Histoire d'un Horloger, récit de vie de G.F. Roskopf_11
Histoire d'un Horloger, récit de vie de G.F. Roskopf
Claire Bärtschi-Flohr_juillet/novembre 2013
J'ai écrit ce texte pour le raconter à un public venu écouter des Histoires Horlogères.
Intriguée depuis plusieurs années par ce personnage rencontré dans le roman de Liliane Roskopf : « Une Histoire de Famille » et fort peu connu à La Chaux-de-Fonds, j'ai pensé qu'il serait intéressant de raconter la trajectoire de ce chaux-de-fonnier éminent. Je me suis principalement documentée en visitant l'exposition qui se tient actuellement au Musée International de l'Horlogerie et en lisant son catalogue.
Je vous conseille vivement de venir visiter à votre tour l'exposition « La drôle de montre de Mr. Roskopf ».
En 1829, un jeune homme de seize ans, qui ne connaît pas un mot de français, s'installe à La Chaux-de-Fonds. Il arrive de la Forêt Noire, au sud de l'Allemagne, où son père est boucher-hôtelier. Il vient faire un apprentissage de commerce et apprendre la langue chez « Mairet et Sandoz », qui vendent des fers et métaux et fabriquent des fournitures pour l'horlogerie.
Dans cette entreprise, notre jeune homme, Georges Friedrich Roskopf, découvre le métier d'horloger. Ce métier le passionne, ce métier le fascine. Après avoir passé quatre ans chez « Mairet et Sandoz », il entreprend un apprentissage d'horloger de deux ans dans l'entreprise « J. Biber ». A cette époque, il n'y a pas encore d'école d'horlogerie, ni au Locle, ni à La Chaux-de-Fonds, ni à Bienne. A La Chaux-de-Fonds, sur 10.000 habitants, la moitié travaille dans l'horlogerie.
En 1835, à 22 ans, Georges Friedrich rencontre Françoise Robert, une riche veuve, de 16 ans son aînée, et sans doute encore très avenante et charmante car très tôt après le mariage, un enfant naît qu'on appelle Fritz Edouard. La famille de la jeune femme n'apprécie guère ce mariage et beaucoup de gens pensent que Georges Friedrich s'est mis les pieds au chaud, comme on dit. Mais notre jeune homme est un garçon travailleur, sérieux, et il se montrera digne de l'argent investi pour lui par sa femme.
Georges Frédéric Roskopf, a francisé son deuxième prénom pour mieux s'intégrer, mais le mariage ne lui a pas donné la nationalité suisse. Néanmoins, riche de l'argent de sa femme, il devient, à 22 ans, son propre patron. Il achète une maison et ouvre un comptoir d'établissage à la Grand-Rue, au numéro 18, devenue depuis l'Avenue Léopold Robert.
Un comptoir d'établissage, c'est l'horloger à l'établi. Il est son propre maître. Il rassemble les divers composants d'une montre, il en effectue le montage, le réglage, le peaufinage et il la vend.
Françoise, la femme de Georges Frédéric, a, elle aussi, une passion. Elle adore les roses. Elle les cultive avec amour dans son jardin et participe chaque année à des concours.
Dès 1850, sans délaisser son établi, Georges Frédéric travaille pendant plusieurs années comme co-directeur chez « Güttmann », entreprise horlogère où il améliore ses connaissances.
C'est relativement tard, à l'âge de 54 ans, en 1867, qu'il crée, après bien des recherches, la montre du Prolétaire. Il en a eu l'idée un soir, en revenant du Locle. Quel drôle de nom ! La montre du Prolétaire ! Georges Frédéric n'est probablement pas socialiste, mais les idées socialistes sont très en vogue alors et elles l'ont sûrement intéressé et influencé. Il réussit à mettre au point une montre solide, simple, composée de 57 éléments seulement. Il la vend 20 francs. Son intention est philanthropique : il veut que chaque ouvrier puisse s'en payer une. Il existait déjà des montres bon marché. Mais c'était de la camelote. Elles ne marchaient que quelques semaines. Celle de Roskopf est solide et précise.
Par comparaison, une montre or, avec des complications savantes, telle que les horlogers chaux-de-fonniers mettent leur fierté à la fabriquer, se compose d'au moins 150 à 200 éléments et coûte 10 fois, voire 30 fois plus que celle de Roskopf. Ces mêmes horlogers chaux-de-fonniers se moquent d'abord de cette montre de l'OUVRIER, puis leurs moqueries se transforment en hostilité déclarée quand le célèbre Louis Bréguet, petit fils d'Abraham, en fait l'éloge lors d'une grande exposition parisienne.
Moqueries ; hostilité ; Georges Frédéric en est très malheureux. Le succès de sa montre l'intéresse moins que le désir d'être un horloger reconnu par ses pairs. Aussi, en 1874, après la mort de sa femme, il remet son affaire à son unique collaborateur, Charles-Léon Schmid, qui s'associe à deux autres industriels, les frères Wille, dont l'entreprise se trouve à la rue Alexis-Marie-Piaget, près du Bois du Petit Château.
Georges Frédéric quitte La Chaux-de-Fonds. Entretemps, il a fait la connaissance d'une jeune institutrice du Val de Ruz qu'il épouse. Grâce à ce deuxième mariage, il acquiert la nationalité suisse. Georges Frédéric emmène sa femme vivre à Berne. Il ne reviendra jamais à La Chaux-de-Fonds. Il meurt à Berne en 1889.
