Pharmacie de Saint-Bernard à Moudon en 1997
Pharmacie de Saint-Bernard à Moudon en 1997
" Par la qualité artistique de son décor et l'authenticité de son aménagement, resté intact depuis plus d'un siècle, la Pharmacie de Moudon se range parmi les plus belles pharmacies de la Suisse Romande".
C'est ce qu'affirme l'historienne de l'art monumental Monique Fontannaz en conclusion de son travail sur l'agencement de la Pharmacie Saint-Bernard de Moudon paru en 2018 dans le 8ème numéro de la revue "Monuments Vaudois". En voici, avec son accord, des extraits:
La maison du XVIIIe s.qui subsiste en partie à l'intérieur du bâtiment actuel, rue St-Bernard 1, a été construite en 1774 par Pierre-Siméon Busigny, capitaine au service de l'Angleterre. En 1782, le pharmacien Antoine Chollet installe son officine au rez-de-chaussée de l'immeuble donnant sur la rue Grenade. Il commande cette année-là un beau mobilier en cerisier, exécuté selon ses plans par les menuisiers-charpentiers Moïse et Jean-Daniel Thomas de Moudon.
En septembre 1833, des travaux de nivellement de la rue Grenade mettent en danger plusieurs bâtiments , dont la maison de Samuel Chollet , fils d'Antoine et lui aussi pharmacien, et sa voisine donnant sur le carrefour de la rue St-Bernard, l'ancien logis de l'Aigle. Celui-ci est démoli en partie par la commune qui fait élever une fontaine monumentale sur la place ainsi dégagée /.../.La maison et la pharmacie passent en 1846 à François, fils de Samuel Chollet
A sa mort en 1871, la pharmacie est confiée à des gérants jusqu'à ce que son fils Paul Chollet (1852-1890) la reprenne en 1875.
En 1890, l'immeuble est acquis par Jean-Marc-Daniel (dit Jules) Peter, boucher installé à la Grand-Rue 11, frère du chocolatier Daniel Peter. Louis, fils de Jules exploite la pharmacie dès 1891. Otto-Wilhelm Feihl reprend la pharmacie en 1920 et achète la maison en 1927.
L'aménagement le plus artistique occupe la boutique sud, de plan légèrement trapézoïdal. Il se compose de 3 parois dont l'axe de symétrie est constitué par une porte, mise en évidence par un amortissement néobaroque très développé qui s'élève jusqu'au plafond, particulièrement haut. Les portes latérales en cerisier donnent sur la boutique nord et sur une niche abritant un lavabo en pierre. Dans la paroi du fond, la porte est surmontée d'un médaillon sculpté représentant un cheval cabré qui tient un écu frappé des initiales de Louis Peter. Chacune des parois se découpe en trois principaux registres horizontaux. Sur les côtés , les meubles bas sont constitués de quatre groupes de 48 tiroirs, à face en cerisier, reposant sur quatre tiroirs bas allongés. Au-dessus, les étagères peu profondes sont soutenues par des pilastres ornés de tables en relief. L'entablement très richement décoré dessine au-dessus des portes un arc en plein cintre sommé d'un médaillon en bas-relief représentant sans doute un buste de pharmacien célèbre . Au fond, les meubles à tiroirs sont remplacés par des armoires basses, les étagères par des armoires vitrées ou à miroir et les bustes par une horloge.
Cet aménagement monumental portant la marque du pharmacien Louis Peter n'est pas aussi homogène qu'on pourrait le penser au premier abord./.../ .
Dans l'attente d'investigations plus poussées de la part d'un ébéniste qualifié, on a émis l'hypothèse suivante. Les meubles de 1782 sont conservés lors des travaux de reconstruction de la façade. En 1837, ils sont adaptés à l'abaissement du sol du local tandis que le plafond reste au même niveau. Ils reposent dès lors sur un socle de tiroirs allongés. /.../. Vers 1891, Louis Peter fait poser les meubles hauts avec leurs étagères et leurs trois entablements. Il y ajoute en 1902 les armoires vitrées et les armoires basses de la paroi du fond ainsi que le médaillon avec ses initiales . De cette étape provient probablement aussi l'ancien comptoir (visible sur la photographie d'Otto-Wilhelm Feihl). Le vantail de porte Art nouveau qui donnait accès à l'arrière-boutique semble être de quelques années postérieur, tandis que ceux des portes latérales datent du XVIIIe s.
Photographie Rémy Gindroz 2018
Mais, sous l'un des rayons d'un des meubles hauts a été découvert une inscription qui laisse penser qu'ils ont été exécutés en 1872 ,ou après, par Elie Gremaud, originaire de Riaz. Ces meubles pourraient avoir été construits pour l'agencement d'une pharmacie genevoise vers 1872 par Elie Gremaud puis déplacés vers 1891 à Moudon pour l'aménagement entrepris par Louis Peter.
Dans le contexte genevois, parmi les quelques agencements conservés, in situ, à Genève, l'agencement de la Pharmacie du Carrefour-de-Rive créé en 1876 est le plus proche de celui de Moudon, mais le style du décor à motifs néo-classiques agrémentés de quelques rinceaux gravés ne correspond pas à celui de Moudon.
Pharmacie du Carrefour-de-Rive
Dans le contexte vaudois, sur le plan du style et de la richesse du décor, la pharmacie de Moudon se distance nettement de la moyenne du corpus vaudois. Les aménagements de la fin du XVIIIe s.ou du début du XIXe s. (Yverdon, pharmacie de la Place, Aigle , Aubonne) néoclassiques, sont beaucoup plus sobres.
En mai 2024, Sébastien Galliker pour le texte et Jean-Paul Guinnard publie dans 24heures un article intitulé "La Sécurité publique migre à la pharmacie historique", commençant par: "Datant de 1782, le superbe mobilier de la pharmacie Saint-Bernard, classé en note 1, servira de nouveau décor au Service moutonnais de la sécurité"
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