IXe Fête cantonale des Guides

IXe Fête cantonale des Guides

20 juin 1970
Section Crans-Montana
Michel Savioz

Page de couverture du carnet de la fête cantonale des guides, en juin 1970 à Crans-Montana.

Bienvenue à Crans-Montana

Crans-Montana, ce mot simple et dur désignait au début du siècle tout le plateau sis au-dessus des villages de Randogne, Montana, Chermignon, Lens et Icogne. Il en est resté le trait d'union, malgré la «malice des temps» et l'esprit de clocher valaisan.

Au début du siècle donc, Crans-Montana était le grand plateau, où, de juin à septembre, le bétail « broutait en paix », où nos aïeux montaient au mayen avant de confier leurs troupeaux aux gardiens des alpages de Pépinet, de Corbyre, de Mondralèche ou du Mont-Lachaux.

Mais la haute vallée du Rhône se transforme, la plaine devient un verger, la route du Simplon, une artère internationale. Tout bouge. Crans-Montana voit arriver des pionniers prestigieux qui ont nom de Preux, Antille, Stéphani, Mudry, Elisée et Albert Bonvin. L'Anglais arrive, s'installe à Montana-Crans, au Palace, et on l'amène sur le jeu du golf dans de magnifiques carrosses tirés par de grands chevaux qui causent l'émerveillement des enfants du pays.

Pendant ce temps, aux villages, on est pauvre malgré l'âpreté au gain et le courage paysan. Le pays n'offre que de maigres ressources, les pâturages sont brûlés par le soleil, la vigne produit peu, le vin se vend mal. Pas d'industrie. C'est à ce moment que toute une génération de jeunes gens s'expatrient et s'engagent comme employés d'hôtel en Angleterre et en France. Plusieurs ne sont pas revenus, mais beaucoup rentrèrent au pays, enrichis d'expériences, la tête chargée de grands projets. Ils remontèrent à Crans-Montana et découvrirent sur ce plateau la grande richesse aménagée là par une Providence généreuse et l'on construisit de petits hôtels, de modestes établissements hospitaliers. Bientôt, malgré la tourmente de 1914-1918, malgré la crise économique de l'entre-deux-guerres, malgré le conflit de 1939-45 et sa séquelle de misère, Crans-Montana se développe et devient la station merveilleuse dont on ne saurait arrêter l'essor mondialement reconnu.

Lorsque vous viendrez à Crans-Montana pour votre rassemblement annuel, guides valaisans, vous aurez une pensée émue pour ces modestes employés d'hôtel qui fondèrent l'hôtellerie de chez nous et reposent dans les tombes anonymes du village.

Vous ne trouverez pas à Crans-Montana de montagnes aux noms prestigieux ; il y a la montagne et cela suffit pour qui l'aime. On n'y préparera pas de Jeux olympiques, mais une foi solide subsiste, une vive reconnaissance aussi pour ceux qui se sont battus pour les amener chez nous.

Si vous vous rendez au plateau par les gorges de la Lienne, arrêtez-vous à lcogne, ce village béni. Avant de donner au Valais un président de la Confédération, il fit, de l'un de ses bergers, le premier évêque de St-Maurice et de Bethléem. Arrêtez-vous à Lens; dans sa grande église, nos aïeux sont venus de tout temps prier et pleurer. Lens, le village d'Albert Muret et de C.-F. Ramuz. Le Moyen-Age plonge ici ses magies et la foi profonde est encore accessible à la légende. Ramuz a pu y observer la présence de l'Esprit malin ; il y écrivit « Jean-Luc persécuté». Avant de gagner l'opulente station, ne négligez pas davantage le petit village de Chermignon, devenu depuis peu la demeure permanente de ce cher René Payot. Au village de St-Georges, vous trouverez encore l'une ou l'autre antique porte d'étable du procureur Auguste Cordonier ou de Paul Barras. Vous passerez cette porte, vous discernerez le grand œil inexpressif des ruminants, chargé d'une pensée intraduisible dans notre langage. Vous entendrez le bruit des chaînes de celui qui passe pour méchant ! Cet instant banal, insupportable peut-être, vous donnera la mesure du simple bonheur que l'humanité est en train de dilapider et de perdre. Ce bonheur qui nous sera bientôt enlevé puisque l'espèce humaine, si fière d'avoir conquis le cosmos, a gagné l'univers, mais perd son âme ...

Si vous gagnez le lieu du rassemblement annuel par la Noble Contrée, vous passerez près du Château de Muzot, non loin du village de Lens. La silhouette de Rilke apparaîtra aux yeux de votre mémoire. N'est-il pas frappant de trouver si près de Ramuz, Rilke, le plus grand poète allemand de notre temps ?

Vous poursuivrez votre chemin par les villages de Mollens, Randogne, Bluche, dans la contrée que les poètes ont choisi d'illustrer, «pays qui ne disparaîtra plus de la mémoire des hommes».

Chers guides valaisans, soyez les bienvenus à Crans-Montana, la station moderne très liée au passé !

Colonel Marius Bagnoud

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Michel Savioz
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18 avril 2021
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