La rue du Bourg à la naissance du XXème

La rue du Bourg à la naissance du XXème

J.J. 5885, Jullien frères, Phot. Editeurs Genève
Pierre-Marie Epiney

Cette carte postale non voyagée date du début du XXème siècle.

Intéressante animation de la rue (même si la mise en scène est soignée) : un bambin à gauche semble regarder avec curiosité l'arrivée d'un char précédé par un homme coiffé d'un képi décoré (un officier ou un employé des postes ?). Le char est tiré par une vache. Etait-ce la coutume ? Trois personnes ont pris place sur l'attelage dont une femme portant un chapeau (anniviard?).

A gauche, précédant l'équipage, deux femmes élégantes dans leur magnifiques robes longues à la mode de ce siècle naissant.

A l'arrière-plan, quelques hommes.

La même rue vide :

Voici une vue de la rue dans l'autre sens à l'occasion de la Fête-Dieu 1910:

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Passé - présent :

Et voici ce que disait Rose Bünter-Salamin (1927-2012) dans son blog

du 5 mars 2008 et retranscrit par sa petite-fille Ivana :

Quel lieu attachant que mon quartier d’enfance, rue du Bourg ! Convivialité, entraide, amitié entre les habitants. L’architecture, l’aménagement judicieux des bâtiments concouraient à en faire un lieu dans lequel il fait bon vivre.

Le château des Vidômnes, la maison de Chastonay donnaient à notre rue, son aspect aristocratique. La maison Racine abritait le tribunal de la ville. En face de l’hôtel actuel de la Poste, je pense à la cordonnerie Géraud, dont le maître artisan avait la réputation d’artiste tant son travail était de qualité. Dans ce bâtiment vivait Bertha B. qui, avec son petit char, récoltait les « lavures » des ménages, afin de nourrir ses cochons; c’était à l’époque une façon écologique de traiter les ordures. Bertha, personnage très attachant pour toute la ville.

J’aimais à m’entretenir avec elle, à écouter ses histoires.

La maison Kohlbrenner, vente de sanitaires et divers produits d’entretien. La patronne, veuve, personne battante, reconnue à la ronde, avec ma maman son amie, échangeaient dans la joie et la bonne humeur. Attenant au même bâtiment, un cordonnier, d’un âge avancé, de langue allemande, je suppose qu’il ajustait les « socs » ou chaussures pour la campagne (parenthèse : enfants et parfois adultes nous portions des sandalettes en bois et lanières de cuir sur le dessus).

Je n’oublie pas « la consommation » actuellement salon de coiffure Bünter.

M. Pouget en était le gérant. De nos jours, on ne dit plus consommation, mais Coop. A l’époque, les clients en général achetaient à crédit, montant marqué dans un carnet personnel et réglé à la fin du mois. Nous étions très amis avec la famille Pouget qui possédait une radio, rare en cette période. On pressentait l’arrivée prochaine de la guerre, aussi mon papa, souvent le soir, écoutait les nouvelles à la maison.

Petite anecdote : au mariage de Lucie, j’ai eu l’honneur d’être choisie comme demoiselle d’honneur. On me prête une robe longue bleue pour la circonstance. Pour compléter la tenue, chaussettes en laine de mouton et chaussures trotteurs très confortables. Vous pouvez imaginer ma joie et ma fierté.

En face de l’église, mon épicerie à bonbons. Pour 1 ct., nous recevions 1 caramel aviateur. Le bâtiment de la famille Rey, d’excellente réputation. Adolphe tenait commerce d’outils de toutes sortes. Louisa et sa sœur, vaisselles et tous les accessoires pour le ménage. Les listes pour cadeaux de mariage avaient réputation dans tout le district et bien au-delà. Face à l’église, l’horlogerie Max Buro (marques Mido, certina et autres), mais surtout on appréciait le magasin de fine lingerie de Madame Roh-Rouvinet, fidèle amie de ma maman. Elles ont vécu des instants privilégiés à regarder la belle marchandise, à se confier, à s’éclater parfois par ces rires qui font un peu oublier les tracas éventuels de la vie courante.

Je n’oublie pas la famille Wicky, famille de onze enfants je crois, dont la mère veuve très jeune a assumé avec courage sa tâche de maman. Vient ensuite la laiterie de M. Schmutz qui avait adopté un enfant très turbulent que nous appelions Matzoléni. Le lait s’achetait à l’emporté, avec un bidon. Je termine pour ce soir avec le Violon, notre prison…

du 12 novembre 2007 (au sujet du violon)

A cette même période un autre drame. Je me revois dans la rue en compagnie d’une bande d’enfants entre 7 et 12 ans. Nous suivions un petit cortège composé de deux gendarmes, de deux hommes qui avaient tué l’épouse de l’un. La formation partait du VIOLON pour se rendre au tribunal et ensuite être transférés au pénitencier de Sion. Le violon était la première étape avant de se rendre au tribunal, maison RACINE. Le tragique de cette situation est que notre petit camarade de jeux regardait passer le triste cortège dans lequel son père était l’assassin. Nous étions tous très tristes et c’est en silence que nous assistions à cette situation.

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  • Alain Zuber

    Cet intéressant document nous rappelle qu'au XIXe siècle, pour assurer le transport des voyageurs, des courriers et des journaux, un relais postal avait été établi à Sierre. Cinq fois par semaine, une diligence descendait de Brigue et une autre partait pour Saint-Maurice et inversement. Les anciennes écuries du vidomnat tout proche, avaient été réquisitionnées pour le changement des chevaux. Les voyageurs faisaient escale à l’hôtel de la Poste, anciennement nommé hôtel du Soleil. De nombreux actes notariés du 18e et du 19e furent rédigés et signés dans cet hôtel !

  • Pierre-Marie Epiney

    Merci, Alain, de ton intéressant commentaire mais ici ne s'agit-il pas d'une vache qui tire le convoi?

  • Alain Zuber

    Il s’agit bien d'une vache attelée probablement à un char à bancs à quatre roues. On ne distingue pas précisément le mode d'attelage, il doit s'agir d'un collier semblable à ceux utilisés pour les mulets ou les chevaux, puisque l'on devine l'un des deux brancards… A la traction bovine, très lente, l’on préférait, si possible la traction du mulet, mais encore fallait-il en posséder un ! Cet animal était très fréquemment la propriété de plusieurs personnes et il devait travailler sans cesse, tous les jours de l’année, pour ses différents propriétaires. À défaut de mulet on utilisait une vache ! A Vercorin, une photographie datée des années 1950 montre une vache attelée à une grosse luge par un collier, la scène se passe en été dans un pré, la luge est chargée d’une grande quantité de foin à rentrer au fenil.

  • Nicolas Perruchoud

    Rue du passé bruissante des activités humaines ! Rue pleine d'humanité que l'on retrouve dans les localités du Sud : la rue centrale, parfois interdite aux voitures, y reste encore l'espace où on déambule en soirée pour prendre le frais et se faire voir dans une belle tenue. Rue où le regard affranchi du danger des véhicules s'attache aux individus !

Pierre-Marie Epiney
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31 octobre 2016
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