Filleul de guerre Repérage

1946
Genève, _Suisse, Europe en guerre
Claire Bärtschi-Flohr

Georges-Guillaume Davidovics, de nationalité française, est né le 24 novembre 1937 à Neuilly-sur-Seine. Son frère, Daniel, est né en 1939.

A la fin de la seconde guerre mondiale, mes parents ayant appris le décès de leur père, ils ont proposé à leur mère, d’inviter Georges pour trois mois à Genève, pendant les vacances scolaires, afin de lui procurer de vraies vacances et essayer de lui redonner santé et joie de vivre après tant de souffrances.

En juillet 1946, George, qu’on appelait affectueusement Georgy, est venu passer les trois mois de vacances d’été chez nous à Genève. Nous l’avons emmené en vacances pendant un mois à Rougemont, dans le Pays d’Enhaut. Il n’avait jamais vu la montagne. Arrivé au sommet d’une pente très raide, tout à la joie de la découverte, il s’est mis à courir comme un fou dans la descente, il est tombé et s’est blessé au bras. Il a gardé le bras en écharpe un certain nombre de jours.

Pour voir quelques photos de cette époque, voir la galerie intitulée : "Georges Davidovics"

Voici comment Georgy est devenu orphelin puis filleul de guerre de mes parents.

Son père était prisonnier avec mon père au Stalag VIIA, près de Moosburg, en Bavière, en 1940 et 1941.

Etienne Davidovicz et mon père, Albert Flohr, se sont évadés ensemble de ce camp. (voir le récit de deux évasions sur notrehistoire.ch). Evasion réussie. Mon père a rejoint sa famille à Genève et a retrouvé une vie normale en Suisse. Etienne, lui, a rejoint sa famille, sa femme et ses deux fils qui avaient quitté Paris et s’étaient réfugiés dans le département du Cher. Il travaillait comme agriculteur.

Etienne a été repéré puis dénoncé. Il était juif. Le 10 juin 1943, les deux enfants ont assisté à l'arrestation de leur père par la Gestapo, cachés dans un champ de blé. Ce sont des événements qu’on ne peut oublier. En 1946, un jour que nous nous promenions en ville de Genève, dans les Rues-Basses, Georgy s’est tout-à-coup mis à courir sans plus s’occuper de nous. Il est allé se cacher dans une entrée d’immeuble : il avait aperçu deux officiers suisses et il avait cru qu’il s’agissait de la Gestapo !

Interné à Drancy, Etienne Davidovicz a été emmené pour Auschwitz, le 2 septembre 1943. Il a sauté du wagon pour s'échapper une nouvelle fois et les Allemands l'ont brûlé vif au lance-flammes.

Voici le témoignage de mon père, rédigé le 9 novembre 1946, pour demander que la Croix-de-guerre soit octroyée à Etienne Davidovicz à titre posthume :

« Etienne Davidovicz, né le 11 mars 1907 à Budapest, prisonnier français au Stalag VIIA, Moosburg. Matricule : 64.845

Etienne Davidovicz a été capturé par les allemands au cours d’un combat dans lequel il a été blessé à la tête par une balle, ainsi qu’aux jambes par des éclats d’obus.

Pendant sa captivité au Stalag VIIA, il a rendu de grands services à beaucoup de prisonniers français. En effet, parlant couramment l’allemand et s’étant fait une spécialité d’horloger, il a pu gagner de l’argent civil allemand. Cet argent lui permettait de procurer généreusement des vivres, des billets de chemin de fer et cartes d’Allemagne à ceux qui tentaient une évasion. Tout cela gratuitement. Il tenta lui-même, en notre compagnie, et réussit avec nous sa propre évasion par la Suisse (Shaffhouse) en février 1941. Rappelons qu’Etienne Davidovicz étant d’origine étrangère, il s’est, en 1939, volontairement engagé dans les rangs français pour participer à la défense du pays. » Signé :Albert Flohr .

Avant la guerre, Etienne Davidovics et sa femme travaillaient dans la Haute-couture, à Paris. Lui-même, je crois, était tailleur.

En 1946, Madame Davidovicz habitait avec ses fils chez son père, El Dinner, Couturier-Fourreur, 7, rue des Capucines, Paris 1er.

Nous avons revu Georgy, son frère et sa mère en 1948. Les deux enfants sont venus à Genève et nous avons retrouvé leur mère à Annecy. Elle n’avait pas de visa pour pénétrer en Suisse.

Pendant quelques années, nous sommes restés en contact épistolaire, mais nous ne nous sommes jamais revus, car en 1949, Madame L. Davidovics et ses deux enfants ont émigré aux Etats-Unis. Mme Davidovics se disait dégoûtée de la France. Son mari, hongrois, s’était engagé volontairement dans l’armée française et des français les avaient atrocement trahis.

Nous avons encore reçu une carte de Georges en 1953. Il se trouvait à Stamford, Etat de New-York, pour les vacances. Des vacances rémunérées, semble-t-il, car il disait travailler dans une ferme.

Etienne Davidovics est inscrit auprès de « mémoires des hommes », organisme consacré à la première et la seconde guerre mondiale.

Son nom figure également sur le mémorial de la Shoah.

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