Club de Jazz de Montreux 1962-1966

1962
Montreux
François Bercher

J’aimerais parler des années précédant la naissance du Festival de Jazz de Montreux.

Au début des années 60, il y avait pas mal de distractions pour les jeunes, du côté de Montreux: compétitions de groupes de Rock au Pavillon du Montreux-Palace, avec les Volcans et les Espadons de Montreux, et aussi dans le même lieu les soirées concoctées par le Club des Jeunes montreusiens, présidé par un dénommé Farine, et dont Jacques Pilet, le journaliste, était membre.

Au cours d’une de ces soirées Jacques Pilet nous avait fait un show basé sur des bandes magnétiques bricolées par lui-même, utilisant la voix monocorde du speaker de l’Agence Télégraphique Suisse de Berne pour lui faire dire des trucs complètement loufoques, tel que le mariage du Pape...

Et il y avait le Club de Jazz de Montreux, présidé par Claude Nobs, dont je suis devenu membre en 1962. À l’époque, nous nous réunissions dans un vaste galetas situé près du Caveau “Chez Fanchette” à la Rue Industrielle. Nous passions nos soirées à écouter du Jazz, en buvant quelques bières et en discutant des mérites de l’un ou l’autre des artistes écoutés. Il y avait là Claude, bien entendu, qui avait déjà une belle collection de disques et de bandes magnétiques et qui était employé de l’Office du Tourisme de Montreux, et dix à quinze membres dont Jerry Miauton, Kurt Fleury contrebassiste amateur, Bernard Michel, Danielle Spinner, Marie-Claire Badan, Jean-Claude Musso, et quelques autres dont le nom m’échappe.

La musique adoucissait les moeurs, mais pas celles des voisins de notre local, ce qui nous a forcé à nous replier début 1963 du côté de Territet, chez Claude Nobs à l’avenue de Chillon.

Plus de problèmes, les parents de Claude étaient propriétaires de la maison, donc nous pouvions écouter notre musique à un niveau “convenable”.

Nous nous réunissions 1 ou 2 fois par mois, et avions pris l’habitude de présenter, chacun son tour, comme thème de la soirée soit un musicien ou un style ou même une époque. Nous avions la chance, bien que chacun disposait généralement d’une discothèque assez fournie, de pouvoir “piocher” dans celle de Claude qui possédait déjà plus d’un millier de 33t (en 1963...), et une multitude de 45t qu’il empilait, grâce à leur gros trou central, sur des bâtons de ski !

En 1964, Claude, grâce à ses voyages pour le compte de l’Office du Tourisme, a pu nouer des contacts avec deux passionnés de Jazz allemands, Horst Lippmann et Fritz Rau, et surtout à attirer leur tournée “American Folk Blues Festival 1964" à Montreux !

Gros boulot pour les membres du Club, car il fallait tout organiser, faire de la pub, envoyer des invitations aux nombreux pensionnats de la région, etc.

Mais la récompense fut à la hauteur de nos espoirs: Sonny Boy Williamson, Sunnyland Slim, Hubert Sumlin, Howlin' Wolf, Lightnin' Hopkins, l'harmoniciste Hammie Nixon, le chanteur et guitariste Sleepy John Estes, le batteur Clifton James jouèrent devant une salle comble au Casino de Montreux !

Re-belote en 1965 ! Cette fois nous eûmes le plaisir d’avoir la tournée “American Folk Blues Festival millésime 1965" avec le guitariste Buddy Guy, J.B. Lenoir, les pianistes et chanteurs Eddie Boyd et Roosevelt Sykes, la chanteuse Big Mama Thornton, l'harmoniciste Doctor Ross, John Lee Hooker, Big Walter Horton, les chanteurs et guitaristes Jimmie Lee Robinson et Fred McDowell et le batteur Freddy Below. Et de nouveau un immense succès, toujours au casino de Montreux.

Pendant ces années, nous continuions nos soirées à thème, tout en admirant le dernier joujou de Claude, une rutilante voiture Lagonda bordeaux...

Fin 1965 l’ambiance au sein du Club de Jazz de Montreux devint plus difficile, pour différentes raisons: d’une part il se créa des “chapelles”parmi les membres, centrées sur des styles de Jazz très différents: les fanas de Free Jazz ne voulaient plus entendre parler de Be-Bop ou de Blues, et réciproquement, ce qui amena son lot de démissions et d’anathèmes...

D’autre part, Claude, qui voyait plus grand et plus loin (déjà visionnaire...) avait pris des contacts avec la Radio Suisse Romande et son gourou du Jazz Willy Leiser, estimant (à raison) que notre petit groupe n’avait pas le souffle ni la disponibilité pour organiser un “vrai” Festival de Jazz. Plusieurs membres furent déçus et se sentirent minimisés de ne pouvoir participer à la grande aventure qui s’annonçait.

C’est ainsi que mourut le Club de Jazz, mais aussi que naquit le Festival de Jazz de Montreux.

François Bercher

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François Bercher
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17 avril 2019
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