Histoire de "Continents sans visa" 1959 - 1969
Observer le monde
Pour la toute jeune Télévision Suisse Romande - elle a cinq ans ! - 1959 inaugure une décennie de vitalité particulièrement énergique qui la verra être admise parmi les meilleurs organismes télévisuels de service public d'information en Europe.
Au sein de son personnel, certains réalisateurs bienformés ont l'ambition de développer leur domaine d'activité du moment à des dimensions planétaires ! Quelle audace de prétendre vouloir capter l'adhésion intéressée des quelque 18'888 concessionnaires de l'époque qui les font vivre grâce à la contribution financière de la taxe TV. La publicité n'existe pas encore et le sponsoring non plus. Certes on dit que le nouveau média télévision est une « fenêtre ouverte sur le monde ». Mais attirer les téléspectateurs en leur faisant découvrir les multiples réalités sociales, économiques, culturelles ou politiques de la vie des peuples sur notre planète, n'est-ce pas trop présomptueux ? Surtout avec une volonté tout-à-fait neuve et originale pour l'époque de décrire ce qui va bien et ce qui va mal ici-bas !
Créer un magazine mensuel pluriculturel de plus d'une heure et composé de plusieurs reportages d'actualité ou documentaires réalisés par des équipes (un preneur de son, un cameraman, un journaliste et un réalisateur ) avec les moyens humains, techniques et financiers limités dont dispose la TSR à ce moment là, est-ce vraiment raisonnable ?
Premier tour de piste
Pourtant, en 1959, les initiateurs de ce projet ne partent pas vraiment inexpérimentés. Depuis un peu plus d'une année, ils sont responsables de trois émissions d'information concernant trois pays européens diffusées en alternance tous les mois. Ces trois émissions fonctionnent sur le même schéma : un journaliste-correspondant sélectionne à Londres, Rome et Paris, des sujets de l'actualité nationale à la télévision et dans la presse, matériel film, photos et textes qui sont envoyés à Genève et mis en forme à la TSR par un réalisateur et un présentateur. Dans les années 1950, ces chroniques télévisées sont un regard neuf sur l'Europe dans notre pays qui ne peut capter aucune émission TV étrangère*.*
En écoutant Big Ben est réalisée par Claude Goretta, 30 ans, créateur du Cinéclub Universitaire de Genève et formé au cinéma par le British Film Institute à Londres. Entré à la TSR en 1956.
Pour En écoutant Big Ben, Goretta reçoit de Londres des documents envoyés par Jean Dumur, correspondant de la Gazette de Lausanne et présentés en studio par Jo Excoffier.
Jean Dumur sera plus tard journaliste à la TSR puis Directeur des programmes. Il est décédé en 1986.
Autour du Colisée est réalisé par Jean-Jacques Lagrange, 30 ans, licencié en sociologie. Dès 1953, il participe à la naissance de la télévision en Suisse romande avec le « Groupe de Mon Repos » et la « Télévison Genevoise » qui devient TSR le 1er novembre 1954.
Pour Autour du Colisée, Lagrange reçoit de Rome des documents envoyés par Sergio Spina, un réalisateur de la RAI qui sont présentés à Genève par Sergio Genni, stagiaire tessinois de la future TV de Lugano.
Aux quatre coins de Paris est réalisé par Jean-Claude Diserens, 32 ans, diplômé de l'IDHEC (Institut des Hautes Etudes Cinématographiques - Paris) et l'un des trois réalisateurs engagés en 1954 pour les débuts de la TSR*.* Il est décédé en 1991.
Pour Aux quatre coins de Paris, Diserens reçoit de Paris des documents envoyés par le correspondant de la Gazette de Lausanne, Frank Jotterand et présentés en studio par Pierre Ruegg.
Après six ou huit émissions, chacun des trois réalisateurs a évidemment envie de réaliser lui-même des reportages en Suisse ou à l'étranger pour une nouvelle émission qui reste encore à inventer. Ils mettent en commun leurs idées dans un projet que Jean-Jacques Lagrange rédige et présente, en août 1959, à René Schenker, directeur de la TSR. Ce schéma d'une émission d'une heure avec un budget de 3000 francs (!) s'intitule provisoirement La ronde des capitales.
En septembre déjà, le projet est accepté officiellement. Toutefois, le vendredi 6 novembre 1959 à 20h30, lorsque apparait le nouveau magazine de la TSR, c'est le titre Continents sans visa qui s'inscrit sur l'écran. Un excellent titre qui voit loin et qui est vite condensé dans les trois lettres CSV ! Détail surprenant : personne ne se souvient de qui en est l'auteur.
