LS Story: Le fabuleux destin d'Eric Burgener (2e partie)
LS Story: Le fabuleux destin d'Eric Burgener (2e partie) Repérage
Pour le deuxième entretien sur l’histoire du Lausanne Sport (après Philippe Leuba), quoi de plus normal que d’interroger la mémoire du plus grand gardien de l’histoire des bleus et blanc, Eric Burgener. Voici la deuxième partie d’un entretien riche en anecdotes sur un passé pas si lointain, où le football ne surfait pas encore sur des mercatos onéreux avec des actionnaires oligarques, un football suisse modeste avec le regard tourné vers l'Angleterre. Dans cette dernière partie, l'ancien gardien du LS, du Servette et de la Nati, on parle de quelques rencontres historiques, de Gabet Chapuisat et du maillot de la grande équipe du LS.
Suite de l'entretien publié il y a deux semaines sur notreHistoire.ch.
Eric Burgener, avec vos matchs pour l’Equipe de Suisse ou les deux institutions pour lesquelles vous avez joué: le Lausanne Sport et Servette FC, vous avez vu le foot beaucoup évolué. Qu’est-ce qu’il manque au foot actuel ?
Le tapis rouge de Wembley, c'était incroyable. Mais il y a le tapis rouge qu’on déroulait pour entrer dans le temple à mon époque et le foot anglais d'aujourd'hui qui a changé. A mon époque, on avait peu ou pas d’étrangers dans nos championnats. On pratiquait le « kick and rush » (dégagement et course vers le ballon), une action, c’est une ou deux passes et puis boom un shoot! Le foot vertical me plaît plus que le tiki-taka. Ça tourne plus autour des joueurs et ça n’avance pas assez vite pour moi. J’ai bien aimé le match du Servette FC vu dernièrement (juillet 2020) où le ballon passait par les ailes. Mais encore une fois, j’aime surtout ce football vertical, quand les ballons ne sont jamais passés en retrait... Ce n’est pas du tout mon truc la passe en retrait.
Y a-t-il un gardien de but qui vous inspire ?
En fait, je dois avouer que je suis beaucoup moins le foot ces derniers temps. J’aime beaucoup Jan Oblak à l’Atletico Madrid, toujours très bien placé… Et il y a Yann Sommer en Suisse. Roman Bürki est plus sauvage. Sommer, il est plus posé. Je les croise encore. Il faut dire que je les ai entraînés avec les sélections de moins de 15 ans. Et bien sûr je garde un œil sur Benaglio, Zuberbühler que j’ai bien connu quand je travaillais dans la sélection de Köbi Kuhn. On a fait le championnat du monde avec Zubi, ce fut une bonne campagne. Avec Kobi, il fallait bien les préparer, répéter les mouvements pour ne pas qu’ils les perdent. Il ne fallait pas trop leur causer. Ils devaient rentrer dans la compétition. Je ne voulais pas embêter Zubi mais il avait une sacrée personnalité, il fallait le freiner plus qu’autre chose.
Vous avez aussi été célèbre pour jouer avant-centre une seule fois en match officiel en 1977 sous les couleurs de Lausanne Sport contre le Servette FC, une décision de votre coach Blažević qui avait surpris à l’époque, pour ne pas dire déconcerté plusieurs personnes au club et autour...
Jouer devant, mais j’adorais ça ! Aux juniors à Rarogne (VS), je l’avais déjà fait et j’adorais vraiment ça. Je ne pouvais pas réussir dans cet exercice car je n’avais pas les qualités de démarrage et de rapidité. Au goal, tu as quand même besoin de la vitesse de tes pieds mais c’est un exercice différent. Avec le coach Miroslav Blažević, je jouais souvent devant lors des entraînements. Avec Frankie Séchehaye aussi. En 1977, on avait beaucoup de blessés. On est parti en Algérie, en camp d’entrainement. On y a passé deux semaines. Il m’a donc fait jouer avant-centre sur place. Je prenais mon pied. On a mis le gardien remplaçant au goal. Je plantais but sur but. Blažević aimait bien ce genre d’attaquants qui va sur toutes les balles, effectue des têtes plongeantes. Je pouvais utiliser mes deux pieds, ce qui facilitait les choses pour marquer. On est rentré de ce camp au mois de février. Et arrive un vendredi avant un match, « Blažé » me dit alors « demain, t’es mon centre-avant ». T’es mon meilleur attaquant, je mets Guy Burren au goal. Il était bon. Première mi-temps, ça s’est bien passé. Et pendant la deuxième ça a sacrément mal tourné pour nous. Je me souviens d'avoir mis un plat du pied, un shoot bien pensé. Je portais le numéro 10 ce jour-là pour la première fois en match officiel. Le score final fut de 7 à 3 le 27 février 77 à la Pontaise pour Servette. En championnat, ce fut mon seul goal. J’en ai inscrit plusieurs lors de matchs amicaux.
Il y a un autre match important dans votre histoire et celle du LS, c’est la Coupe Suisse en 1981, face à Zurich.
