Itinéraire d'un musicien lausannois: Laurent Biollay (1ère partie)

1 novembre 2010
David Glaser, reporter FONSART

On débarque un jour de 2010 dans un sous-sol du Flon. Les affiches de Sens Unik, Mad Whispers, Guess What et d’autres groupes tapissent les murs d’un lieu feutré, discret enfermant deux magnifiques sets de batterie. "Bio", ou Laurent Biollay pour l’état civil, reçoit là. En ce mercredi de septembre 2011, Bio donne des cours de batterie à mon fils avec passion et professionnalisme, avec patience et conviction. Batteur et passeur, c’est un double-statut qu’il a aimé garder depuis son entrée en scène. En tous les cas, le batteur est plus qu’un bon musicien de studio, c’est un musicien en mission. Pour transmettre aux nouvelles générations, aux amoureux des percussions. Dès les premières secondes de vie dans ce local studieux et rock n’roll (malgré une déco très « Unik », très hip-hop), il laisse deviner ce qu’implique un cours de batterie, l’investissement que ça représente, le chemin à parcourir… L’homme assis derrière la batterie est celui qui a contribué à donner un beat à Sens Unik en live comme sur certains disques, il est aujourd'hui aux côtés de plusieurs musiciens romands dont Stress. Récit d'un parcours au cœur de l'éclosion du mouvement hip-hop en Suisse. Laurent en a été un acteur majeur. Récit d'une vie au service du "beat".

Sens Unik est une des premières grandes références du rap en français cités par Laurent Bouneau, l’accélérateur à particules de rap depuis le début des années 90 en France, et une grande majorité des acteurs du rap comme IAM, compagnons de route de Sens Unik. Ils n’ont pas fait que passer. Ils ont marqué leur temps. Leurs membres se sont répandus, qui à Hollywood, qui à Lausanne mais ils sont là fiers d’avoir posé pas seulement une pierre mais tout un immeuble.

Dans les fondations rythmiques des fondateurs du mouvement hip-Hop à la romande, il y a bien sûr Laurent, aujourd’hui engagé ces dernières années avec plusieurs rappeurs pour un projet appelé One Track Live. Omniprésent, il continue à occuper le poste de batteur de Stress et divers autres artistes romands. Bio est un batteur multiple et son histoire va vous être racontée en plusieurs épisodes.

Les archives de la RTS
16 septembre 1994

La musique, Bio est tombé dedans dès l’adolescence. Le Vaudois pur jus a plaqué ses premiers beats sur une caisse claire il y a plus de 25 ans. Aujourd’hui, la quarantaine sportive, il s’expose à des milliers de gens, parcourant les routes de Suisse, arpentant les scènes romandes ou plus souvent alémaniques. Son équilibre, Bio le trouve en continuant à mener en parallèle sa carrière de professeur à l’EJMA et celle de ses créations de front. Bio a accepté de raconter son parcours aux côtés des meilleurs du rap suisse.

David Glaser, reporter FONSART
BIO
2019
BIO

Bio revient dans cette première partie (ainsi que dans une deuxième partie qui porte plus sur Sens Unik) sur quelques moments de gloire au contact de quelques maestros de la pop internationale. Où l’on croise, dans cette série de textes d’interviews revisitant plusieurs décennies de musique, Phil Collins et Mike Rutherford avec des ingénieurs du son d’un studio glandois, des artistes allemands qui remplissent des stades les Fantastischen Vier ou encore des grands noms du rap made in France. C’est la vie du hip-hop lausannois que l’on va revivre avec les précieux témoignages de Laurent Biollay. Dans cette interview, bien avant les premiers scratchs du DJ Just One en 1993 avec « Laisse toi aller ». Au tout début, bien avant les premiers « coups » avec Mad Whisper, il y avait un jeune garçon déjà heureux de jouer en tapant très fort sur les peaux.

David Glaser, reporter FONSART
BIO
2019
BIO

notreHistoire.ch: En accéléré, peux-tu raconter tes premières heures en tant que musicien?

Laurent Biollay : Je suis issu d’une famille de musiciens, mon père, mes deux grands-pères étaient tous musiciens. L’un des deux grands-pères était compositeur et trompettiste, l’autre était batteur dans les bals. Mon père est trompettiste. Il a, lui aussi fait des bals.

La route était tracée donc, à quel âge as-tu commencé ?

J’ai commencé la trompette à l’âge de 5 ans avec mon père comme prof. Mon grand-père m’enseignait le solfège. Il venait une fois par semaine nous donner des cours, à moi et ma sœur. 7 ans de trompette… ça m’a permis de comprendre que ce n’était pas mon instrument préféré. Mais ça m’a fait découvrir l’harmonie. Mon père a essayé de me mettre au piano mais ce n’était pas mon truc. J’étais un peu jeune pour faire de la batterie mais c’est vraiment ce que je voulais faire. A 14 ans, j’ai commencé à travailler comme roadie pour mon père dans les bals pour gagner un peu d’argent le week-end.