Et c'est parti pour dix années d'émissions mensuelles CSV - le jeudi définitivement dès 1962 - jusqu'au 3 avril 1969 pour céder la place au magazine hebdomadaire Temps Présent.
Il est donc incontestable que l'ambitieuse prétention des trois précurseurs à l'origine de CSV était légitime. Il faut oser...c'est viable !
Témoins de la Terre
Pour administrer ce magazine, c'est Alexandre Burger, 39 ans, alors chef du service Informations et Documentaires qui en devient le producteur-rédacteur en chef responsable. Burger sera Directeur des Programmes TSR de 1972 à 1982 . Il est décédé en 2009.
A ses côtés, on trouve cinq réalisateurs formant ainsi un « comité de rédaction » et qui resteront totalement fidèles au poste jusqu'à l'ultime émission. Aux trois précurseurs de base - Diserens, Goretta, Lagrange - se joignent François Bardet, 28 ans, diplômé de l'IDHEC, à la TSR depuis 1956 et Gilbert Bovay-Cohen, 36 ans, licencié en lettres et diplômé de l'IDHEC, de nationalité française et entré à la TSR en 1957. Il est décédé en 1987.
Pour donner au magazine CSV un sommaire de sujets internationaux apportant un regard sur le monde, l'équipe de rédaction prospecte intensément les TV étrangères et les producteurs de documentaires. Mais aussi, grâce à l'entregent de Burger et de Schenker, CSV parvient à envoyer des équipes (parfois réduites à un seul cameraman) loin de la Suisse grâce à des invitations de compagnies aériennes qui inaugurent de nouvelles lignes depuis notre pays. Ainsi, des reportages plus ou moins importants sont tournés au Portugal, au Maroc, en Israël, en France et au Pakistan.
Très vite, Swissair, selon le système du « barter », offre des vols gratuits jusqu'à un certain plafond annuel. En contrepartie, son logo et ses images d'avions apparaissent au générique de l'émission. Certes la publicité est interdite à la TV mais ces collaborations seront considérées comme un échange de services qui s'appellera plus tard sponsoring.
Mais, dès 1960, ce qui va devenir le renfort financier le plus important, intimement lié à une étroite collaboration professionnelle, est la très forte confraternité qui va relier Continents Sans Visa et Cinq Colonnes à la Une, l'émission magazine phare de la Télévision française RTF, suivie de peu par les relations avec le magazine Neuf Millions de la télévision belge RTBF.
En plus des intérêts communs de production, une très réelle amitié se noue entre les responsables de ces trois magazines : Pierre Desgraupes pour Cinq Colonnes, André Hagon de Neuf Millions et Alexandre Burger pour Continents sans visa. Très logiquement s'instaure entre eux un continuel échange de reportages pendant des années. Beaucoup plus importante est la mise en placede co-productions bilatérales, voire trilatérales, pour des tournages onéreux ou lointains. Et cela va encore plus loin, jusqu'au mélange des nationalités au sein des équipes : un réalisateur helvétique, un journaliste français et des techniciens belges, français ou suisses ou vice-versa.
On ne doit pas être étonné qu'un jour, à la TSR, on entende parler des Cinq Colonels de Continents sans Visa. Même la presse locale utilise cette appellation. C'est le jeune journaliste Guy Ackermann qui a imaginé cette dénomination amusante associant les parisiens de Cinq Colonnes à la Une à leurs amis de Genève.
Le bilan global des dix années d'activités créatrices des équipes de CSV dans les cinq continents de la planète plaide incontestablement en faveur d'un constat de belle réussite de la part d'une jeune et petite télévision qui a su se faire une place plus qu'honorable dans le concert télévisuel mondial. Témoins les nombreux prix nationaux et internationaux reçus jusqu'au fameux International Emmy Award remis en 1969 à l'équipe de Jean-Jacques Lagrange, Jean Dumur, André Gazut et Charlie Champod pour le reportage consacré à la dernières campagne de Robert Kennedy tragiquement interrompue par son assassinat presque sous l'objectif de la caméra de CSV.
