emue par la bonté du Soleil et découragée par l’ampleur de la tâche qui l’attend, elle verse quelques larmes qui vont s’écraser sur le sol boueux. Au contact de la terre, ses larmes se transforment en un minuscule filet d’eau qui se met à couler le long de la pente et qui goutte à goutte, petit à petit, forme un ruisseau qui s’en va rejoindre les eaux du lac. Grâce à l’aide du Soleil, la Fée des sources a retrouvé ses forces.

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