C’est un match hitchcockien contre le grand Football Club Zurich. On était tous tendus. C’est grâce à Robi Kok qu’on s’extirpe. Il y a ces deux buts de Stefano Crescenzi qui sont décisifs. J’ai fait quelques trucs pendant le match. Il y a beaucoup d’intensité, de la pression. Mais on voulait la gagner. Mon rôle, c’était d’être la voix de la défense avec Gabet Chapuisat.
Comment avez-vous travaillé avec Gabet justement ?
J’ai profité beaucoup de son expérience. Il connaît tellement bien le foot. Gabet avec le ballon, il savait se placer et jouer, c’était du pur génie. Mais il a fini par disjoncter. Lorsque toute l’équipe et moi avons décidé de ne plus jouer avec lui en l’écrivant dans une lettre, il m’en a voulu à l’époque. Mais il m’a invité à ses 65 ans à Perroy. Il y avait septante personnes, aucun joueur du LS qui avait signé cette lettre. Sauf moi. « J’ai invité un seul bandit… un seul des treize salopards » a-t-il dit (sourires). Mais il n’a pas fait tout juste non plus. Gabet aurait dû faire une carrière bien plus grande. Les mêmes causes ont eu les mêmes effets, vous auriez pu demandé à Timo Konietzka l’entraîneur du FCZ ou au buteur Franco Cucinotta : Gabet était un joueur extraordinaire, mais son comportement l’empêchait de passer un cap.
Lausanne Sport à a fin des années 90, vous vous y investissez en entraînant les gardiens, comment se passe cette période ?
Il y avait des stars comme le Hollandais Verlaat et le jeune Stéphane Chapuisat, « Chapi » pour les supporters. Il y avait cinq-six internationaux à l’époque. En 1999, il y a cette défaite qui fera très mal aux Lausannois en fin de championnat, contre Servette. On jouait le titre. La déroute à domicile fut cinglante : 5 à 2. Le titre s’était joué à la toute dernière journée à la Pontaise et les regards étaient tristes…
Vous vous êtes senti plus lausannois ce soir-là ?
Oui, bien sûr j’étais lausannois. Servette à l’époque, c’était la grande ville avec plus d’internationaux. Pas un club de famille mais un club au fonctionnement industriel. Ça jouait un peu plus « chacun pour soi ». Mais Servette FC, ce fut pour moi aussi quelques années avant Michel Decastel et Lucien Favre, quand j’y jouais. Il y avait une bonne camaraderie au sein de cette équipe à cette époque.
Parlons un peu du maillot du LS, de ces changements intervenus dans la communication du club ces dernières années. Le célèbre logo bleu, changé à l’arrivée d’INEOS, ce qui a fortement déplu aux fans, comme si on s’éloignait de ce qui faisait le charme du club, de son identité, vous en avez pensé quoi de tout ça ?
Je suis content qu’on ait retrouvé le logo qu’on avait à l’époque. Dans le même ordre d’idée, en 1981, notre équipementier était Le Coq Sportif, comme aujourd’hui. Ce ne le fut pas pour longtemps, pour deux ans à peine je crois. Pour moi, ce maillot du LS de 1981 est le vrai maillot de la grande équipe. Avec ces « demi-bras » en bleu foncé. Mon époque fut aussi marqué par l’arrivée d’un sponsor « Lusso », le tout premier sponsor. Avant, on n’en avait pas, le maillot était vierge. C’était une entreprise de Lausanne, installée à Monthelly, on avait toujours des bons pour des glaces. Il y eut ensuite Lada, marque de voitures et le pétrolier AGIP.
Parlez-moi des Seigneurs de la Nuit que vous avez croisés sur et en dehors des terrains, Robi Hosp et Kurt Hunziker entre autres.
J’ai joué seulement deux saisons avec quelques-uns des « Seigneurs de la nuit ». Avec Eric Polencent et le néerlandais Pierre Kerkhoffs notamment. Je me souviens surtout de Robi Hosp qui avait transpercé les filets à l’entrainement. J’ai aussi connu Kurt Hunziker (Hosp et Hunzicker feront l’objet d’un entretien croisé prochainement), ce sont les deux joueurs encore en vie qui habitent la région.
Comment avez-vous préparé et assumé l’après football ?
Après ma carrière de footballeur à Lausanne, je suis parti à Genève. J’avais travaillé chez Bertholet-Matthys puis j’ai ouvert mon entreprise avec un associé sur toute la Côte en 1981, son nom est Burgener-Oberli SA et l’entreprise existe encore. Quand je suis parti à Genève, la société s’est mise en place pendant cinq ans sur le créneau de la sécurité autour et dans des bâtiments, dans les villes et sur les routes. J’ai aussi monté une entreprise de marquage routier. J’avais fait une formation de dessinateur et de maçon. J’avais un CFC maçon à Lausanne et un autre de dessinateur en Valais. Retrouver des clients et parler de foot, ça aide pour les affaires. Quant à mon job au sein des équipes nationales suisses, il s’agissait d’entraîner des gardiens mais c’était un investissement limité. Trois jours loin avec l’équipe et rien pendant deux mois. Je ne pouvais plus prendre de responsabilités dans un club. Je ne voulais pas ne pas consacrer de temps à mon entreprise.
Recueilli par David Glaser
La première partie est consultable ici. Un article consacré à Eric Burgener sur le site enfantsduservette.ch retrace son parcours avec de nombreux détails, à lire ici.
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