En une décennie (1959 - 1969) le magazine a engagé quelque 120 réalisateurs, journalistes, cameramans, opérateurs son, monteuses et monteurs sans compter tout les collaborateurs administratifs nécessaires au rythme soutenu des productions.Les réalisateurs de CSV ne sont pas exclusivement les « Cinq Colonels » mais bien d'autres cinéastes dont Yvan Butler, Christian Mottier, Pierre Barde, Pierre Koralnik, Pierre Matteuzzi, Michel Soutter, Jean-Louis Roy, Alain Tanner. Parmi les journalistes suisses, on doit citer Jean-Pierre Goretta (le frère de...), François Enderlin, Georges Kleinmann, Guy Ackermann, Claude Torracinta, Marc Schindler, Claude Mossé, Fernand Gigon.
Quelques chiffres pour résumer dix ans de production du magazine : au total, la TSR a diffusé 126 émissions du magazine CSV, y compris les reprises durant les mois d'été. 557 reportages ont été offerts « sans visa » au public dont 347 réalisés par les équipes TSR.
- 17 % des reportages étaient consacrés à la Suisse
- 43 % à l'Europe
- 11 % à l'Afrique
- 14 % au Moyen-Orient et à l'Asie
- 11 % à l'Amérique du Nord
- 3 % à l'Amérique du Sud
- 1 % à l'Océanie
Toutes ces productions sont nécessairement le reflet le plus varié et surtout le plus conforme possible à la réalité de tous les nombreux faits de société qui font des années 1960 une époque particulièrement fertile en événements internationaux importants comme la décolonisation de l'Afrique noire, la renaissance de l'Italie, la conquête de l'espace, la Guerre froide, la Chine maoïste, l'apartheid en question, Mai 68, la poudrière du Moyen-Orient, l'Algérie avant et après son indépendance, la révolution cubaine, l'enfer du Vietnam...Tant de thèmes à traiter dans le monde sans oublier ce qui se passe en Suisse et qui intéresse les téléspectateurs : l'Expo nationale de 64, la vie des saisonniers et les initiatives Schwarzenbach, la Suisse et le nucléaire, les avions P16, l'alpinisme et les avalanches, les carnavals de Fribourg et Bâle, les prédictions des voyantes, les jeunes suissesses au pair en Angleterre, le mythe de James Bond, les eaux polluées, le travail des paparazzi, la vie des apprentis, etc....la liste est longue !
Ce métier de reporter en Suisse une semaine puis en Asie la semaine suivante est certes passionnant mais aussi éprouvant, dangereux même. Sur place, certains tournages sont interdits, le matériel est bloqué en douane, la censure d'un pays coupe carrément des séquences filmées, du matériel est volé dans les voitures de location, des techniciens sont maltraités physiquement, voire arrêtés et même emprisonnés quelques heures ! Les gaz lacrymogènes, les matraques sur les épaules et même les balles en caoutchouc sur le corps, ils connaissent !
Regards alternés sur l'Europe
L'émission mensuelle du magazine CSV ne satisfait pas complètement le Comité de rédaction qui décide, en mars 1963, de lancer une édition complémentaire à quinzaine intitulée Le Point et dirigée par Jean Dumur. C'est évidemment une émission d'information essentiellement constituée d'entretiens et d'analyses politiques au sujet d'événement récents avec de rares reportages.
Mais la boulimie de l'équipe CSV est insatiable. Parallèlement à la création de l'émission Le Point, la TSR et CSV avec les autres télévisions francophones déjà alliées - TF1 - RTB - RTL lancent un ambitieux projet de magazine international auquel se joignent l'Allemagne (ZDF), la Grande-Bretagne (BBC) et l'Italie (RAI) : Le Journal de l'Europe.
L'idée est de faire des reportages filmés à partir de thèmes discutés ensemble dans un comité de rédaction commun. Les tournages se réalisent les uns chez les autres autour d'un sujet d'intérêt général : le travail, la nourriture, l'enseignement, la police, la garde suisse du Vatican, les motards, etc.. La particularité de ces reportages est qu'ils sont réalisés par des équipes dans lesquelles le réalisateur ne vient pas du même organisme que le journaliste, celui-ci ne traitant pas un sujet de son propre pays. Ce système de production original assure un regard alterné sur les sujets.
La diffusion des émissions est programmée six fois par année de septembre à juin. Jusqu'en 1965, dix-sept programmes européens verront le jour. Cette très intéressante tentative télévisuelle aurait pu se développer plus largement en réalisant des coproductions internationales dans d'autres domaines que celui de l'information. Malheureusement elle va capoter de sinistre façon, après quatre ans, à cause de la trop grande disparité des sensibilités politiques qui président à la gestion des TV de service public.