Ton père était alors musicien professionnel ?

Ce n’était pas son métier. Il bossait à côté. Il faisait beaucoup de musique surtout le week-end avec les bals. J’ai appris à voir comment ça se passait dans le milieu du bal. Bon, c’’était aussi pour m’éviter de faire des conneries.

As-tu grandi dans un quartier un peu chaud ? Lausanne n’a jamais eu une trop mauvaise réputation, non ?

J’étais dans le quartier de la Pontaise, ce n’était pas un quartier craignos. C’est vrai, il n’y a pas de quartiers qui craignent à Lausanne. Je fréquentais des gentils… mais tu sais comment tu peux vite te faire influencer par les potes et ça peut partir en vrille. J’avais un caractère un peu rebelle, j’avais de la peine avec les ordres, à l’école notamment, j’étais un peu rêveur. Cette attitude à l’école n'a pas fait de moi un bon élève. Neuf ans d’école sans aller plus loin.

Le bal a donc été ta véritable formation, l’école du soir?

Les bals avec mon père, ça m’a permis de voir comment le batteur travaillait. Vu qu’à l’époque je n’avais pas de permis de conduire et que je devais rester éveillé jusqu’à 2-3 heures de matin, je restais attentif. Le batteur m’apprenait deux-trois trucs. A 14 ans, je commençais déjà à avoir un caractère indépendant, à sortir et à pouvoir aller seul au local de répétition pour travailler.

Quand as-tu commencé à jouer pour de bon ?

Je n’ai pas attendu trop longtemps pour me lancer. J'ai profité de certaines pauses du batteur pour m'incruster derrière les fûts et apprendre des styles de musique que je n'aurais jamais travaillé seul. J’ai commencé à faire des tangos, des valses… Le bal est la meilleure école pour apprendre à jouer de tout. J’ai vite appris à être polyvalent.

Comment t'as-tu amélioré au fur et à mesure?

Progressivement, je venais avec des morceaux d'albums live que j'aimais et je m'exerçais à jouer par dessus dans mon local.

A partir de quel moment as-tu su que la musique deviendrait l’activité de ta vie?

Dès le moment où j’ai senti que la musique m’accrochait plus que le sport. Il y a des instruments où tu dois travailler longtemps avant d’obtenir une satisfaction en retour. La batterie, c’est un instrument où tu peux vite avoir des résultats, tu peux en jouer très facilement en groupe avec tes potes. Faire de la trompette avec un groupe de rock à cette époque là, ça se faisait pas. Le fait d’avoir un local, de pouvoir y jouer quand tu veux, il n’y avait rien de mieux! L'avantage, c'est que je pouvais y aller quand je voulais. Donc progresser.

Avec quelle musique as-tu commencé à jouer ?

En tant que batteur, j’ai commencé avec du rock avec des trucs simples. En 1987, j’ai fait un camp de catéchisme où j’ai rencontré un de mes potes. C’est un gars qui faisait de la guitare et qui m’a présenté aux personnes avec qui j’ai fait de la musique par la suite. On a donc créé ce groupe dans lequel il y avait une fille qui jouait du clavier. Elle était scolarisée à Prilly. Le 24 décembre 1987, on s’est retrouvé à jouer pour l’école de Prilly à 10 heures du matin. On est allé là-bas sans aucune prétention dans une monstre salle de spectacles et c’est après ce concert que je me suis dit que c’était ce que je voulais faire.

Comment t’es-tu senti après être sorti de scène ?

Ce fut génial, il y a eu une monstre réaction du public. Il n’y avait que des jeunes de notre âge en face. On n’avait pas de nom de groupe. C’était nos morceaux et deux reprises. Les compos étaient d’Antoine et Samuel, mes potes installés maintenant à Los Angeles et Londres. En 1988, on a enchaîné avec des concerts dans les centres de loisir de la ville.

Est-ce que cette expérience a été l'élément déclencheur pour ne plus faire que de la musique?

J’ai commencé un apprentissage le 2 août 1988 à 7 heures et à 8 heures moins le quart, je me suis alors demandé mais "qu'est-ce que je fous ici?" Mon père avait pourtant été très clair. « Tu veux faire de la musique ? Pas de problème mais tu fais un papier avant ! » Quatre ans de galère avant de pouvoir faire de la musique… J’ai fait cet apprentissage pendant un an mais j’en avais rien à faire. Une fois que je finissais le boulot, j’allais dans mon local.

Mais as-tu réussi au moins aux examens de fin d’année ?

Je suis allé aux examens de fin d’année et mes résultats ne furent pas bons. Et après discussion avec mon père, on s'est rendu à l'évidence que ce n'était pas que de suivre un apprentissage pendant quatre allait mener nulle part.

Par David Glaser.

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8 novembre 2019
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