Maison du facteur des Salines  de Roche à Salins

Maison du facteur des Salines  de Roche à Salins

27 avril 2012
Philippe Chappuis

Le sel a joué un rôle majeur dans l'histoire de l'homme. "Des besoins universels face à la répartition inégale des lieux de production firent du sel un produit de grande importance historique par son commerce et les routes de celui-ci (viae salariae), par les spéculations politiques auquel il donna lieu, ses incidences sociales et les valeurs symboliques qui lui sont attachées (DHS) " Posséder une source d'eau saline représentait donc un grand pouvoir. C'est ce qui a convaincu leurs Excellences de Berne, alors maître du Pays de Vaud (1536-1790) à devenir propriétaire des sources de Panex et des salines de Roche, ce qui leur assurait une autonomie dans ce domaine. En 1554 était découverte la source salée de Panex, sous le gouvernement d'Aigle, alors bernois. Une saline pour cuire la saumure fut construite à Roche (VD) en 1582.

Le village de Roche était connu par grands magasins à sel . Leurs LL.EE. y faisaient transporter tout le sel exploité à Panex, à Ollon et à Bex. et l'on trouvait à cet endroit, déjà avant 1630, un intendant ou facteur des sels. A la création des Salines de Roche, douze kilomètres de conduites en bois, à travers les vignobles d'Aigle et de Roche. La conduite qui amenait l'eau, était percée par des fontainiers au moyen de gros perçoirs à bras. Il fallait choisir des bois bien droits, surtout des mélèzes. Les ouvriers les plaçaient sur le parcours en évitant les contre-pentes, qui auraient provoqué des dépôts de sel ou de terre.. Une partie du sel était acheminée sur le port de Villeneuve (in Dictionnaire historique du Canton de Vaud, par Eugène Mottaz, 1921)

Leurs Excellences de Berne, alors maître du Pays de Vaud (1536-1790), pour assurer leur approvisionnement en sel, achetèrent les Salines vaudoises en 1678 et développèrent la production du sel. D'abord affermée (à des patriciens bernois, puis à des étrangers, notamment aux Zobel d'Augsbourg), l'exploitation passa en régie en 1685 et fut confiée au début du XVIIIe siècle à un directeur général, parmi lesquels, le naturaliste **Albrecht de Haller (1708-1777). Il fut directeur des salines à Roche (VD) de 1758 à 1764 et vice-gouverneur d'Aigle en 1762-1763. En 1731, il s'était fait construire, à Aigle, une maison avec ferme attenante qui se trouve encore au 31 du chemin des Salines. Sur NH ce document de Robert Horvay montre une autre image de cette maison

A. de Haller eu le temps, pendant son activité de Directeur des Salines, de rédiger un livre, Description coutre et abrégée des Salines du Gouvernement d'Aigle, dans lequel il décrit avec suffisamment de détails, les sources présentes à cette époque, celle de Bex-Vieux, cette de Panex et celle sous le Chamossaire. Les canaux de conduite sont étudiés ainsi que les bâtiments de graduation. Le feu et la cuite sont abordés ainsi que l'apport des bois nécessaire à cette activité.

Cette maison, se trouvant à proximité des sources de Panex, fut construite par les Bernois en 1721 pour y loger le facteur ou intendant des Salines et contenait des locaux pour la graduation des eaux des sources salées présentes à proximité. Effectivement, le problème rencontré était la relativement faible concentration du sel dans l'eau de source. Il fallait donc trouver des solutions pour favoriser l'évaporation de l'eau. Pour obtenir un kilo de sel, il fallait évaporer 48 litres d'eau, ce qui rendait l'évaporation directe impossible.Toute une préparation se faisait avant de la livrer aux chaudières, c'était la graduation. Il y avait des grands hangars, avec des immenses bassins remplis de paille, sur laquelle on déversait l'eau, une partie de terre et de tuf s'attachait à la paille. Cette eau, répartie sur une grande surface, s'évaporait et cette liqueur salée était rendue plus forte, mais pas plus que 8 ou 9% de sel. Il fallait donc activer l'évaporation par chauffage au bois. Le bois ne manquait pas au-dessus de Roche, dans les forêts de la Joux-Verte, mais il fallait l'acheminer aux Salines de Roche.