En 1965, en arrivant à une séance de rédaction du Comité international du Journal de l'Europe, Pierre Desgraupes - pour la France- annonce qu'il a reçu l'ordre de son gouvernement et du Président de Gaulle de cesser toute collaboration si le Journal de l'Europe n'était pas désormais « contrôlé et réalisé » par Paris ! Pierre Desgraupes démissionne immédiatement et les autres coproducteurs essaient de poursuivre l'expérience mais elle va bientôt se terminer « en queue de poisson », Alexandre Burger dixit.
Fidéliser les spectateurs
Faisant fi avec regret de tout ce ramdam européen, l'équipe de CSV remet en cause sa programmation et comprend qu'il faut assurer une présence plus fréquente à l'antenne pour fidéliser les spectateurs. C'est désormais toutes les semaines que le logo CSV doit apparaître le jeudi soir. Ce remaniement permet aux réalisateurs du Comité de rédaction de concrétiser un vieux rêve qui les démangeait depuis pas mal de temps : produire une émission de conception et de réalisation entièrement suisse développant un thème unique sur un minutage plus long que les habituels sujets de cinq à vingt minutes du magazine CSV. Ce sera Continents sans Visa : le Dossier qui vient une fois par mois en complément du magazine qui prend le nom de Continents sans Visa : le Mois. Les deux autres jeudis continuent de diffuser à quinzaine les analyses politiques sous le titre Continents sans Visa : le Point. Lorsque certains mois ont cinq jeudis, c'est alors la rubrique Continents sans Visa : le Document qui propose au public les meilleurs documentaires achetés à l'étranger.
Les Dossiersde CSV sont des enquêtes approfondies de plus de soixante minutes qui ont presque toutes été tournées en Suisse. De 1965 à 1969, vingt-cinq Dossiers ont été diffusés, tous réalisées par des réalisateurs TSR. Ils s'intéressent à la situation de l'ouvrier suisse, à celle du patron suisse, du paysan suisse, à la délinquance des jeunes mais également à celle des adultes, à la publicité, à l'urbanisme, à l'université, au vin, aux guérisseurs, à l'érotisme dans la société, au planning familial qui vient d'être lancé non sans de grandes oppositions qui se répercutent dans les réactions des spectateurs.
Les événements de Mai 68 ont provoqué dans toute l'Europe des transformations politiques, économiques et sociétales qui ont été amplifiées par les médias. Ces bouleversements imposaient une réflexion sur la manière de faire de la télévision. En 1969, après dix ans de production et 126 émissions, l'équipe de CSV a senti la nécessité d'un renouvellement du magazine tant dans son rythme programmatique que dans son approche des sujets. Cette réflexion va se concrétiser dans la création en continuité d'un nouveau magazine, hebdomadaire cette fois : Temps Présent dont la rédaction en chef est confiée à Claude Torracinta avec un nouveau Comité de rédaction dont tous les membres sont issus des équipes de CSV.
Aujourd'hui encore, après quarante-trois ans, Temps Présent poursuit l'aventure du magazine d'information lancée dix ans plus tôt par les pionniers de Continents sans Visa. C'est une exception unique de longévité dans l'univers télévisuel européen.
Théorie et pratique
On a pu dire de la télévision en train de naître un peu partout sur la planète qu'elle était une « fenêtre ouverte sur le monde ». Quelques lourdauds ont trouvé cette image tout-à-fait ringarde ! Pourtant c'est très exactement ce qu'elle est et surtout était dans les années 1950-1960 quand le public découvrait par la nouvelle information visuelle ce qu'était le monde à cette époque. Et il ne s'y trompait pas. CSV était l'émission la plus attendue et regardée de la TSR et caracolait en tête des taux d'écoute. Au lendemain de la diffusion de chaque CSV, le Comité de rédaction recevait de nombreuses réactions, hargneuses ou louangeuses, peu importe ! Les spectateurs réagissaient parce qu'ils avaient vécu quelque chose d'important en découvrant la vie du monde avec ses réalités humaines parfois dramatiques, parfois très surprenantes.
D'où ce concept de Cinéma Direct (appelé aussi Cinéma Vérité, en anglais Candid Camera) conféré à la télévision tout-à-fait légitimement. C'est bien la démonstration de la toute puissance de l'image. C'est elle qui prédomine dans la conscience et l'inconscient du spectateur. C'est la manifestation exemplaire de l'activité du fameux duo psychologique dans le cerveau humain de la projection/identification.