Sa montre, elle, connaît un succès considérable. Elle correspond bien aux attentes de l'époque, qui veut produire beaucoup et bon marché. Au début, les frères Wille ont le monopole. Mais la montre n'est pas protégée par un brevet et très vite le système Roskopf est imité et adopté par un grand nombre d'entreprises, en particulier suisses-alémaniques. Je vous passe toutes les tribulations de ces différentes entreprises et le détail des procès que cette montre a provoqués.
Dès le début du XXème siècle, cette montre bat tous les records d'exportation de montres suisses. Car il ne faut pas croire que la Suisse ne vend alors que des montres de prix. On fabrique maintenant des montres bracelet, des montres simples, bon marché, produites en masse, qui sont un des principaux secteurs de l'industrie horlogère suisse jusqu'à la crise des années 70. Dans les années 1960, 16 millions de montres Roskopf étaient exportées chaque année. Puis, la montre mécanique fut détrônée par la montre à quartz.
(en couverture du récit : programme de l'exposition temporaire du Musée International d'Horlogerie, La Chaux-de-Fonds).
Je citerai pour terminer l'arrière, arrière petite fille de Georges Frédéric, Liliane Roskopf. Elle a imaginé et recréé le personnage de cet arrière, arrière grand-père qu'elle connaissait mal.
« Il est surprenant au premier abord que dans cette cité ouvrière, aux idées sociales avancées, l'invention de mon aïeul ait été rejetée. Mais en y réfléchissant, on peut comprendre que les horlogers chaux-de-fonniers, si fiers de leur savoir faire, si fiers de créer des montres en or, aux mouvements compliqués, réservées à une élite, n'aient pas pu accepter l'exploit technique et la révolution sociale que représentait la montre du prolétaire".
Merci Sylvie ! Et faites un saut jusqu'à La Chaux-de-Fonds si vous en avez l'occasion !!!
Dans la très belle série "Trésors de mon pays" aux Editions du Griffon, l'ouvrage consacré à la Chaux-de-Fonds, nous dit : "...Sur la façade de l'immeuble désigné par le numéro 18 de l'avenue Léopold-Robert, une plaque rappelle que : « La première montre Roskopf a été fabriquée dans cette maison en 1867 par son inventeur G.-F. Roskopf..."
Le récit de Liliane Roskopk m'a captivé ! j'ai aimé le ton intimiste avec lequel elle parle de son arrière grand-père Georges-Frédéric, mais plus encore au portrait si attachant de son grand-père oiseleur. Merci Claire pour ce partage si enrichissant.
J'ai aussi bien aimé ce livre. Elle a créé des personnages plausibles et attachants. Merci Sylvie.
Bonjour, je m'appelle Benoît Schmid et mon bisaïeul s'appellait Charles-LEON Schmid et non pas Charles-LOUIS- Schmid comme écrit dans cet article. Je suis très interréssé par tout ce qui touche à Roskopf, donc Wille- Schmid par après et si qq'un connait un vendeur d'une monre vve Charles-léon Schmid, je serais très intéressé. A dispo : toutes les affiches de l'expo du MIH que le conservateur m'a fait le plaisir de me mettre sur un dvd. A tous les Roskopfiens, une joyeuse Pâques. B. Schmid Sauges 1 CH 2054 Chézard email : grasdouble@romandie.com
Bonjour et merci pour votre message. J'ai corrigé le nom de votre bisaïeul. Mille excuses ! L'exposition du MIH était vraiment passionnante. Je garde vos coordonnées et me permettrai de vous donner des informations si cela se présente. N'hésitez pas à faire de même ! Joyeuses Pâques à vous aussi.
Bonjour Sylvie, en relisant mon article, j'ai relu également votre commentaire et je m'aperçois que je ne vous ai jamais répondu. Je suis confuse !!! Pourtant, je voulais vous signaler que le numéro 18 de la rue Léopold-Robert a été démoli dans les années 1980 (pour y construire les grands immeubles bruns tout près de la tour Espacité). Comme je possède l'ouvrage sur La Chaux.-de-Fonds dont vous parlez, j'ai essayé de retrouver votre citation. J'ai un numéro ancien, des années 1950, écrit par André Tissot. Pourriez-vous me dire dans quelle édition la citation se trouve, je n'arrive pas à la retrouver dans mon exemplaire. A l'occasion, quand vous aurez un moment ! Mais n'attendez pas autant que moi pour me répondre !!! Bonne journée. Bien cordialement. Merci d'avance
Bonjour Claire, Il se peut que cette citation se trouve dans l'ouvrage " l'Histoire de la Chaux-de-Fonds inscrite dans les rues " Auteur : Thomann, Charles Collection Trésors de mon pays; 122 Je regarde au plus vite, et vous donne réponse. Bon week-end. Cordialement.
Merci d'avance Sylvie, mais prenez votre temps.... Cela ne presse pas..... Bon dimanche.
Voilà, Claire, après vérification, il s'agit bien de l'ouvrage : L'Histoire de La Chaux-de-Fonds inscrite dans ses rues / texte de Charles Thomann, photographies de Fernand Perret. Collection Trésors de mon pays 122 Editions du Griffon, Neuchâtel, 1965 Le texte concernant Georges-Frédéric Roskopf se trouve au chapitre VII, pages 96.
Merci Sylvie, La Chaux-de-Fonds a beaucoup changé depuis 1965 ! L'immeuble n'existe plus, comme déjà dit. Quant à la plaque je ne sais pas où elle peut se trouver. Je sais qu'il est question de bientôt attribuer le nom d'une rue à Roskopf. Mais quand ? Ce serait bienvenu. Je vous souhaite une belle journée ensoleillée. Merci encore.