Est-il besoin de présenter "notre Hugues Cuénod national", ce diable de musicien...
"[...] Quand il parlait de son enfance, Hugues Cuénod disait se souvenir du bruit des voitures à cheval sur le pavé. A sa mort, survenue le 6 décembre à Vevey (Canton de Vaud), le ténor suisse aura donc connu deux guerres mondiales, le Concorde, les baladeurs numériques, le Wifi et les téléphones portables. Ce délicieux excentrique se sera même, en 2007, "pacsé" avec son compagnon - de près de quarante ans son cadet - après quelque vingt-cinq années de vie commune. On lui avait demandé la permission de dire qu'il vivait avec un homme dans un portrait rédigé à l'occasion de ses 100 ans, en 2002 : "Mais bien sûr ! J'aime surtout le dire aux gens coincés, d'un ton très naturel. Ils ne sont pas obligés de s'imaginer ce qui se passe vraiment, c'est leur affaire !"
Car Hugues Cuenod se disait "coquin" mais n'aimait pas choquer. Comme le psychanalyste Jacques Lacan révélant à des privilégiés le tableau masqué L'Origine du monde, de Courbet, "Huguie", comme ses proches le surnommaient, faisait entendre à des amis au parfum sa contre-facture pornographique du poème d'Aragon Les Ponts de Cé, qu'il avait réenregistré sur sa propre version de la mélodie de Francis Poulenc sur ce texte. Mais il eût probablement été horrifié à l'idée qu'on la rende publique.
Hugues Cuenod avait un don pour "la vie, la légèreté et la paresse", assurait-il. Mais il abusait de l'autodénigrement, n'y résistant jamais si c'était l'occasion d'un bon mot. Ainsi, quand on lui demandait comment il avait pu faire ses débuts au Metropolitan Opera de New York, dans le rôle du Vieil Empereur de Turandot, de Puccini, en 1987, à 85 ans, et chanter encore pendant quelques années, il répondait : "Comment pourrais-je avoir perdu ma voix puisque je n'en ai jamais eu ?"
Drôle de voix, en effet, que celle de ce "diable de musicien", comme le caractérise Jérôme Spycket, son biographe (Un diable de musicien : Hugues Cuenod, Payot, "Les Musiciens", 1979). Une "voix de ver de terre", ainsi que Cuenod le dit dans le cadre d'entretiens effectués entre 1986 et 1996 (Hugues Cuenod : d'une voix légère, entretiens avec François Hudry, La Bibliothèque des arts "Paroles vives", 1996) : "Je ne chantais ni baryton, ni ténor, ni rien." [...] cité de l' hommage rendu à Hugues Cuénod par René Machart dans le quotidien "Le Monde" du 10.12.2010. On ne peut pas mieux le décrire que dans cet hommage écrit par le chroniqueur Renaud Machart.
Ce dossier est destiné à collecter le plus possible de documents sur Hugues Cuénod, cette personnalité absolument remarquable de la vie musicale en Suisse Romande et ailleurs
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