En classe: l'art de la triche
Sur les bancs de l'école qui n'a jamais lorgné sur la feuille de son voisin ou de sa voisine ? Cette tentation scolaire, ce flirt avec l'interdit, est souvent inhibée par la peur d'être démasqué et puni. Mais quelle est l'histoire de la triche en Suisse romande ? Revenons à l'époque où elle s'organisait sur des billets astucieusement dissimulés plutôt qu'avec chatGPT.
Une fuite massive lors du bac de 1964
La question de la triche défraie la chronique à l'été 1964, lorsqu'en France une importante fuite au baccalauréat est détectée à Marseille. D'une ampleur inédite, elle pousse l'Éducation nationale à enquêter.
En Suisse, cette affaire ébranle aussi les milieux scolaires. L'hebdomadaire Domaine Public s'en fait l'écho en 1965. Le journal relate la tenue d'une expérience pédagogique révolutionnaire qui consiste à laisser aux étudiants leurs livres pendant les épreuves. L'idée qui sous-tend la proposition est simple:
[Dans] la vie, l'ancien étudiant disposera de documents. Pourquoi l'en priver à l'examen? Encore faudrait-il qu'il ait appris à les utiliser et qu'il dispose pour le faire d'une vraie culture générale.
La tricherie de Marseille ouvre la voie à la pratique de la pédagogie inversée qui responsabilise les élèves en les rendant acteurs de leur apprentissage.
Vol d'examens au Collège Calvin de Genève
En mars 1966 , la police met en fuite des groupes d’élèves de seconde latine qui cherchent à pénétrer de nuit dans les locaux du collège au moyen de fausses clés.
A la suite de cet incident, une enquête montre que des textes d’examens ont été volés. Ce scandale fait grand bruit et huit élèves sont définitivement exclus de l'établissement.
La triche à l'épreuve de la morale
Avant les événements de mai 1968, l'école comme l'Église incarnent encore une autorité forte au sein de la société. En novembre 1965, le Journal du Jura condamne fermement toute forme de fraude.
Les enseignants sont responsables de l'état moral de leurs classes. Leur rôle de rempart contre l'adversité du monde doit s'exprimer avec fermeté, il en va du bien être des société, comme l'affirme cette citation :
L'indulgence des parents et des éducateurs à l'égard des diverses formes de la tricherie est, à notre sens, une véritable plaie sociale, qui finit par peser sur l'esprit même d'un peuple.
Comment parlons-nous de triche ?
Dans un autre registre, la Suisse romande ne parle pas de la triche de la même manière de Genève à Delémont. Mathieu Avanzi, linguiste à l'Université de Neuchâtel, a élaboré une carte des différentes manières de parler des billets de sèche.
Et vous, quelles étaient vos astuces pour tromper la surveillance des enseignants ? Partagez vos secrets en commentaire de ce récit. Promis, on ne dira rien :-)
Sources
"Une expérience pédagogique par la tricherie", in Domaine public, n°41, 1965 (E-periodica, consulté le 15.06.2023: e-periodica.ch/cntmng?pid=dop-...)
"Tricherie: une plaie sociale", in Journal du Jura, 6 novembre 1965 (E-Newspaper, consulté le 15.06.2023:e-newspaperarchives.ch/?a=d&am...)
"Genève : Cambriole et mascogne au Collège", in La Sentinelle, (E-Newspaper, consulté le 15.06.2023:e-newspaperarchives.ch/?a=d&am...)
Mathieu Avanzi est Professeur ordinaire de linguistique à l'Université de Neuchâtel. Il tient un blog "Le français de nos régions" qui décortique les mots de la langue française. On peut aussi découvrir les nombreuses cartes issues de ses recherche sur instagram.
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