Les « Cinq Colonels » et les autres réalisateurs de CSV étaient très concernés par une réflexion théorique sur les formes du langage et du montage cinématographiques et influencés par les exemples du Cinéma Vérité, un cinéma en prise directe sur la réalité. Tous les reportages CSV étaient visionnés et discutés en commun pour essayer d'améliorer la forme et le contenu de l'émission. Il faut faire ici une brève parenthèse pour comprendre la relation qui se tisse entre les réalisateurs CSV et les questions du style à une époque où le maëlstrom d'images actuel n'existait pas.
Le Cinéma Vérité naît en 1958 avec le fameux documentaire de Jean Rouch « Moi un Noir ». Ce film inaugure une conception tout-à-fait inhabituelle et résolument moderne de la description filmique de la réalité quotidienne, de la vie de personnes à un endroit précis sans aucune mise en scène de la part du réalisateur. Le terme « cinéma vérité » fait aussi allusion au « Kino Pravda » du cinéaste soviétique Dziga Vertov qui, de 1922 à 1925 a tourné vingt-trois reportages surla vie quotidienne des habitants de Moscou sans intervention de mise en scène. C'est aussi le cinéma de l'américain Robert Flaherty et de ses films Nanouk l'esquimau, L'homme d'Aran et Louisiana Story.
Ce cinéma ne prétend pas imposer la vérité mais il vise plutôt à poser le problème de la vérité au niveau des rapports humains. Flaherty disait : « On doit parfois mentir pour atteindre la vérité ».
Tous ces exemples inspirent les réalisateurs de CSV d'autant plus qu'ils ont l'occasion, en mars 1963, de participer, pendant le MIP-TVà Lyon, à un congrès de Cinéma Vérité qui réunit tous les grands cinéastes du documentaire, américains, canadiens, anglais, français et italiens. Durant ce congrès sont abordés tous les problèmes de langage et de style parallèlement à des démonstrations d'enregistreurs son ultra légers, d'objectifs zoom perfectionnés et surtout de nouvelles caméras 16mm insonores portables. Avec le développement du média télévision, le format 16mm s'était professionnalisé et était devenu le standard de tournage. Cela a grandement facilité le développement du Cinéma direct dans sa recherche d'être en prise directe sur la réalité.
Tous ces échanges ont permis de donner une certaine unité de style et de ton à tous ces reportages et documentaires CSV tournés dès les années 1960 par les réalisateurs de la TSR grâce à une volée de cameramans doués qui ont très vite assimilé les règles du style de cinéma direct. De Roger Bimpage à Jean Zeller, de Frank Pichard à André Gazut, il faudrait nommer une vingtaine de noms tant ils ont tous, chacun à leur manière, su capter la réalité et filmer des images d'une qualité hors du commun qui ont fait la renommée de la TSR. Sans oublier les monteurs film qui, eux aussi, ont assimilé les règles du genre qu'ils ont utilisées avec le talent de leur sensibilité.
Le mouvement de Cinéma direct a été, à un moment historique donné, d'une importance capitale pour le développement du film documentaire. Avec l'extraordinaire développement technique de ces quinze dernières années et les formidables outils de la vidéo digitale qui ont fait exploser la production d'images et de documentaires, on en oublie un peu la lutte acharnée qu'ont menée des cinéastes et cameramans des années 1960 pour témoigner de leur époque et rendre le cinéma plus humain, plus fraternel et plus vivant.
Ce fut le cas de tous les artisans de l'équipe de CSV pour qui cette décennie fut une expérience personnelle et professionnelle inoubliable.
Ils ont créé des films documentaires en ayant toujours à l'esprit cet aphorisme intellectuellement très exigeant d'Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde : "l'objectivité n'existe pas, l'honnêté oui".
François Bardet
La collection des Continents sans visa a été sauvegardée et numérisée par les archives de la RTS, grâce au soutien de Memoriav. La plupart des reportages peut être consulté sur le site des archives de la RTS.
Merci pour cet article passionnant....
Article très complet. Heureux d'apprendre que Guy Ackermann avait déjà un bon sens de l'humour!
J'ai eu le plaisir de rencontrer il y a peu Guy Ackermann, ici, à Charmey. Sa voix est toujours la même! ça m'a fait une joie que de pouvoir ainsi retrouver un des tout bons journalistes de l'époque du noir et blanc!