En 1941, un avion s’écrase sous les yeux du général Guisan
Lors de manœuvres dans la région de Sonceboz, un biplan engagé dans l'exercice s'écrase au dessus de ce village. Si les photographies du crash sont spectaculaires, les deux hommes d'équipage ont survécu.
Le 29 avril 1941, en pleine mobilisation, un avion biplan s'écrase près de l'agglomération de Sonceboz. C'est sans doute une erreur humaine qui est à l'origine du crash qui détruira complètement le biplan, mais laissera la vie sauve au pilote et à son équipier. Ont-ils été impressionnés par le présence du général Guisan? L'enquête minutieuse ne permettra pas de répondre à cette question. Retour sur cet événement qui a causé davantage de peur que de mal.
Après le crash, l'épave du C-101 est contrôlé par la garde locale (au 2e plan, le village de Sonceboz). Archives Vincent Quartier-la-Tente.
Une partie de la deuxième division est en manœuvres dans le Jura. Des appareils biplans C-35 sont engagés dans l'exercice. Ils doivent effectuer des vols de reconnaissance sur la zone concernée et renseigner les troupes au sol.
Le C-35 immatriculé C-101 (compagnie aviation 10) est engagé au profit du parti Bleu. Il reçoit la mission de survoler le secteur Bötzingerberg*-Bassecourt-La Chaux-de-Fonds-*Erlach, et, après une heure de vol, de transmettre les informations collectées au bataillon fusiliers 25. Les documents sont placés dans un sac qui doit être largué sur une cible placée dans le voisinage immédiat du village de Sonceboz. Une fois ce largage effectué, le C-101 devra rejoindre sa base et être remplacé par un autre appareil.
Aujourd'hui, ce largage de rapports de reconnaissance paraît désuet, mais, à cette époque, notre aviation militaire est très mal équipée en moyens radio embarqués. En 1939, rares sont les avions munis d'émetteurs-récepteurs au rayon d'action restreint et très sensibles aux parasites à tel point que souvent les messages sont inaudibles. Nos pilotes doivent, pour la plupart communiquer par gestes de la main avec leurs équipiers, comme le faisaient leurs prédécesseurs de la Grande Guerre! De ce fait, les C-35, appareils de reconnaissance et d'attaque au sol, ne possèdent pas, tout au moins au début de la guerre, d'émetteurs-récepteurs de bord.
Mauvais axe d'approche
En raison de la configuration géographique tourmentée du secteur de Sonceboz, il semble qu'un axe d'approche de la cible Est-Ouest ait été ordonné, lors du briefing, aux pilotes engagés.
Quelques minutes avant l'accident, le biplan C-35, immatriculé C-101, survole Sonceboz. Archives Vincent Quartier-la-Tente.
Cependant, après une heure de vol, le C-101 *s'approche de Sonceboz, mais dans l'axe Ouest-Est. La cible est repérée et le pilote (le lieutenant Alcide B.) fait descendre l'appareil à une cinquantaine de mètres du sol. Le sac de documents est largué par l'observateur (le lieutenant André H.). Le pilote remet les gaz et tire sur le manche pour remonter, mais il constate immédiatement qu'il n'aura pas assez de puissance pour franchir la crête qui lui fait face. Il vire alors rapidement vers la gauche afin de tenter un virage à 180° qui lui permettrait de revenir dans l'axe de la vallée en direction de l'Ouest. Malheureusement, l'appareil vole trop bas et le virage effectué diminue encore sa puissance. Le C-101 va toucher la pente située dans le virage en épingle de la route Sonceboz-*Pierre Pertuis, sous la forêt du Droit. Puis, après avoir glissé sur une quarantaine de mètres, il tourne à droite et percute un talus qui stoppe sa course. Cette glissade initiale sur l'herbe aura l'avantage de provoquer une désintégration relative et progressive de l'appareil en perdition, évitant ainsi des blessures graves ou mortelles à son équipage. Secourus rapidement, les deux officiers vont être conduits à l'hôpital de Bienne où ils sont pris en charge. Ils souffrent tous les deux d'une commotion cérébrale, de blessures au visage (fracture ouverte du nez pour le pilote, déchirure de la lèvre inférieure avec plaie béante pour l'observateur), blessures aux mains et aux genoux, nombreuses contusions et ecchymoses sur les membres et le cou.
Après le crash, l'épave du C-101 (à droite, la roue gauche). Archives Vincent Quartier-la-Tente
Une enquête sera ouverte afin de connaître les causes de ce crash. Un expert des accidents d'aéronefs, le professeur Robert Gsell, va établir un rapport très complet sur l'accident du C-101 (Cote E 27/15889. Archives fédérales à Berne).
Dans les grandes lignes, il s'avère que c'est l'axe d'approche de la cible choisi par le pilote (Ouest-Est), lié à une altitude trop basse du C-101 au moment du largage, qui est le déclencheur de l'accident de Sonceboz. Ce village est situé à une altitude moyenne de 650 mètres. Lorsque le C-101 largue le sac de courrier, il survole la cible à une altitude estimée entre 30 et 50 mètres. Après le largage, s'il veut conserver son cap, il doit impérativement grimper à une altitude de plus de 1200 mètres en quelques centaines de mètres afin de franchir Le Brahon (1117 mètre), un alpage situé au-dessus des Côtes du Locle et de la forêt des Chenevières. C'est mission impossible! Le pilote l'a immédiatement compris puisqu'il vire instantanément vers la gauche.
Le moteur du C-35. Bien visible, le canon 20 mm dans le capot de l'hélice à laquelle il manque une pale. Archives Vincent Quartier-la-Tente
Pourquoi a-t-il choisi cet axe d'approche alors que l'axe inverse avait été ordonné? Plusieurs hypothèses sont possibles: le jeune pilote (24 ans) a-t-il oublié l'ordre reçu ou alors a-t-il choisi cette approche lui permettant de larguer avec plus de précision sa charge sur la cible? Il faut également noter la présence sur place du général Guisan, qui assiste à ces manœuvres, et cela pourrait expliquer le souci de l'équipage de réussir au mieux la mission reçue. Interrogés après l'accident, les deux officiers, commotionnés, disent ne plus se souvenir de ce qui s'est passé entre l'instant du largage et le crash.
Pour en savoir davantage
Jean-François Nussbaumer, Dimitry Queloz, Hervé de Weck, Jura et Jura bernois...: aviation civile et militaire, guerre aérienne 1900-2012, Delémont, 2013, p. 158-159.
© Passé simple. Mensuel romand d'histoire et d'archéologie / www.passesimple.ch
Téléphonie en Anniviers
D'après Paul-André Florey, qui a écrit un ouvrage notable sur le bourg médiéval de Vissoie, le télégraphe fut introduit dans le val d'Anniviers en 1876, suivi par le téléphone en 1899.