Les fondamentaux de notreHistoire.ch
La plateforme notreHistoire est devenue une jeune adolescente. Pas spécialement rebelle ni frondeuse mais elle fait sa mue au quotidien en fonction des usages préférés des Romands en matière de consommation (et d'implication) de (et dans les) plateformes culturelles comme la nôtre ou celles d' "Autrefois Genève", la Médiathèque du Valais (archives.memovs.ch). Ce qui me donne aujourd'hui de jeter un regard sur l'adolescence de notreHistoire, de ce qui a bien marché quand notreHistoire.ch a commencé à se tenir sur ses deux jambes et à enchaîner les pas assurés. Aujourd'hui, il est utile de reparler de ce que le projet collaboratif de notreHistoire.ch offre encore et toujours comme possibilités, pour vous rappeler les fondamentaux de la plateforme. Notamment l'entraide entre membres sur des documents mystérieux, parfois sur des photographies suisses qui manquent de conextualisation, car retrouvées dans un carton, aux puces ou dans un vide-grenier. Dans un article de 2013, mon collègue Claude Zurcher (par ailleurs fondateur de notreHistoire.ch aux côtés d'Albin Salamin) écrivait à la communauté de notreHistoire (qui n'était pas encore de 6000 membres) que "le domaine participatif amène souvent de brillantes démonstrations de l'enrichissement mutuel qui est en jeu sur notrehistoire.ch". Je vous propose de relire ce texte qui dit tout (illustration d'une photo qui manquait à sa publication de nombreux détails informatifs et historiques). En espérant que de nombreux documents encore "mal renseignés" s'enrichissent par la force de notre communauté.
Voilà ce qu'écrit Claude en substance: "un exemple a été apporté sur un document non daté ni situé, publié par Robert Horvay. Avec pour titre La manifestation communiste (notrehistoire.ch/entries/25q8Q...), cette photographie a été partagée dans le groupe consacré aux lieux à identifier dans l'espoir d'obtenir des informations utiles à sa compréhension.
Une réponse détaillée lui a été fournie par Fabrice Brandli, son texte ayant été repris ensuite par Robert Horvay dans le descriptif du document. Oui, tout laisse à penser qu'il s'agit bien d'une manifestation communiste. Les détails de la photographie tendent à la dater du 1er mai 1933. Quant au lieu, sans aucun doute: sur les quais de la Limmat, à Zurich, précisément à hauteur du no 108!
Fabrice Brandli nous a précisé sa recherche. Première étape, analyser les banderoles de la manifestation. On peut en effet y lire:
"Heraus mit Ernst Thälmann" (deuxième banderole, voir le document au format agrandi), soit "Avec Ernst Thälmann".
Qui était Ernst Thälmann? Ancien ouvrier devenu le chef du Parti communiste allemand, il siège au Reichtag de 1924 à 1933. Sous sa direction, le PC allemand s'aligne sur Moscou et double son électorat entre 1928 et 1932, passant de 3,3 à 6 millions de voix. Lui-même sera candidat à l'élection présidentielle en 1928 et en 1932, se classant à chaque fois en troisième position.
Le 3 mars 1933, soit un peu plus d'un mois après l'accession d'Hitler au pouvoir, Ernst Thälmann est arrêté. Se lance alors une campagne internationale pour sa libération. Cette manifestation semble donc inscrite dans ce mouvement de soutien.
Mais à quelle date? Et est-ce en Suisse ou en Allemagne? Un détail sur les vestons des participants - un insigne du 1er mai - plaide pour le 1er mai 1933. Quant au lieu, la consultation du livre de l'historienne Brigitte Studer, Un parti sous influence. Le Parti communiste suisse, une section du Komintern 1931-1939, accessible en partie sur Googlebooks, met en exergue l'existence de trois sections du Parti communiste en Suisse allemande avant guerre: à Bâle, Berne et Zurich.
Une analyse des détails des bâtiments en arrière-plan de la photographie, en l'occurrence le clocher, et une recherche sur Google images permet de déterminer qu'il s'agit de la Liebfrauenkirche à Zurich. Reste à trouver l'adresse où passe la manifestation. Une visite virtuelle de Zurich par Google street (encore...) affine la recherche. La façade de l'un des bâtiments, sur la droite, est restée identique. C'est de là, en face du numéro 108, que la photo a été prise.
Ces informations partagées seront encore complétées par un troisième membre de notrehistoire, Pierre Audeoud, qui apporte des précisions sur Ernst Thälmann.
Tous les documents publiés sur notrehistoire.ch ne bénéficient pas d'un tel traitement, c'est vrai. Mais le partage de connaissances, l'enrichissement mutuel et le travail de chacun donne peu à peu à la plate-forme une dimension encyclopédique qui offre à ses utilisateurs, au-delà de la beauté et de la valeur des archives publiées, une profondeur captivante.
Un dernier point. Cette manifestation a-t-elle fait l'objet d'un compte-rendu dans la presse en Suisse romande? Les archives numérisées de la Gazette de Lausanne, évoquent, dans l'édition du 2 mai 1933: "La fête du 1er mai a commencé à Zurich par un contrôle des chantiers où quelques incidents se sont produits, nécessitant l'intervention de la police. Le cortège socialiste a duré 40 minutes. Il s'est déroulé l'après-midi de la place Helvetia par la Bahnhofstrasse au Sihlhölzli. Des pancartes protestaient contre la réduction des salaires, contre le fascisme hitlérien; d'autres étaient en faveur du droit d'asile. (...) Le cortège communiste a passé de Aussersihl par les quais de la Limmat au Théâtre municipal et retour à la Cathédrale. Il a duré un quart d'heure." Il y eut donc deux cortèges à Zurich, ce 1er mai 1933, un socialiste et l'autre communiste. Jusqu'à l'adoption de la politique du Front populaire qui aboutit à la victoire de la gauche unie en France et en Espagne en 1936, la ligne politique de Moscou s'en prend en effet aux sociaux-démocrates, considérés comme des traîtres. Reste à trouver une photographie du cortège socialiste en ce 1er mai 1933 à Zurich... Patience. Et demeure aussi, comme une rêverie, le mystère de ce petit garçon manifestant aux côtés des adultes. Qu'est-il devenu?"
Photo publiée par Robert Horvay.
"Dis voir", l'appli
Les Romands batoillent, mais de Sierre à Saignelégier leur accent varie. Le chercheur Mathieu Avanzi lance une application mobile pour étudier la diversité du parler romand. Le projet « Dis voir » invite les utilisateurs à enregistrer leur voix sur leur smartphone, à deviner des mots typiquement romands, et à tester leurs connaissances des accents régionaux.