13e Fête cantonale des Guides

13e Fête cantonale des Guides

22 juin 1974
Section Hérens
Michel Savioz

Page de couverture du carnet de la fête cantonale des guides, en juin 1974 à Evolène.

Réflexions sur le guide

« Celui ou celle qui conduit une personne et, l'accompagnant, lui montre le chemin ... >>

Il est toujours utile de revenir à la définition originelle des termes dont un usage quotidien finit par dénaturer le sens. D'admirables exploits sportifs, des entreprises audacieuses qui parfois ont d'autant plus fait parler d'elles qu'elles se terminèrent tragiquement, ont paré nos «Guides» d'un prestige mérité, mais qui voile d'une brume dorée la mission précise. Le guide donc un conducteur, un compagnon et un éclaireur dans une marche en montagne où chaque pas doit inventer le pas qui suit.

Il n'y avait pas de «chemin »dans ce pays de glace et de roc où s'engageaient les premières cordées. L'œil cherchait d'abord le passage possible: le pied, la main suivait - ou, du moins s'efforçait de suivre. Qui allait le premier? Un homme calme, qui savait mesurer non seulement sa force, son adresse et pouvoir, mais aussi la force de ceux dont il avait pris en charge la curiosité mais aussi LA SECURITE. Oui, il passait d'abord le premier; il prenait d'abord sur lui-même le risque de la découverte. Comme le premier radiologue, comme le premier homme volant, il s'engage d'abord lui-même, puis tend la main à qui veulent partager la joie d'un effort victorieux.

L'esprit qui jauge, apprécie, mesure, précède l'acte que la volonté dessine, que le corps accomplit. Tout l'être se tend dans la réalisation d'une entreprise difficile, dont la difficulté même définit la valeur. Les doigts tâtonnent à la rencontre de l'aspérité qui ouvrira dans la paroi ce frêle chemin qu'il faut inventer vers la cime. Toutes les forces se concentrent dans l'acte qui domine la peur. Un homme se dépasse lui-même dans cette tentative dont il a mesuré les risques, dont il assume de sa vie la pleine responsabilité. Ce n'est pas sur le rocher qu'il remporte une victoire: c'est sur lui-même.

Victoire de la volonté qui est le visage parfait de l'amour. Mais l'amour n'est complet que lorsqu'il est partagé. L'obstacle franchi, le guide se retourne et tend la main (qui se prolonge par la corde .. .) et assure le passage de son compagnon. Fraternité mais on pourrait même voir dans son geste l'image du geste paternel tirant à lui l'enfant dont l'inexpérience a besoin du guide qui le précède. Nous entrons ainsi dans le grand jeu de la solidarité humaine, exprimée ici de façon si immédiate, si concrète, qu'on aperçoit en transparence (et en raccourci) le filigrane d'une civilisation ...

Le pourquoi de ces tâtonnements, de ces efforts, de ces risques? L'homme n'est grand que lorsqu'il se dépasse lui-même, que lorsqu'il se prouve à lui-même et prouve aux autres hommes qu'il peut dominer ses faiblesses, ses peurs, ses vertiges par le déploiement de toutes les ressources physiques et morales dont il ignore trop souvent la véritable mesure. C'est ainsi qu'en notre époque de laisser-aller, de facilité et de démission, l'alpinisme nous apparaît plus nécessaire qu'il ne l'aura jamais été. Le guide CONDUIT et ACCOMPAGNE ceux qui cherchent le chemin de la grandeur dans l'effort personnel, le risque calculé et la prise de conscience à la fois de leurs faiblesses et des pouvoirs dont ils disposent pour les maitriser. Il conduit les autres parce que d'abord il apprit à se maitriser lui-même.

Maurice Zermatten, juin 1974

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Michel Savioz
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18 avril 2021
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