Repérage
Quand Noës voit passer les ponts… et le Rhône !

Quand Noës voit passer les ponts… et le Rhône !

Charly Arbellay
Charly Arbellay

Par Charly-G. Arbellay

De la passerelle en bois...

Sur la carte de Swisstopo datée d’avant 1845, une passerelle fragile en bois relie les méandres du Rhône encore sauvages pour joindre le hameau de Noës, résidence d’été des habitants de St-Jean dans le val d’Anniviers. Il faudra attendre l’arrivée du chemin de fer en 1868 pour qu’un pont de bois à char permette aux habitants de Chalais, Réchy, Vercorin de se rendre à la gare de Noës. Au début du XXe siècle les Anglais mettent au point le fer puddlé (technique obtenue par brassage sous l’influence d’oxydes).

... au pont en fer

Ce métal nouveau va être utilisé à Noës vers 1900. Le pont métallique sera posé sur des chevalets plantés à même le Rhône. L’ouvrage comprend des poutres à membrures parallèles et treillis doubles. Il est corseté par un système triangulé que l’on voit sur la photo en tête de cet article. En principe ce type de pont avec tablier en bois, était fait pour durer 50 ans. Pourtant, en l’absence de vernis antirouille pas encore découvert et suite à une forte oxydation, la solidité du pont n’a pas résisté à la crue torrentielle et à la puissance des eaux du Rhône qui l’ont arraché ce 3 septembre 1948.

  • Le Nouvelliste Valaisan du 7 septembre 1948

"En revanche, dans la région de Sierre et de Chippis, où il fallut alerter non seulement les pompiers, mais la population, on put redouter le pire.

Les hommes dressèrent des barrages au moyen de sacs de sable et de pierres et protégèrent la contrée sur une distance de 1 km. environ. M. le conseiller d'Etat Pitteloud assista à l'effondrement du pont métallique entre Chalais et Noës et il en garda un souvenir impressionnant.

L'ouvrage commença par plier légèrement au milieu , puis il fut entraîné dans les flots où il fut partagé en deux.

Cet événement fut salué par les bravos des témoins, car le «pont formait barrage et l'eau qui montait graduellement risquait d'un instant à l'autre de submerger les terrains. Le péril avait été si grand à un moment donné que l'on avait songé à évacuer les détenus de la colonie pénitentiaire de Crêtelongue..."

enfin ... un pont en béton

Passé l’émoi face à cette catastrophe, l’Etat du Valais prend les choses en main. Il débloque des crédits et confie le projet d’un nouveau pont à Alexandre Sarrasin (1895-1976). Né à St-Maurice, le brillant ingénieur EPFZ, avant-gardiste et très connu hors de nos frontières va reconstruire simultanément en béton armé les ponts de Noës et celui d’Aproz, lui aussi emporté.

  • Sur ce mauvais document, on voit l’enfoncement des pieux qui soutiendront les échafaudages en bois.

notrehistoire.imgix.net/photos...

  • Décembre 1948. Les échafaudages sont assemblés par les charpentiers de l’entreprise.

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  • Mai 1949. Le pont en béton armé est achevé. Alexandre Sarrasin est ovationné.

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  • Photographié en mai 2014, ce pont est d’une rare élégance. arbellay

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  • Dans l’espace creux du caisson des arcs, tous les services, eaux potables, électricité, téléréseaux, téléphones sont conduits d’une rive à l’autre. arbellay

notrehistoire.imgix.net/photos...

L’ouvrage comprend trois cintres qui reposent sur deux culées et deux piles plantées dans le lit du fleuve. Les travaux débutent en décembre 1948 - soit trois mois après l’arrachage du pont - pour se terminer en mai 1949. La réalisation est confiée à l’entreprise Losinger et Cie à Sion qui utilise pour la première fois en Valais, une pompe à béton pour la mise en place des agrégats. En cinq mois, profitant des basses eaux, Alexandre Sarrasin a redonné la mobilité aux habitants des deux rives. Un exploit unanimement salué.

  • Alexandre Sarrasin, ingénieur qui a construit des dizaines de ponts en Valais et en Suisse.(photo famille Sarrasin).

notrehistoire.imgix.net/photos...

En savoir plus sur cet ingénieur ? C'est ici.

Voir aussi ce document qui explique le pourquoi et le comment de la rénovation du pont en 2020 :

Arriva la cure de jouvence !

En 2020, le vénérable pont, âgé de 72 ans, reçoit une cure de jouvence et un entretien approprié. On a compris les leçons du passé.

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Crédit photographique :

Toutes les photos noir-blanc proviennent de l'entreprise LOSINGER qui les a cédées aux archives cantonales

Les autres sont issues des

  • Services techniques de la Ville de Sierre.
  • Le Valais, chronique illustrée de René Arbellay.
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Pierre-Marie Epiney
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1 octobre 2020
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