Philippe Chappuis
Fonctionnement du barage-écluse de la Joux-Verte
Fonctionnement du barage-écluse de la Joux-Verte

Ce dessin se retrouve avec des informations intéressantes dans l'article de Albert Hahling qui a été publié dans la revue Minaria N°3-1983 sous le titre: Au coeur des Préalpes du District d'Aigle, barrage-voûte historique dans le sillage de l'exploitation vaudoise du sel

On apprend que le torrent de l'Eau-Froide fut utilisé pour un flottage un peu vertical (dénivelé de 900 m !) de façon ingénieuse. En 1695, un barrage-écluse a été construit sur le cours supérieur de l'Eau-Froide (en-dessous du lieu-dit En Folliaux, à 1299m) mais il ne servira jamais de retenue hydroélectrique. Il permettait de contenir l'eau destinée à précipiter de la montagne les énormes quantités de bois nécessaires à l'extraction et à la production du sel (extrait de texte et illustration in 300 ans du barrage-écluse de la Joux-Verte) .

Dans cet article DHS sur Roche, cette illustration de l'Eau-Froide.

Autre source utilisée, Panex histoire du sel.

Vous devez être connecté/-e pour ajouter un commentaire
  • Renata Roveretto

    Enfin un bon historique, plutôt que juste une visite touristique dans un trou noir qui sent le soufre et qui vous en informe que peu en comparaison.

  • Philippe Chappuis

    C'est un luxe qu'en ayant du plaisir à étudier et à approfondir un sujet comme celui-ci, si vaste, j'aie en plus le plaisir de recevoir un commentaire de satisfaction ! Merci !

  • Michel Guex

    En 1977, lors d'une balade avec nos enfants du côté de Salins, nous avons rencontré, à l'entrée d'une "caverne" le directeur du Musée du sel, M. A Hahling, qui sortant de "terre" avec un petit groupe. Abandonnant le groupe, il nous a fait pénétrer dans la montagne par un couloir en tout point semblable à celui des salines de Bex, jusqu'à une immense chambre taillée dans le rocher. Nous avons eu droit à de nombreuses explications sur l'exploitation du sel. En ce qui concerne Salins, l'eau salée - qui l'était peu malgré le passage par les bâtiments de graduation dont il reste un pilier à proximité - ne pouvait pas être acheminée jusqu'à roche en hiver, Elle était donc stockée pendant la saison froide dans cette caverne d'une capacité d'environ 2000 m3. Il y a trois photos sur notrehistoire.ch/@guex_h

  • Philippe Chappuis

    Merci de votre très sympathique réaction et l'idée d'une balade à la découverte de la nature, en famille, me plaît beaucoup, et trouver un guide "sortant de terre" qui vous conduit dans les entrailles de la terre doit laisser des souvenirs... Albrecht de Haller le directeur des mines de Roches écrit au sujet de ce réservoir : "Dans le même but qu'à la montagne du Fondement, on a creusé beaucoup plus bas dans la pierre grise, un grand réservoir pour la source, qui est pour la plus grande partie carrée, & contient cent six mille pieds cubes ayant deux cent quarante-cinq pieds de long cent soixante-quatre de large, & plus de sept pieds de haut. On y met en réserve la source en hiver, parce qu'autrement elle gèlerait à cause de sa faiblesse, & on l'y peut garder quelques mois". (dans Description coutre et abrégée des Salines du Gouvernement d'Aigle, upload.wikimedia.org/wikipedia... )

    • Michel Guex

      Oui, le souvenir est encore très présent dans nos mémoires, même si le dernier de nos petits-enfants a dix ans de plus que n'en avait notre fille à l'époque. M. Hahling nous avait dit que le travail de la mine, si dur qu'il ait été, était pour beaucoup préférable au service étranger...
      Si vous jugez l'une ou l'autre des photos que j'ai postées sur ma page digne d'intérêt pour votre page vous avez toute liberté de la ou les charger. Et bravo pour la richesse de votre collection, dont vous faites profiter tous ceux qui s'intéressent à notre histoire.

Philippe Chappuis
2,198 contributions
25 février 2020
431 vues
1 like
0 favori
5 commentaires
0 galerie
Déjà 2,756 documents associés à 2010-2019